La gang de Ville-Marie venait nous dévoiler la nouvelle galette écléctique POGOGO samedi dernier! C’est chez leurs amis du Pantoum qu’ils ont étalé leurs panoplies de textures éléctroniques. Talfast, duo électro éclaté rimouskois, s’occupait de réchauffer le plancher sous nos bas de laine.
Talfast
Décrire l’ambiance d’une prestation deTalfast, ouvrant pour Bad Dylan, n’est pas l’exercice le plus facile en ville. Néanmoins, la paire Bas-Laurentienne nous en met plein les oreilles. En toute humilité stylistique, je dirais que leurs épopées musicales gigotent entre le «chiptune» futuriste et le «Dubstep».
«Je sais pas si vous avez remarqué, mais on joue du clavier»
J’y vais rarement de comparaison du genre, mais leurs sons me fait drôlement penser à The Glitch Mob. On peut clairement affirmer que les gars sont amateurs de jeux vidéos rétros par les trames en 8-bits qu’ils produisent. Les principaux intéressés, Antoine Létourneau-Berger et Robert Auclair adorent aussi les cassures de rythmes. Passant d’une aventure de science-fiction complètement désaxée sur fix my bike à une ballade numérique et progressive comme Collapse.
De façon déphasée, synthétique et accélérée, ils profitent du dernier tableau pour balancer du nouveau matériel.
Talfast nous propose une course contre la montre en 2075, la somme d’une belle découverte en ce samedi pantoumien.
Bad Dylan – Lancement de POGOGO
Dire que le dernier album de Bad Dylan n’est pas complexe serait un drôle de mensonge. Troquant la métropole pour rendre visite à leurs potes du Pantoum, le trio Bilodeau, Payant-Hebert, Pépin avait à peine joué ses premières notes alors que nous étions quasiment tous assis en tailleur.
Les trois gaillards nous ont subjugués de leurs nouveaux sons qui exploitent une multitude de couches électroniques. Explorant un nombre incalculable de styles différents, je dirais que que le disco et l’afrobeat sont prédominants dans l’ensemble de l’oeuvre. L’ambiance? En m’aventurant dans une analogie un peu folle, j’avais l’impression d’un party futuro-disco sur une île d’Hawaii. Les pistes Ain’t No sorry et Annunaki reflètent particulièrement cette vision.
Dans une prestation entièrement Instrumentale, ils ont joué la pièce Fièvre mentionnant qu’Anatole s’occupe habituellement du vocal. Respectant une certaine convention de longueur en terme de lancement, leur prestation de courte durée a été purement efficace.
L’univers de Bad Dylan est aussi très fort en textures, eux qui s’associent à l’artiste visuel FVCKRENDER. Normalement, c’est ce dernier qui aurait garni le décor lors du spectacle mais pour l’occasion, Émilie Tremblay s’occupait de l’impressionnant mur de néons en arrière-scène. Notons aussi la sono impeccable, une gracieuseté de Simon Provencher. Un remerciement notoire à Alice Cliche d’avoir prêté ses clichés pour le bien de notre cause!
Hé qu’on avait hâte de retourner à Baie-Saint-Paul, où nos amis du Festif! (vous savez, le festival de fou auquel on assiste quasi-religieusement depuis quelques années) nous accueillaient samedi dernier pour la première soirée de qualifications de la huitième édition du Cabaret Festif! de la relève. Comme nous vous l’avons dit il y a quelques jours, nous aurons la chance de voir cet hiver douze excellents artistes de tous les horizons nous présenter leurs (beaux) projets musicaux. Leur premier objectif : se tailler une place pour la finale du 31 mars, où les participants auront la chance de remporter des prix d’une valeur totale de plus de 10 000 $ et des prestations au Festif! et ailleurs.
Cette année, l’événement est de retour au Cabaret de la Maison Otis (du moins pour les préliminaires) après quelques années passées dans la grande salle multi de l’Hôtel Germain. Et ben franchement, c’est une bonne nouvelle (même si le photographe en moi grognait un brin… pour rien, comme vous pouvez le voir plus bas). L’ambiance déjà relax du Cabaret (on vous l’a déjà dit, on ne s’y sent pas comme dans un concours) est renforcée par ce cadre intimiste.
Avant de commencer le concours proprement dit, les organisateurs du Cabaret ont eu la brillante idée d’inviter un jeune artiste longueuillois de 21 ans qui aurait tout le talent nécessaire pour participer lui-même au Cabaret. Un dénommé Émile Bilodeau, qui fait dans le folk du quotidien qui suscite un certain intérêt chez les spectateurs. Il a dû inviter quelques membres de sa famille à venir l’encourager : on entend du monde chanter ses chansons avec lui.
Blague à part, le porte-parole de cette édition du Cabaret a présenté quelques chansons, dont une plus récente qui montre que depuis qu’il est reparti avec les grands honneurs de la cinquième édition, la plume de ce jeune homme a pris beaucoup de maturité. Il a dû convaincre quelques adolescentes la veille lorsqu’il est allé chanter à la polyvalente du coin parce qu’elles occupaient toute l’avant-scène! Mais les voir chanter, les yeux pétillants et le sourire aux lèvres, les chansons d’Émile, chansons qu’elles connaissaient par coeur, c’est beau.
Fait chaud. On sue déjà pas mal, mais on a la chance de ne pas se trouver sous les projecteurs. On ne reste pas trop loin, parce que le premier groupe entre en scène, mais on irait bien se lancer dans un banc de neige (bien lourde et mouillée) dehors.
La première formation en lice est un duo folk de Québec nommé The Johans et composé d’Émilie Rochette et Cynthia Larouche. Premier constat : comment ont-elles fait pour passer complètement sous notre radar depuis leurs début? Bien qu’encore un peu vertes, les deux filles sont super talentueuses. Elles ont le sens de la mélodie, qu’elles affichent avec une belle authenticité, sans compter une belle présence sur scène (on est dans un concours et les grands prix comprennent des grosses prestations, alors c’est important!). Accompagnées de deux musiciens pour l’occasion, Émilie et Cynthia n’ont eu aucun mal à convaincre le public, qui a accepté leur proposition avec enthousiasme. Émotion et conviction assorties de mélodies efficaces. Je pense qu’on va revoir ces deux-là plus tôt que tard.
Laura Babin a ensuite foulé les planches pour nous présenter quelques-unes de ses chansons. Même si on l’avait déjà vue voler solo, il était intéressant ici de la voir proposer son rock aérien dans un trip à trois bien exécuté. On a Water Buffalo et ses couplets aussi lents que ses refrains sont intenses en tête depuis.
Parlant de trip à trois, ce sont Les Monsieurs qui ont le plus impressionné les membres du jury en cette première soirée. En formule trio (un membre était absents), les trois musiciens ont livré une prestation convaincante en menant une charge à fond de train. Des textes solides et engagés, une musique livrée avec énergie brute, un rock typiquement québécois, un projet prêt pour la scène, on peut comprendre pourquoi le jury les a choisis.
La soirée s’est terminée avec nos chouchous pantoumiens De la Reine. La pop groovy aux accents trip-hop d’Odile Marmet-Rochefort, Vincent Lamontagne et Jean-Étienne Collin Marcoux a visiblement plu aux Charlevoisiens qui ont écouté attentivement, sauf pour applaudir les prouesses de nos trois musiciens (surtout les solos de Vincent et les envolées d’Odile – qui m’impressionne chaque fois que je l’entends). Seul regret : vingt minutes ne suffisent pas pour saisir toutes les nuances de la proposition du groupe de Québec. De la Reine a remporté le vote du public, ex aequo avec The Johans; les deux formations seront donc du vote Internet qui se déroulera en mars prochain, juste avant la finale.
On a passé une maudite belle veillée à Baie-Saint-Paul avec quatre formations complètement différentes, mais toutes talentueuses. Sur papier, il était difficile de prévoir un gagnant. Après avoir vu les quatre prestations, il était encore plus difficile d’en déterminer un.
Ça annonce bien pour la suite. Prochain rendez-vous le 17 février avec Artifice Palace, Jessy Benjamin, Joey Robin Haché et Natation. Ben franchement, on sait pas qui va se démarquer. Et c’est bien ainsi! Billets en vente ici :
Le samedi 27 janvier, j’ai eu le plaisir de découvrir Gabriel Bouchard. Le jeune homme originaire de Saint-Prime au Lac Saint-Jean (municipalité où Fred Fortin a aussi grandi) a assuré la première partie du spectacle en solo avec sa guitare. Ses textes racontent des histoires de grosses soirées et d’amours manqués avec un débit qui rappelle un peu le folk trash. Les thèmes abordés dans ses textes, sa prestance et son style musical nous rappellent les échos d’un autre Fortin… Dédé! Devant un auditoire semi-attentif, Gabriel Bouchard a enchaîné ses chansons en réussissant à capter l’attention de quelques curieux. J’ai même aperçu quelques fans qui chantaient en choeur plusieurs de ses refrains.
On a pu avoir des versions solos des pièces de son EPCerveau-Lent,sorti cet automne. J’ai beaucoup apprécié la balade « Yé passé où l’soleil? », où Gabriel Bouchard nous a démontré l’étendue de ses capacités d’auteur-compositeur-interprète. Le texte est à la fois nostalgique et d’une candeur déchirante.
Cette mise en bouche nous a donné envie d’en entendre plus, et la prochaine fois, avec son groupe. Peut-être aurait-il pu mieux capter l’attention de la salle avec une formule full-band. N’empêche que Gabriel Bouchard a livré une très belle performance. Nous avons hâte de le revoir.
Fred Fortin
Le dernier show d’une tournée qui dure depuis 2016, ça se fête en grand ! Plusieurs se souviennent du spectacle de Fred Fortin à l’Impérial cet été à l’occasion du Festival d’été de Québec (FEQ). Le 27 janvier, nous avons eu le spectacle complet : une soirée où Fortin était maître de cérémonie et le public, rassemblé en fidèles, a écouté ses chansons défiler pendant plus de 2 heures.
Ce public m’a d’ailleurs surpris ; il était composé autant de fans dans la vingtaine que de vétérans autour de la quarantaine. C’est à la suite de ce constat que je me suis souvenu que son premier album, Joseph Antoine Frédéric Fortin Perron, date de 1996, ce qui explique l’étendue d’âge de son public. Amassée devant la scène, la foule a tout de suite réagi aux premières notes d’une belle introduction planante avant « Oiseau », cette chanson incroyable qui m’a tout de suite conquis lors de ma première écoute de son plus récent album, Ultramarr, à sa sortie.
Composé surtout de pièces dudit album, sa set list faisait cohabiter autant les chansons plus rock que folk doux du répertoire de Fortin. Quoique durant cette soirée-là, on a eu droit à des versions électriques pesantes de plusieurs chansons. C’est le cas de « Gratte », où Fred a livré un long solo de guitare bien appuyé par ses musiciens. Et ses musiciens, justement, parlons-en ! Pour ce spectacle full band, l’artiste s’est entouré d’une bande de musiciens les plus talentueux les uns que les autres. La chimie entre Olivier Langevin et lui-même, le duo vedette de Galaxie, était palpable. On a eu droit à des vrais jams aux influences notables de Gros Mené (entre autres dans « Ti-chien aveugle ») par le son lourd et puissant de cet autre projet du duo.
Alors que la formation quittait la scène après une version allongée de « Scotch », nous étions certains que le concert était fini. Évidemment, nous en redemandions plus. Fred est revenu sur scène pour deux chansons solos qui lui ont valu un sincère et émouvant « Merci Man ! » d’un spectateur visiblement très ému du moment qu’il vivait. C’est alors que le groupe est encore revenu sur scène pour un dernier 30 minutes de pure folie où le jam et la complicité étaient les seuls maîtres.
Le groupe semblait lui aussi ému lors des derniers adieux. Après plus d’un an de tournée ensemble, Fred et sa bande ont livré une ultime performance qui marqua très certainement tous ceux et celles qui ont eu le privilège d’assister à cette soirée inoubliable.
Ne vous inquiétez pas, vous aurez encore la chance de revoir Fred Fortin dans les prochains mois : il entame une série de spectacle solo auxquels nous avons déjà hâte d’assister.
Merci Fred pour cette soirée intense. Merci pour ta musique ! Nous attendons la suite.
Le dimanche matin, ce n’est pas toujours facile de sortir de chez soi. Surtout lorsque la veille on a vu Fred Fortin à l’Impérial…
Armé de mon courage et de mon enthousiasme pour la découverte, j’ai monté l’escalier de Saint-Roch vers le Grand Théâtre où Jean-François Bélanger se produisait dans le cadre de la série de concerts les « Croissants-Musique ». Cette fabuleuse initiative nous permet d’aller voir gratuitement des groupes dans le foyer de la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre, environ une fois par mois. Je vous suggère fortement d’aller voir la programmation et d’assister à ces belles matinées !
Jean-François Bélanger est un multi-instrumentiste s’intéressant beaucoup aux instruments scandinaves. Sur scène, il joue du nyckelharpa, du tenor harpa, de la contrabasseharpa (des cousins nordiques de la viole de gambe) ainsi que du violon Hardanger(le cousin nordique du violon).
Il présente des compositions originales inspirées fortement des sonorités propres à la musique traditionnelle du Nord de l’Europe. Sa musique n’a rien d’exclusif à une seule culture : le musicien nous propose un voyage sur une terre qui n’existe pas, un endroit idyllique où les peuples et les cultures cohabitent en paix. La musique traditionnelle évoque un sentiment de retour à la terre ainsi qu’une certaine nostalgie. Cette musique est un conte fantastique où les nombreux instruments de Jean-François Bélanger racontent l’écho des siècles qui aurait porté cette musique jusqu’à nos oreilles.
C’est devant un auditoire assez âgé, mais très nombreux, que Jean-François et son groupe débutent le spectacle avec le premier titre figurant sur son plus récent album :Les eaux de l’oubli/Jökulhlaup. Cette pièce nous transporte tout de suite dans ce monde imaginaire en raison des influences moyen-orientales et scandinaves sur les mélodies entendues. Ce métissage pourrait nous paraître curieux, mais la virtuosité des instrumentistes nous convainc tout de suite et nous transporte. Le voyage est entamé.
Jean-François était accompagné par une brochette très impressionnante de musiciens. Élisabeth Giroux au violoncelle brillait par la clarté et la virtuosité de son jeu, surtout dans la « Valse militaire » ainsi que dans « Les ogres de Barbarie ». Le guitariste Yann Falquet nous a beaucoup impressionné par sa créativité à la guitare, mais aussi par les chants harmoniques qu’il exécutait dans plusieurs pièces. Cette technique vocale permettait de soutenir l’atmosphère sonore des pièces par ce son riche en harmonique. Finalement, le percussionniste Bernard Ouellette démontrait une polyvalence incroyable et maniait tous ses instruments à la perfection lors de ses interventions toujours très pertinentes.
Le groupe, qui nous a tantôt bercé avec des chansons comme « Les ornières du vide » et « Les eaux de l’oubli », nous a aussi donné envie de danser avec les plus énergiques « La Tiraille » et « Les ogres de Barbarie ». La chanson « Pitou’s trip to Norway» était très intéressante. Elle est un hommage au violoniste traditionnel québécois Louis « Pitou » Boudreault, reconnu pour son légendaire furieux coup d’archet. Dans cette chanson, ce coup d’archet est utilisé pour jouer une mélodie sur le violon Hardanger.
Après une heure de pur bonheur, le public en redemanda et la formation termina en beauté cette matinée musicale avec la très entraînante pièce « La Tiraille ».
Je vous conseille fortement de vous procurer ses deux plus récents albums, Les vents orfèvres(2014) et Les entrailles de la montagne(2017), qui ont été enregistrés comme un diptyque sur quatre ans. C’est une musique qui vous fera assurément voyager en Europe du Nord et plus loin encore…
La programmation du Phoque OFF 2018, qui se proclame (avec raison) « le festival de diffusion alternative déjanté » et qui se déroulera du 11 au 14 février, a été dévoilée . Pour ceux qui ne connaissent pas, le Phoque OFF se déroule depuis quelques années en marge de la Bourse RIDEAU et on l’a vu rapidement trouver sa voie… et sa personnalité. L’année dernière, on a pu y voir, entre autres, Anatole, Gab Paquet, Mauves, Caravane, Sandveiss et The Damn Truth. Et cette année, le Phoque OFF s’ouvre à de nouveaux horizons musicaux tout en présentant une série de discussions (Messe Basse, dont on vous a parlé en même temps que le dévoilement de RIDEAU).
Anatole est de retour au Phoque OFF cette année. Photo : Jacques Boivin (archives)
Présentées en collaboration avec un paquet d’organismes et d’entreprises qui gravitent autour des scènes locale et indépendante, ces vitrines seront l’occasion pour les gens du milieu et les mélomanes de tous les horizons de faire de belles découvertes.
Louis-Philippe Gingras – Photo : Jacques Boivin
Cependant, il va falloir user nos souliers pour passer d’un lieu à l’autre parce que les choix sont nombreux… et déchirants! On ne mentionne que quelques noms, question de vous mettre l’eau à la bouche : Jérôme St-Kant, Fria Moeras, Mélanie Venditti, Prieur & Landry, Valery Vaughn, Olivier Bélisle, Kyra Shaughnessy, Raton Lover, Val Thomas, Oktoplut, Floes, Louis-Philippe Gingras, Anatole, Mathieu Bérubé, Laura Babin, Mat Vezio, Beat Sexü, Bad Dylan, Fuudge, Lubik, Les Trimpes, Choses Sauvages, La famille Ouellette, Mort Rose, Les Hôtesses d’Hilaire, Le Winston Band, Laura Lefebvre, Lakes of Canada et de nombreux autres artistes à découvrir ou à redécouvrir.
Le plus beau, c’est que vous pourrez voir toutes ces belles gensses en vous procurant un laissez-passer qui vous coûtera moins de 25 $!
Pour en savoir davantage sur le Phoque OFF (notamment la programmation complète), visitez leur site Web!
C’est devant son troupeau assoiffé de rock et d’intensité que Keith Kouna est monté sur la scène de La Taverne de St-Casimir passé les 22 heures le 26 janvier dernier. Avec le ventre plein et la gorge bien hydratée grâce aux incroyables bières de la microbrasserie Les Grands Bois, le public était plus que prêt pour commencer un spectacle de Keith Kouna comme il se doit.
Toutes les fois où j’ai vu Keith Kouna en spectacle, il était seulement accompagné d’un clavier ou de sa guitare, alors je n’avais aucune idée à quoi m’attendre avec une formule full band.
C’est avec la pièce Vaches, tirée de son plus récent album Bonsoir shérif, qu’il a commencé son épique performance. Je pense qu’avant même qu’il ne prononce un mot, un moshpit géant s’était déjà formé en avant de la scène. La soirée s’annonçait déjà très bien, alors je me suis levée de mon siège, j’ai enlevé mes coudes accotés au bar et j’ai suivi la parade en dansant.
Keith a enchaîné avec sa voix de rockstar avec la pièce Bonsoir shérif sous les gros stroboscopes qui se faisaient aller pendant qu’il chantait accroupi sur la caisse de son devant lui.
Après un court moment plus sombre et lent, la fête a continué avec les chansons de l’album Du plaisir et des bombescomme Pas de panique, Comme un macaque et La fille. La madame était contente : c’est vraiment l’un de mes albums favoris à vie! J’ai même vu le propriétaire, Dan, du haut de ses sept pieds (j’exagère un peu), lever les bras en l’air et fouler le plancher de danse le temps de la chanson Tic Tac.
Après quelques chansons et après que la boule disco se soit fait aller le pompon, Keith Kouna a laissé la folie retomber pour nous faire chanter Anna. On avait l’air de réciter une prière, heureux et vidés de toute notre énergie à force de s’époumoner et de se déhancher depuis une heure déjà.
Ma nouvelle chanson préférée est clairement Marie, que j’ai mieux connue en spectacle et dont je suis vraiment tombée en amour en la réécoutant par la suite.
Je dois vous avouer, et je pense qu’il y avait consensus dans la salle, que ses plus vieilles chansons vont toujours rester des classiques. On s’est tous arraché les amygdales sur Le tape, mais encore plus sur Labrador, qu’il avait gardée pour le dessert.
Vers la fin, il était seul sur scène et nous a gâtés avec Crabe de poche de son groupe Les Goules, que tout le monde connaissait, évidemment. Et il ne pouvait partir sans faire Batiscan, on s’en doutait bien trop.
Avec le bodysurfing, les ballades rock, les moshpits et les genoux en feu, on peut dire que l’année 2018 a commencé plus fort que prévu grâce à ce petit bout d’homme et sa bande!
Pour une soirée intime, on ne peut demander mieux qu’une introspection aux confins des univers aériens de Margaux Sauvé et Camille Poliquin. Initialement prévu au Cercle, ce rendez-vous électro-pop était donc déplacé trois portes plus loin, à l’Impérial Bell. Moment immersif et touchant qui ne laisse personne indifférent!
Ghostly Kisses – Photo : Jacques Boivin
Ghostly Kisses
D’une douceur apaisante, une voix éthérée a plongé l’audience dans une obscurité sonore, celle de Margaux Sauvé. Difficile et quasi impossible d’être passif envers une voix si envoûtante. Le trio complété par Antoine Angers (guitare, voix) et Louis-Étienne Santais (clavier) a su captiver l’attention des impérialistes présents.
Générant une foulée de lents hochements de têtes, le trio a enchaîné les pièces du EP What You See. Suite à la relaxante Gardens, Sauvé y est allée d’une première et courte intervention, mentionnant l’honneur d’ouvrir pour KROY. Continuant l’hypnose ambient, elle a repris avec brio Running To The Sea de Susanne Sundfør et de la formation norvégienne Röyksopp. Devant une audience quelque peu évasée, Ghostly Kisses a poursuivi avec Such Words, particulièrement frissonnante. Chaque note jouée de celle-ci saisissait et la tristesse romantique des paroles donnait froid dans le dos. Sans compter les passages au violon qui amplifient le vertige.
I felt this instant of desire Before I went back to my head And then I crawl back Into your arms
Que dire de ce dénouement alors que Sauvé, émue, nous a raconté l’admiration qu’elle avait pour Dolorès O’Riordan avant de nous offrir une reprise downtempo de Zombie. Un hommage touchant qui clôturait une heure planante signée Ghostly Kisses.
KROY – Photo : Jacques Boivin
KROY
«On aime Québec, on voudrait que tout les shows soient comme ceux à Québec.» Comment ne pas aimer Camille Poliquin, alias KROY? La Montréalaise et moitié de Milk & Bonea conquis les néophytes et comblé les initiés. Ses ambiances trip-hop combinées aux couches synthétisées ont fait vibrer l’Impérial. Pour l’occasion, elle s’est entourée de Guillaume Guilbault aux claviers et de Charles Blondeau à la batterie électronique.
Elle est entrée en scène avec Hull, titre initial de son album Scavenger. La table était bien mise! Tapant de plein fouet sur son « Drum Pad Machine » elle a continué avec Learn, morceau semi-langoureux et dansant où elle propulse sa voix très haute. Alternant les pièces de son opus, elle s’est aussi gâtée en déconstruisant In my mind des Killers.
La force de sa performance réside certainement dans les contrastes de styles qui s’agencent drôlement bien. Elle peut nous enlacer avec une mélodie dream pop pour finalement casser le rythme avec des sons trance accélérés. En plus de mélanger les sonorités, elle nous amène parfois à rêver ou planer, à travers des nuages analogiques (non ce spectacle n’est pas en VR).
Un des moments forts du concert est l’exécution de Monstrosity, cette pièce phare de son album. Sur cette dernière, Poliquin nous récite carrément un conte d’amour sur une ambiance électronique. Vous comprenez déjà, ou comprendrez à l’écoute audio, mais l’entendre de vive-voix est une expérience en soi.
La deuxième artiste à fouler les planches du District St-Joseph pour la deuxième vague des Apéros FEQ est Lou-Adriane Cassidy.
La native de Québec a attiré une foule nombreuse pour l’écouter. Cassidy, que nous avions déjà vue dans plusieurs festivals, était accompagnée par Simon Pedneault et nous a présenté ses compositions en version full band. En plus de Pedneault, les claviers étaient assurés par Vincent Gagnon, la basse par Jessy Caron et la batterie par Pierre-Emmanuel Beaudoin.
La voix chaude et ronde de Lou-Adriane Cassidy a bercé le District dans plusieurs moments forts, comme lors de la chanson Grande Respiration ou encore celle des Soeurs Boulay, que j’avais entendue au Grand Théâtre lors d’une précédente prestation. Cette interprétation a gagné en profondeur avec les musiciens qui accompagnaient Lou-Adriane. Chacun d’eux a eu son moment sur scène et leurs talents s’unissaient à merveille.
Lou-Adriane en a aussi profité pour reprendre la pièce de Leonard Cohen The Partisan, que la chanteuse a livré avec brio et qui lui collait à la peau. La chanson Il pleut s’est aussi montrée plus riche en émotions, ponctuée du piano joué par la jeune auteure-compositrice-interprète.
Elle a terminé son tour de chant avec Ça va, ça va, que plusieurs connaissaient déjà. Lou-Adriane Cassidy a le vent dans les voiles, et c’est tant mieux. L’avenir nous dira assez vite si elle sait tirer son épingle du jeu. À mon humble avis, je crois qu’elle a réussi et j’attends avec impatience son album complet.
La gent estudiantine a répondu en grand nombre à l’appel que lui faisait la CADEUL mercredi dernier à l’occasion du Show de la Rentrée de la session d’hiver. Il faut dire que le savant dosage de la programmation devait y être pour quelque chose. Combinant les rythmes irrésistibles de Le Couleur au succès incontesté de l’artiste local Karim Ouellet, le spectacle a pourtant débuté avec une incursion dans la scène émergente de la Vieille-Capitale grâce au sombre velours musical que tisse Fria Moeras.
Fria Moeras
Fria Moeras – Photo : Jacques Boivin
Ceux qui fréquentent assidûment la scène du Pantoum avaient eu la chance d’entendre Fria Moeras il y a à peine quelques mois. Or, dans le cas de la majorité des spectateurs, ça m’avait tout l’air d’une première rencontre. Pour l’occasion, l’artiste avait invité trois comparses bélugas à l’accompagner à la guitare (Simon Provencher), à la basse (Mathieu Michaud) et à la batterie (Jérémy Boudreau-Côté). Leur présence donnait une force rock à l’indie-pop mélancolique de la chanteuse.
Musicalement, l’univers de Fria Moeras impressionne par son exhaustivité : exploitant autant les graves suaves que des aiguës éphémères, elle raconte des histoires de cœur, d’aéroport ou de fièvre. La simplicité des arrangements permet de mettre en avant l’originalité des mélodies ainsi que le grain particulier de sa voix.
Le Couleur
Le Couleur – Photo : Jacques Boivin
Alors que les spectateurs – pourtant déjà nombreux – continuaient d’affluer, les membres de Le Couleur se présentaient sur scène. Accueil chaleureux de la chanteuse, Laurence Giroux-Do, qui est chaleureusement rendu par le public. Explosion de couleurs* sur les vêtements noirs et blancs du groupe tandis que leur musique transformait le Grand Salon en discothèque le temps d’un soir.
Lors de leur performance livrée avec énergie, Le Couleur nous a littéralement plongés dans son répertoire électro-pop franco savamment brodé autour de l’univers (sonore et thématique) des années 1980 et du disco. Ça n’en prenait pas moins pour accrocher la foule. On peut notamment souligner, à titre de moments forts, l’exotique Club italien, les profondeurs sensuelles de Underage ou encore la pièce finale, que le public a chantée en chœur : Voyage Amoureux.
* : Props aux jeux d’éclairage de Kevin Savard, qui allaient chercher des nuances colorées hors des habituels rouges, bleus et verts.
Karim Ouellet
Karim Ouellet – Photo : Jacques Boivin
Notre fin renard n’a plus besoin de présentation, encore moins dans sa Labeaumegrad d’origine. Foulant un Grand Salon plein à craquer, le cortège alimenta une assistance déjà conquise. Pour l’occasion, Karimétait accompagné d’Olivier Beaulieu à la batterie, des valeureux Valairiens Robert «Tô» Hébert et Jonathan «Doc» Drouin respectivement à la trompette et au saxophone. Le fidèle bassiste Guillaume Tondreau complétait alors l’alignement.
Il nous proposa d’abord d’emprunter cette fameuse « route parsemé de doutes » sur Cyclone, itinéraire accepté à l’unanimité par les amateurs survoltés. S’enchaîna une symbiose pop-folk cuivrée à cheval entre Trente et Fox. À mi-chemin de la prestation, l’audience a pu se régaler de Marie-Jo, ma petite favorite et de L’amour, succès incontesté.
« Tout ceux qui ont un cours demain matin levez vos mains », demanda la vedette de la soirée à une foule d’étudiants en extase. Karim joua le même tour à Guillaume, lui demandant si il allait bien, pour finalement le faire danser à la demande générale. Enrichi par des interludes instrumentales funk entre certaines pièces, comme ce fût le cas pour La mer à boire, nous avons été témoins, sans nous déplaire, d’une performance unique. En plus de déconstruire quelques morceaux, Monsieur Ouellet épata la galerie avec un court solo de guitare à la fin de Trente, titre éponyme de son dernier opus. Karim et le loup, particulièrement entrainante, mis fin à la prestation nickel des animaux de la forêt, arborant leurs camisoles de basketball.
Sans trop lancer de fleurs, (un peu tard me direz-vous) l’idée de débuter les festivités à 21h30 fut profitable pour tout les parties. De facto, on peut clairement affirmer qu’on recense rarement autant de spectateurs pour cette tradition du mois de janvier. Une affluence hors-norme pour un Show de la rentrée hivernal et une réussite sur toute la ligne.
Mots doux et photos sublimes signés Boivin, Fortier, Tremblay
Il y a quelques jours, nous avons rencontré Fany Rousse pour jaser avec elle de Route d’artistes, qui est présentement en période d’inscription (jusqu’au 19 janvier).
On va commencer l’entrevue par une question vraiment plate : Fanny Rousse, c’est ton vrai nom?
Oui, c’est mon vrai nom. Chaque fois que j’ai des entrevues, il y a toujours quelqu’un aussi qui vient me voir pour être sûr. Même des amis que je connais depuis dix ans me le demandent. « Hein! C’est‑tu ton vrai nom? — Bien oui. — Non, donne‑moi tes cartes. »
Présente-nous Route d’artistes.
C’est un réseau de diffusion alternatif présent un peu partout au Québec. On va dans de petits lieux qui permettent de partir en tournée avec des artistes émergents en musique. On peut aussi faire de l’humour, de la poésie, du slam, mais jusqu’à maintenant, y’a que la musique qui a été choisie. On va dans de petits lieux : ça peut être autant un salon, chez les gens directement dans la maison. Ça peut être dans un café, dans un appartement, dans un restaurant. Ça peut être dans une auberge. Plein de petits lieux rassembleurs où on est tout au plus 50 personnes.
Comment est‑ce que ça fonctionne? Est-ce que tu approches les salles ou les lieux, ou bien ce sont les gens qui vont t’approcher en général?
Les deux. J’ai commencé par approcher les gens que je connaissais, les trippeux de musique, qui avaient des maisons; j’ai demandé à des amis de me stooler des amis qui avaient des maisons. Ça a commencé comme ça, puis dans des lieux que je connaissais déjà puisque j’avais habité dans des auberges de jeunesse; au début, c’est moi qui les approchais, puis il y a des gens qui m’ont écrit. Quand je vois des beaux lieux, je dis « hein! C’est donc bien le fun ici, faites‑vous des shows de musique des fois? » C’est toujours ma première question quand je débarque dans un lieu trippant.
Sinon, il y a le bouche à oreille. Quand il y a un spectacle, on est 35, j’explique toujours le concept au début. On est dans une maison, mais des fois, les gens ne sont pas conscients qu’on vient de faire sept shows dans d’autres maisons derrière puis qu’on est présentement en tournée. Je leur dis : « Si vous connaissez des gens n’importe où au Québec, vous pouvez leur dire de m’écrire. Puis il y a les réseaux sociaux.
Quand as-tu commencé?
On a commencé Route d’artistes en septembre 2014.
Depuis ce temps, tu dois avoir créé un certain réseau.
Oui. Mais il faut toujours en parler, comme n’importe quoi. Comme ecoutedonc.ca aussi. Il faut toujours en parler pour que les gens nous connaissent et nous découvrent. Mais, oui, ça commence à faire le tour, les artistes aussi, ils savent c’est quoi.
Fany Rousse – Photo : Jacques Boivin
Vous cherchez avec Route d’artistes à visiter des salles plus intimes, des spectacles d’une cinquantaine de personnes, mais est‑ce qu’il y a beaucoup de gens qui viennent aux spectacles?
Oui. Ce qui marche le plus, c’est les spectacles dans les maisons. Ça marche aussi beaucoup dans les cafés ou les auberges. On fait de soupers-spectacles. Y’a certains endroits publics, une nouvelle microbrasserie, un nouveau café, des fois ça fonctionne moins bien, mais tu sais, en disant « moins bien », il y a peut‑être 15, 20 personnes.
Je trippe à aller faire ça. Puis un café qui vient d’ouvrir, il est intéressé à avoir de la musique, mais il ne sait pas comment ça marche et il n’a pas d’équipement de son. Il ne sait pas ce qu’est la SOCAN; moi, j’arrive, je déclare la SOCAN, j’ai mon équipement de son. Le but, c’est qu’il y ait 15 personnes la première fois, puis 25 quand je reviens…
Un artiste de Québec, Pierre-Hervé Goulet, avait fait quelque chose de similaire quand il a lancé son album. Il a décidé de parcourir le Québec puis d’offrir des spectacles chez les gens. Il y a des démarches comme ça, comme Route d’artistes, qu’on voit de plus en plus émerger en ce moment, puis en parallèle on voit des salles de spectacles comme le Cercle qui ferment. C’est comme si ça annonçait un virage dans l’industrie du spectacle. Qu’en penses-tu?
Bien, je pense que le concept attire beaucoup. Tu sais, s’il y a un concert au coin de la rue, dans un bar, ou dans une salle de spectacle. Je donne tout le temps l’exemple de ma mère. Ma mère n’y irait pas nécessairement. Mais si je fais un show dans une maison où ma mère pourrait venir, je lui dis : « Viens, il va y avoir des amis, il va y avoir du monde que tu connais, invite tes amis ». Ma mère vient voir les spectacles puis elle découvre les artistes.
Des fois, c’est davantage le concept qui impressionne. Il y a un artiste dans la maison de mon ami, ou c’est un show intime dans l’auberge du village où je ne suis jamais vraiment allé parce que les gens ne vont pas nécessairement visiter leur auberge. Tu y vas, puis tu vas découvrir l’artiste, puis c’est sûr que tu vas avoir du fun. Ça fait que je pense que le concept est très vendeur.
C’est comme si toi, tu amenais le spectacle chez eux.
Oui, c’est ça. Souvent, on organise un souper dans la maison avant le spectacle. Si les hôtes de la maison le veulent, ils disent à leurs amis puis à leur monde : O.K., on fait un potluck. Ça fait que, en 5 à 7, on mange tout le monde ensemble, puis après ça, à sept heures et demie (7 h 30), huit heures (8 h), il y a le show. Tout le monde apporte quelque chose, l’artiste est là, puis on mange tout le monde ensemble. Ce qui est drôle, c’est que la plupart des gens ne savent même pas c’est qui, l’artiste. Ils viennent carrément parce que leur ami…
On mange, puis on dit : « ah, toi, tu es qui, t’sais, par rapport à… — Bien, moi, je suis l’artiste. — Ah, salut! » Ça crée un contact qui est vrai, qui est franc aussi avec les gens.
C’est une autre ambiance que la scène, un espace où le public peut avoir une certaine gêne à cause de la distance. T’sais, comme je dis souvent, il n’y a pas de « Bonjour Montréal, ça va bien? », c’est comme « Salut — tout le monde dans les yeux — ça va? Parfait, moi aussi ça va bien. » Ça fait que c’est juste à la bonne franquette, dans le fond, un spectacle.
C’est une façon de revisiter le spectacle qui est très intéressante.
Oui.
Fany Rousse – Photo : Jacques Boivin
Vous avez l’air d’avoir pas mal de succès un peu partout.
Oui, ça va bien. Puis il y a de plus en plus de gens qui offrent leur maison aussi. Ça prend toujours des gens qui offrent leur maison puis des lieux… il y a plein de lieu trippants aussi qui font déjà ça.
Des espèces de shows uniques, mais ils font un ou deux shows par année, puis ils me disent, « hein! Route d’artistes, on vient de te découvrir, on peut faire partie des prochaines tournées? » Je leur réponds : « Ben oui! ». Je rencontre plein de gens trippants avec qui collaborer.
Ce que je trouve le fun, c’est de faire la tournée. De créer la tournée. Puis je trouve ça le fun que les gens font déjà des shows. Tu pourrais en faire une fois par mois, si tu veux, un show chez vous, dans ton appartement, ta maison. C’est génial. Puis si tout le monde faisait ça, ça serait encore plus génial. Mais moi, mon trip, c’est de me dire, O.K., on fait une tournée puis on se promène. Mais il faut que les gens ouvrent leurs maisons puis en fassent de plus en plus, des spectacles comme ça, puis qu’ils contactent l’artiste qu’ils veulent, c’est très facile à faire par la suite.
Si j’ai bien compris, tu apportes les outils et les permis, tu t’occupes de la paperasse ou des choses que les gens ne savent pas nécessairement.
C’est ça qui est le fun. Tout est réglo de ce côté. En même temps, ça profite aussi aux artistes, parce que chaque spectacle, même s’il se produit dans une maison, c’est considéré comme une représentation devant public, parce que public il y a. Tout est déclaré. Ils sont donc mieux payés par la suite.
Est‑ce que c’est relativement rentable pour un artiste de faire ce genre de tournée là?
Pour les artistes, oui. Moi, pour l’instant, je ne suis aucunement payée. C’est du bénévolat. Mais un jour, je vais trouver une formule hyper gagnante et puis je vais balancer tout ça.
Mais pour les artistes, oui, parce qu’ils n’ont aucun… ils n’ont aucune dépense, dans le fond. Ils sont payés à chaque spectacle, ils ont toutes les redevances de la SOCAN, puis ils n’ont pas de nourriture à payer, de gaz. Tout est… c’est comme une tournée inclus. Tout ce qu’ils ont à faire, c’est présenter des spectacles pour se faire découvrir.
Puis la vente d’albums aussi, ça se fait bien dans les…
Dans l’espace privé?
Dans ce contexte‑là, oui. Souvent, les gens veulent vraiment repartir avec un objet.
J’ai fait une tournée avec Jérôme 50 en automne 2016. Il avait un EP de cinq chansons qu’il vendait cinq dollars. Il les a tous vendus. Les gens étaient fâchés en dernier, parce qu’il n’y en avait plus, il leur répondait : « oui, mais là, je n’en ai plus ». Les gens, ils veulent avoir quelque chose après avoir rencontré en proximité comme ça.
C’est très différent du comportement du spectateur moyen dans une grande salle de spectacle.
Route d’artistes, c’est un projet que tu as développé?
Oui.
Où te vois-tu dans ce projet dans cinq ans? Comment ça pourrait se développer?
Je veux que ça se développe, et j’ai des objectifs pour 5, 10, 15 ans, tout le temps! Je ne peux pas trop dévoiler mes idées, mais c’est comme je dis tout le temps, l’idée de Route d’artistes, c’est de faire une espèce de map du métro, là. Si on regarde mettons la map du métro de Montréal, il y a plusieurs tracés.
C’est un peu ça que je veux faire avec Route d’artistes, qu’il y ait vraiment plusieurs routes déterminées… puis des nouvelles aussi, mais qu’on puisse avoir plusieurs tournées même en même temps.
On pourrait se dire : « Cette année on a quatre tournées ou cinq tournées, celle-là, c’est comme la ligne verte. » On a une tournée qui est tracée là pendant qu’il y en a une autre qui démarre au Lac‑Saint‑Jean et qu’une autre fait le tour de la Gaspésie. Donc, si on pouvait avoir des tournées stables comme ça, des chemins établis… Avec plusieurs collaborations aussi, là. Il y a plein d’idées qui sont en chemin.
Fany Rousse – Photo : Jacques Boivin
Donc, Route d’artistes, à surveiller pour les prochaines années, voir comment ça va prendre de l’expansion?
Oui, absolument.
T’es présentement en période d’inscription?
Oui. C’est la troisième année que je fais ça. Il y a une période d’inscription pendant laquelle les artistes peuvent s’inscrire pour faire les prochaines tournées. Les gens ont jusqu’au 19 janvier pour s’inscrire pour les tournées 2018.
Deux artistes seront sélectionnés pour une tournée au printemps, puis une autre à l’automne.
On est une dizaine de personnes sur le jury. On écoute tous les liens, la musique que les gens nous envoient. On détermine chacun nos coups de coeur et selon un système de pointage, les deux personnes qui se démarquent sont sélectionnés.
Comment as-tu composé le jury?
Il y a des gens qui travaillent dans l’industrie. Des gens qui s’occupent de festivals, de salles de spectacles, des agents d’artistes, des gérants. Des gens qui ont des maisons et qui ont déjà accueilli quatre ou cinq shows chez eux. Eux aussi, ils veulent participer au processus! Je les laisse participer et décider de ce qu’ils veulent entendre chez eux. Puis je choisis moi aussi, mais tous les votes ont la même valeur. On vote pour notre coup de coeur, mais il y a toujours quelques artistes qui se démarquent. On ne se connaît pas tous, on ne connaît pas nécessairement nos goûts, mais des fois, c’est l’année de telle personne, puis on est tous d’accord. C’est pas trop difficile.
Je me dis, dans ces spectacles‑là, il y a tout le temps se produire quelque chose de vraiment particulier, vu que ce sont des spectacles plutôt uniques, comme tu disais…
Oui.
As-tu des anecdotes? Des trucs qui t’ont marquée pendant ce parcours?
Chaque tournée est différente. Il faut être là pour le vivre, là. Je pense à la dernière tournée avec Olivier Bélisle, parce que c’est la plus récente. Quand on est arrivé dans une place où je ne connaissais vraiment personne, c’était quelqu’un que je ne connaissais pas qui fêtait un anniversaire, sa blonde qui m’avait écrit pour les40 ans de son chum. Olivier, il a vraiment seizé le monde qui était là, puis il a changé ses textes pour mettre le nom de famille du fêté dans ses phrases, puis là, tout le monde, on chantait ça. C’est comme un moment pas rapport qu’on a vécu tout le monde, on chantait ensemble, même si personne connaissait la chanson, mais Olivier, il a vraiment été vif. Ce sont toutes des petites choses comme ça, là. Sinon, la rue qui déborde de chars un peu partout. Ils ne sont pas habitués d’avoir autant de gens. On s’improvise des stationnements sur le gazon. Il y a aussi Joëlle Saint‑Pierre qui avait dit : « Bon, à quelle heure on revient pour l’entracte? Tout le monde, à 9 h 12, c’est écrit sur le four, on revient. »
Les artistes en profitent souvent pour casser des tounes, puis ils parlent aussi beaucoup entre les chansons pour nous raconter des choses ou juste en profiter pour dire plus de niaiseries quand ils sont habitués de dire des niaiseries, puis…
Tu penses qu’ils se laissent peut‑être un peu plus lousses parce que le contact se fait mieux?
Oui, oui oui, absolument. Il y a une grosse différence. Ce que j’aime de ces shows‑là, c’est que ce n’est pas un show qui est parfait. Ce n’est pas « alors, j’ai une chanson, c’est ça, trois, quatre », avec aucune erreur. T’sais, ce n’est pas ça le but, là. On s’en fout s’il se trompe dans sa guitare, dans les paroles; on la recommence! C’est plus vraiment authentique comme spectacle.
D’après toi, est‑ce que c’est pour tout le monde, Route d’artistes, les types de groupes de musique?
Non, absolument pas! C’est pas tant une question de styles musicaux que de goûts personnels. Il y a des artistes qui disent: « Allez jouer dans le salon chez du monde, c’est tellement la dernière affaire que je veux faire! ». Ce n’est pas pour tout le monde.
Il y en a qui aiment ça, prendre le stage puis que ça sonne fort aussi. Il y a un côté qui est vraiment plus important avec le son, ça fait que quand C’EST un peu plus minimaliste, eh bien, il y en a qui trippent beaucoup moins. Ceux qui s’inscrivent à Route d’artistes, c’est parce qu’ils trippent, parce qu’ils ont envie de revenir à la création entre chacune de leurs chansons ou d’essayer autre chose qu’ils n’ont jamais essayé. Ils ont le désir de cette expérience-là.
Mais au niveau des styles de musique, c’est sûr que, éventuellement, quand tu me demandes ce que Route d’artistes va devenir dans 10, 15, 20 ans, j’aimerais avoir, par exemple, une branche de classique, une branche expérimentale, d’avoir plusieurs styles de musique.
Pour l’instant, ça va beaucoup plus en chanson. En même temps, il y a plein de styles de musique que j’aime puis que les juges aussi aiment. Mais on dirait que c’est tout le temps ça qui ressort pour l’instant. C’est comme plus chanson folk, slam. Ça rassemble à ça.
À quand le festival Route d’artistes avec plusieurs artistes de différents styles artistiques?
Le festival Vue sur la relève, ils ont plusieurs disciplines aussi, puis je trouve ça cool aussi ce qu’ils font. Ce n’est pas juste de la musique, c’est vraiment : tu as le théâtre, tu as la danse, tu as plein de choses. Je trouve ça important, puis ce qui compte dans un show, c’est qu’il soit bon. On se fout un peu de ce que c’est. Tu sais, s’il y a une pièce de théâtre qui peut se faire à deux, trois personnes puis qui est hyper bouleversante, puis que ça fonctionne, puis qu’après ça, tu es complètement, comme, abasourdi, bien, je la veux, puis je veux faire une tournée avec.
Mais pour l’instant, j’y vais tranquillement avec ce que je connais. On ira ailleurs après. Tout ce que je veux c’est quelque chose de vraiment bon, à partager et à faire découvrir.
En terminant, tu as‑tu un conseil pour l’industrie de la musique? T’es tout le temps sur le terrain en ce moment!
Mon conseil ne serait pas pour l’industrie de la musique. Ce que j’aimerais, c’est qu’il y ait davantage d’ouverture dans les écoles. Enseigner au primaire, au secondaire, avoir un artiste qui vient faire une période sur son parcours et qui fait deux ou trois chansons. Il peut analyser un texte. Dans plusieurs disciplines. J’aimerais que ça se produise davantage, il y a un manque, à mon avis.
Les jeunes, après ça, ils seraient mieux sensibilisés par rapport à la culture, ils auraient un sentiment d’appartenance.
Au secondaire, j’ai fait du théâtre pendant tout mon secondaire. Si ce n’avait pas été de ça, je ne pense pas que j’aurais été voir des pièces de théâtre étant plus vieille. Je ne vais pas en voir à tous les jours, mais au moins, j’y vais, comparativement à d’autres personnes qui n’y vont pas parce qu’elles n’ont jamais eu de lien avec ça. Ils ne connaissent pas ça. Si on instaure ça dans les écoles plus tôt, ça peut piquer la curiosité des jeunes, les intéresser à se déplacer.
Ça serait mon souhait.
C’est un beau souhait, je trouve! Merci beaucoup et bonne continuation avec ce projet-là!
Merci.
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