Fleur. Un mot qui évoque des tonnes d’images. Toutes plus belles les unes les autres. Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse n’auraient pas pu trouver plus parfait pour nommer le premier album de leur projet conjoint Saratoga.
Fleur, c’est aussi une dizaine de chansons qui évoquent elles-mêmes des tonnes d’images. Dix petites oeuvres universelles, intemporelles, qu’on risque d’écouter très, très, très longtemps.
C’est, entre autres, Brise-glace qui, comme une graine qui germe et sort de terre, annonce ses couleurs et donne de l’espoir. Ça commence tout doucement avec Chantal qui murmure presque J’ai l’hiver incertain, le corps qui dégèle et se refige le lendemain. Gasse réplique La fonte voit pas le jour, j’patine et vire de sourre, un brise-glace dans ta cour. Puis les deux chantent Le coeur comme un lac gelé qui cale avant le temps, la traversée est risquée, anyway, on s’attend. Fuck. Ça fait même pas une minute que l’album est commencé et j’ai déjà les yeux humides. Pis là, les maudits instruments à vent embarquent. Oui, j’ai dit maudits. Tout à coup, c’est mon coeur à moi qui fond. Tout est déjà parfait. La douceur, si caractéristique de Saratoga, est partout. Dans les mots. Dans la mélodie. Dans les voix. Dans les arrangements.
C’est Fleur, que j’ai entendue pour la première fois cet été, alors que je couvrais la prestation de Saratoga au FEQ. Une belle éloge de la lenteur (Ralentis l’allure, tu brûles à mesure, tu tournes les coins ronds, tu passes droit), comme un tournesol qui s’ouvre lentement en se tournant vers le soleil. Une chanson que tous les médecins devraient prescrire aux gens qui brûlent la chandelle par les deux bouts. Une invitation à prendre le temps. À savourer la vie. À ne pas passer à côté du bonheur.
C’est Jack et Noëla, deux tiges auxquelles il manque quelques pétales. On pourrait croire que ces deux fleurs sont moins belles que les autres, pourtant, il n’en est rien. Les écorchés se reconnaîtront dans ces deux chansons qu’ils prendront comme un baume sur leurs plaies. Et même si je les regroupe ensemble ici, ces deux chansons n’ont en commun que leur beauté. Jack est plus introspective alors que Noëla a un petit côté entraînant. J’aime cette façon qu’ont Chantal et Gasse de faire d’éléments plutôt banals des événements plus grands nature (on voit la poussière se lever quand Noëla se traîne les pieds!).
C’est Les derniers jours, sur une teinte bluesée, à la guitare électrique et au piano. Y’a de la tristesse dans la voix de Gasse. Cette chanson est encore toute neuve, mais elle me fait penser à une feuille morte qu’on garde dans un livre en souvenir de meilleurs moments : oui, elle est toute sèche, mais pour nous, elle est encore en vie. Non, ce n’est pas jojo, mais Saratoga réussit encore à faire de la mélancolie un onguent qui aide à cicatriser les plaies.
Pour conclure, Fleur, c’est les deux voix de Chantal et Gasse qui se marient à la perfection sur des mélodies qui ont l’effet d’un doux feu de foyer et d’un chocolat chaud sur nos coeurs. C’est aussi voir nos deux auteurs-compositeurs-interprètes nous montrer leur jardin (du moins, celui qui n’est pas secret), dont ils ont pris le plus grand soin. C’est enfin une dizaine de belles chansons soigneusement emballées comme des cadeaux qu’on donne aux gens qu’on aime. Et qui demeureront magnifiques une fois sur scène, sans les excellents arrangements (de Guillaume Bourque, aussi réalisateur). Parce que Fleur, c’est Saratoga, duo formé de deux superbes êtres humains qui font un bien énorme en étant eux-mêmes.
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Si vous avez aimé l’album, il vous reste à vivre l’expérience Saratoga comme il se doit : en compagnie de ses deux membres. On pourra se gâter le 17 décembre prochain au Théâtre Petit-Champlain de Québec (billets) et le 11 février 2017 au Vieux Bureau de poste de Lévis (billets).