Vous savez, le mois de novembre n’est facile pour personne. C’est d’ailleurs dans le réconfort de mes joggings que je me présentai au spectacle de vendredi dernier au Pantoum, après une semaine de dur labeur. Fort heureusement, les groupes invités ont contribué, chacun à leur manière, à mettre de la couleur dans ce novembre noir et blanc. Compte-rendu d’un spectacle bouillon de poulet pour l’âme.
Dundee
C’est en intensité qu’a commencé notre soirée musicale. Les musiciens du groupe Dundee ont réveillé nos tripes avec leur mélange équilibré de funk uptempo et de Hip-Hop saveur oldschool. Le résultat avait la caractéristique intéressante d’être à la fois laidback et rythmé.
Avec des titres comme Le groove du 819 ou encore Le funk qui cogne, Dundee nous a fait opiner de la tête et oublier peu à peu nos tracas. Leurs compositions originales, principalement en français, étaient ponctuées de moments où, tour à tour, les musiciens pouvaient se mettre en valeur. Le chanteur pouvait tantôt mitrailler ses rimes ou bien chanter de sa voix élastique, tandis que le guitariste se gâtait des soli aux sonorités jazz. Le bassiste et le batteur ont aussi pu, en de plus rares occasions, afficher leurs couleurs pour notre plus grand plaisir.
Accompagnée par ses bélugas batteur et bassiste, Fria Moeras a fait une entrée en toute simplicité et avec humour (moi, les jokes de béluga/bélufille, je trouve ça drôle). Ceux qui n’ont pas été convaincus par ses blagues l’auront du moins été par sa musique : un folk rock qui explore doucement les dissonances. Que ce soit en rockant avec intensité ou en chantant sa mélancolie en solo, elle a progressivement conquis (et fait taire, Dieu merci) les spectateurs les plus rébarbatifs.
Assez complètes sur le plan des influences musicales – pigeant autant dans le reggae que dans la valse – les compositions de l’artiste de Québec se démarquaient par l’attrait de leurs mélodies aux couleurs énigmatiques.
Comme à son habitude, le Pantoum a fait dans l’inhabituel : si on a commencé la soirée avec un groupe particulièrement dansant, on s’est progressivement rendus jusqu’à la vibe beaucoup plus planante et reposante de Lumière. Tout en étant très enjouée, la musique du groupe Montréalais comportait quelque chose d’essentiellement contemplatif. Résultat : le public pantoumien, toujours prêt à se prêter au jeu, s’est assis bien confortablement au sol pour apprécier le moment.
Et il en fallait de l’attention pour capter toutes les subtilités colorées des 7 musiciens, la plupart multi-instrumentistes. Clavier, guitare, banjo, xylophone, violon, violoncelle, clarinette, triangle, égoïne, flûte traversière venaient se poser sur les textes poétiques d’Étienne Côté (Nicolet, Canailles, Diptyque) avec la sensibilité d’un jardin de fleurs. Il n’y a pas à dire, Lumière, c’est un nom parfait pour un groupe qui explore ainsi toutes les finesses du spectre sonore.
Or, s’il savait faire dans la douceur, le groupe a néanmoins montré à quelques reprises qu’il parvenait aussi à maîtriser le groove voluptueux inspiré des hippies de Woodstock. Bref, les musiciens ont donné un spectacle captivant – leur premier à Québec avec Lumière – et on espère que ce sera le premier d’une longue série.
C’était la grande finale tant attendue de la septième édition du Cabaret Festif! de le relève. Les gens du milieu autant que les quidams, se mélangeaient avec harmonie afin de découvrir (qui sait?) les grands talents de demain. Nous avions fièrement couvert les soirées de qualifications et nous étions assez contents de retrouver MCC, Lumière, Émile Gruff ainsi que Miss Sassoeur et les Sassys. Ces quatre artistes, tous aussi prometteurs les uns les autres, auront la chance de se partager pas moins de dix prix (ceux du public et du jury inclus).
C’est donc le genre de soirée où il n’y a eu que des gagnants et qui sera la tape dans le dos nécessaire afin de faire fleurir l’industrie musicale. C’était la mission de nos cinq juges, qui étaient sur place, afin de trouver la perle rare qui repartira avec le convoité prix du jury : bourse de 7000 $ offerte par Sirius XM, prestation dans le cadre de la huitième édition du Festif ! de Baie-Saint-Paul, 1000 $ de promo sur les ondes de CKRL, une session live réalisée et diffusée par La Fabrique Culturelle de Télé-Québec ainsi qu’une entrevue et une prestation acoustique live à l’émission Chérie J’arrive sur CHYZ 94,3, incluant une formation sur la promotion radiophonique offerte par la station. Les juges de la soirées étaient Marc-André Pilon de Siriux XM, Jean-Claude Anto, qui était jusqu’à tout récemment chez Coyote Records, Raphaëlle Thibault-Vanasse de CHOQ.ca, Pierre Fortier du Festival international de la chanson de Granby et Émilie Rioux, juge en résidence et représente de CHYZ.
L’excitation était palpable jusque dans la section lounge aménagée derrière. C’est MCC qui ouvre le bal avec une énergie renouvelée. Malgré qu’elle ait refait l’intégrale de sa prestation lors de la soirée de qualifications (même setlist), on sentait une énergie différente. En effet, MCC avait une présence scénique beaucoup plus assumée et mordait dans chacun des mots afin que ceux-ci soient clairs, qu’on ressente l’émotion cachée derrière afin de nous permettre de la comprendre, elle. Le fait que Marie-Claudel Chénard s’assume plus sur scène a bonifié sa performance : beaucoup moins statique et plus intense. Cette performance énergique, sentie et toute en émotions lui a valu les prix donnés par CHOQ.ca, l’Ampli de Québec et le Domaine Forget. En plus de ces prix, Geneviève Jodoin, de l’Auberge La Fascine, lui a offert une première partie rémunérée d’un artiste de sa programmation (un artiste mystère, de surcroît).
Le héros local (via Montréal, par la rue St-Anne) et le choix du public lors de la dernière soirée de qualifications, Émile Gruff, a ensuite foulé les planches de la salle Multi de l’hôtel Germain Charlevoix avec une autre mise en scène loufoque où un « superfan » ne pouvait pas attendre après le spectacle pour un autographe et un selfie avec lui. Le chanteur et son groupe transpiraient la confiance. Une des grandes qualités de Gruff est la complicité avec son groupe. Celle-ci fait en sorte que leur performance est ultra efficace et réglée au quart de tour. Pour pimenter le tout, Gruff aime beaucoup mettre en scène chacune de ses pièces en les introduisant ou les entre-coupant d’anecdotes rigolotes, ce qui plaît au public qui a soif d’interaction. Tout ça donnait un spectacle quasiment multidisciplinaire, faisant en sorte de conquérir rapidement le public. Tellement conquis qu’il a décidé, une fois de plus, de lui remettre le prix du public pour cette grande finale déjà très relevée.
On garde la compétition toujours aussi féroce avec Lumière, qui se présente avec un son plus calme et plus posé que son prédécesseur. On se rappellera que, la dernière fois, leur performance a été parsemée d’ennuis. Cela m’a empêché de me concentrer pleinement sur l’offre musicale du groupe. Avec leurs paroles imagées, collées à la nature et un son un peu éthéré, assez organique, Lumière crée une ambiance qui nous plonge dans les années 60. Beaucoup d’instruments sont utilisés (j’aime beaucoup la minuscule section bois, d’ailleurs) afin que leurs pièces aient de la texture et stimulent tous nos sens afin d’enrichir notre expérience. J’aime beaucoup les cassures de ton dans certaines de leurs pièces qui sont soudaines et bienvenue. Leur goût du risque prononcé à travers leurs diverses expérimentations (une magnifique pièce faite en chorale, par exemple) montre toute la polyvalence du groupe. Grâce à cette prestation, le groupe a pu se réjouir en remportant le prix offert, par le festival, du coup de cœur francophone et pourra aussi faire la tournée des incontournables, c’est-à-dire se produire chez quatre diffuseurs à travers le Québec (dont le Pantoum).
C’est finalement Miss Sassoeur et les Sassys qui vont clôturer cette finale du Cabaret Festif! De la Relève. Cette fois-ci, toute l’équipe y est : Miss Sassoeur, Féline Dion, Tiny Turner et Rose Roice. Le quatuor, qui nous avait déjà charmés précédemment, récidive avec toute l’originalité qu’on lui connaît. Toujours aussi rétro dans la forme, le contenu est toutefois très moderne, grâce au franglais et à des référents clairs à la culture populaire, parfois même empruntés au rap. Bien sûr, la mise en scène était parfaite. Un peu « boboche » par moment, mais elle nous arrache toujours un sourire en coin. On voit que Miss Sassoeur et ses Sassys veulent s’amuser, et ce plaisir est contagieux. Encore plus contagieux grâce au charisme de Miss Sassoeur, qui prend beaucoup de place sur scène malgré le fait qu’elle doive rester derrière son clavier. La performance commence avec une pièce déjà interprétée lors de leur soirée de qualifications, mais s’enchaîne rapidement avec des titres différents (s/o aux trompettes, bien imitées par les Sassys) et se conclut sur une note très énergique. Une performance ultra dynamique a permis à ce groupe de remporter les prix offerts par le Festival international de la chanson de Granby, le prix écoutedonc.ca (à bientôt, les Sassys!) ainsi que le tant convoité prix du jury. De plus, le quatuor se produira dans le cadre de la tournée charlevoisienne, organisée par quatre diffuseurs locaux.
On ne peut pas passer sous silence la performance du grand Gab Paquet pendant la délibération des juges (une excellente idée d’ailleurs). Gagnant de l’édition précédente, le « Michel Louvain » moderne a fait son tour de chant en formule duo acoustique plus intime, accompagné par la contrebassiste Claudia Gagné. C’est donc un Gab Paquet à nu et plus dépouillé qui nous a offert des titres de son dernier album, Santa Barbara. J’oserais dire que Relations sexuelles est la chanson qui m’a rejoint le plus autant dans le ton que dans sa thématique, qui m’est très proche. Le personnage Gab Paquet n’en est plus un grâce à cette performance plus dépouillée. Il y a l’aspect scénique, évidemment, mais on sent tomber le fameux second degré, qui fait place à un réel désir de chanter l’amour de cette façon, et il le fait avec beaucoup de passion.
La grande finale est déjà derrière nous, et on regarde déjà vers l’avant, soit le dévoilement de la programmation du Festif! en avril prochain. On se revoit au festival cet été, en attendant de voir la relève avant tous le monde, l’an prochain.