La dernière fois que j’ai eu la chance de voir Saratoga en spectacle c’était cet été dans le cadre du Festivoix dans le décor enchanteur de la microbrasserie Le Temps d’une pinte. J’avais adoré ma soirée et j’étais littéralement tombé en amour avec le duo duquel j’adorais déjà les chansons.
Pour leur premier passage à Trois-Rivières depuis la sortie de leur premier album, Fleur, c’est dans l’intime salle Louis-Philippe-Poisson de la Maison de la culture de Trois-Rivières que Saratoga avait donné rendez-vous à son public. Le nouvel aménagement de la salle permet encore plus de proximité avec les artistes, ce qui s’agençait parfaitement avec la douceur de leur musique.
Le duo a débuté le spectacle avec la mélancolie de Brise glace, le tout premier extrait de leur album et ont ensuite pris le temps de souhaiter la bienvenue au public. Ravis de voir la salle aussi remplie, ils ont fait quelques blagues au sujet de leur dernier passage dans cette salle avec le spectacle solo de Chantal Archambault qui avait semble-t-il été un peu moins populaire. Ils ont ensuite enfilé les chansons en prenant pratiquement toujours le temps de s’adresser au public pour expliquer l’histoire derrière la création de la pièce ou encore simplement pour raconter de petites anecdotes, parfois drôles, parfois touchantes. Ils ont également interprétés plusieurs pièces de leur E.P. dont Saratoga et On est pas du monde, pigés dans le répertoire de la carrière solo de Chantal et ont même fait un cover de Michel Louvain. À mon plus grand bonheur, ils ont terminé le rappel avec une demande spéciale du public, une de mes chansons préférées: Madame Rosa. J’aurais difficilement pu demander mieux.
Ce qui fait le charme de Saratoga en spectacle c’est assurément leur complicité forte, palpable et accrocheuse. Ils se taquinent, font ressortir les défauts de l’autre, mais conservent toujours ce regard amoureux. Ils semblent se connaitre par cœur et leur amour transparait autant dans les paroles de leurs chansons comme Les bourgeons pis le gazon et Oublie pas que dans le regard qu’ils posent l’un sur l’autre tout au long du spectacle. Gageons qu’en ce frisquet vendredi de février, à l’approche de la St-Valentin, ils en auront inspiré plusieurs et auront contribué à réchauffer plus d’un lit! C’est également leur imperfection totalement assumée et leur simplicité qui les rend si beaux et attachants. On aurait envie d’être leurs amis, de les inviter à prendre une bière et de Boire à crédit avec eux.
Au-delà du duo et de leur musique que j’adore, je pense qu’en réalité je suis aussi fan des personnes qu’ils sont individuellement. Chantal Archambault est rieuse, naturelle et simple. En plus, elle est collaboratrice pour Les Trappeuses, un blogue qui « dans une approche « granoécochic » expérimente divers modes de consommation responsable et vous partage leurs découvertes zéro déchet, locales, minimalistes, végéta*iennes et biologiques ». Je les adore! Même mon chum est tombé sous le charme et s’est procuré son tout premier mouchoir en tissus, cousu à la main « par la fille du band »! De son côté, Michel-Olivier Gasse est également auteur et personne ne peut rester indifférent à la poésie qu’il crée avec le quotidien. Je dois aussi avouer que le flow « du gars du band » m’a toujours charmé. Ce soir-là, son éloge de la lenteur, son attitude simple et amicale, ainsi que son anecdote coquine sur la curieuse salle qui nous attend supposément au ciel n’ont fait que me charmer davantage. Il fait partie de ces musiciens qui vivent leur musique, qui habitent la scène et qui retiennent notre attention.
Bref, j’ai passé une magnifique soirée dans une salle intime avec un public attentif et un duo absolument charmant à qui je souhaite encore beaucoup d’amour et de musique. Je suis sortie de là avec le coeur léger, le sourire aux lèvres, l’envie de me coller avec mon chum, de lire du Michel-Olivier Gasse et de consommer de manière responsable. Je pense qu’on peut dire mission accomplie!
À défaut d’avoir eu un photographe sur place, voici les magnifiques photos prises par Jacques Boivin au Théâtre du Petit Champlain en décembre 2016:
Quelle belle façon de terminer son année de couverture de spectacles qu’un concert de Saratoga en toute intimité? Les lecteurs assidus d’ecoutedonc.ca savent à quel point plusieurs d’entre nous aimons le duo formé de Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse et c’est d’abord à titre de simples spectateurs que nous avons assisté au dernier concert de l’année de nos deux tourtereaux préférés. Vous nous pardonnerez donc de n’avoir pris aucune note et d’avoir profité le plus possible du spectacle, que nous avons surtout regardé avec nos yeux (plutôt qu’à travers notre objectif).
La grande scène de la vieille salle semblait plutôt grande à notre arrivée : une vieille radio (Telefunken), un micro double à condensateurs, deux guitares et une contrebasse occupaient le centre de la scène. À 20 heures pile, Gasse vient éteindre la radio et Archambault vient le rejoindre. C’est avec bonheur qu’ils se lancent avec Brise-glace, qui ouvre également l’album Fleur. Le ton est donné : c’est dans la douceur et dans la lenteur que la soirée va se dérouler. Entre les chansons, les interventions se font dans l’humour et la complicité. On a beau les avoir vus à plus d’une reprise, tout est encore naturel, même lorsqu’ils racontent la genèse du band (histoire qu’on a beau connaître, mais qui est toujours racontée différemment… la preuve que ces deux-là parlent avec leur coeur plutôt que par coeur).
Le plaisir croît au fur et à mesure que Saratoga égraine une par une les chansons de son répertoire. Le public écoute religieusement et éclate de rire toutes les dix secondes pendant Reste donc couchée (la chanson de « menstru » que Gasse s’est appropriée) et Douce Leilani (une reprise d’une traduction qui avait d’abord été interprétée par… Michel Louvain! On a presque envie d’aller le voir au Grand Théâtre avec l’OSQ!).
Archambault et Gasse ont beau nous inviter à ralentir l’allure, le temps, lui, file à toute vapeur et après un rappel où nous avons eu le bonheur de chanter Noëla et Madame Rosa (où tout le monde chantait en choeur à la fin), on se rend compte que deux bonnes heures se sont écoulées alors qu’on croyait que nos horloges s’étaient arrêtées.
Je ne le répéterai jamais assez : Chantal et Michel-Olivier nous font du bien.
Saratoga sera de retour dans la région le 11 février prochain au Vieux Bureau de poste de Saint-Romuald. À votre tour de vivre cette belle expérience.
Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse du duo Saratoga présenteront un spectacle au Théâtre du Petit Champlain ce samedi, le 17 décembre prochain, dans le cadre de la tournée de l’album Fleur qui est paru sur les tablettes de votre disquaire préféré au mois d’octobre passé. Cet automne, j’ai eu l’occasion de réaliser une entrevue avec le bassiste dans laquelle nous avons creusé plusieurs sujets en lien avec la création de l’album. Nous avons notamment discuté des thèmes qui y sont abordés, du processus d’enregistrement, des spectacles à venir et inévitablement, nous avons parlé de musique. Très généreux et définitivement mélomane, Gasse s’est livré aux questions avec une sincérité authentique qui fait du bien.
L’écriture de l’album
La conception de Fleur, premier album entièrement écrit par les deux musiciens, a été de courte durée. La période d’écriture s’est d’ailleurs échelonnée sur quelques mois seulement, au début de l’année, le couple profitant alors d’une accalmie pour se cloîtrer dans leur nouvelle maison de campagne et travailler les textes : « On a découvert, au fur et à mesure, notre dynamique d’écriture à deux. Ça reste quelque chose qu’on était pas au courant. On a appris à travailler en équipe en écrivant les tounes de cet album là ». Gasse avoue que le duo a réellement atteint son groove après que la troisième chanson ait été composée. Ayant réussi à prendre leur air d’aller, chacun a trouvé la place qui lui revenait dans le processus de création : « Chantal c’est une créative dans tous les aspects de sa vie, elle crée sans arrêt. Moi, je suis pas mal plus relaxe sur ce côté là. J’suis bon pour retravailler les trucs, les peaufiner, les amener ailleurs. Fait que Chantale a souvent été la créatrice des mélodies et des thématiques. Après ça, on finissait par sabler et vernir les chansons à deux ». Or, l’impitoyable hiver québécois étant ce qu’il est, les deux musiciens ont ressenti le besoin de s’évader pour pallier leur incapacité à pondre de nouveaux textes : « Une fois, c’est arrivé qu’après souper on s’est assis pour écrire et ça marchait pas du tout. Chantal a dit »On va-tu dans l’Sud? » Je lui ai dit »Ok! » ».
Le couple a ainsi pris l’avion en direction de la République Dominicaine pour écrire les fenêtres ouvertes, comme le dit Gasse. C’est d’ailleurs dans ce décor tropical que la chanson titre de l’album a été créée : « Il y a quand même trois tounes qui sont nées de ce voyage là dont Fleur qui nous est tombé du ciel dans sa forme actuelle. Tsé quand tu dis que des fois, tu travailles tes affaires pis des fois t’es juste le médium, que tu fais juste amener quelque chose qui existe déjà et qui passe par toi seulement? Ben c’est le cas avec Fleur. Elle est arrivée de nulle part ». Par ailleurs, Fleur engloberait en elle-même le message derrière l’album, celui de prendre le temps de revenir à l’essentiel.
À l’image des deux musiciens de Saratoga, les thèmes exposés dans l’album sont imprégnés d’une authenticité incontestable: « On ne voulait pas faire un album cute. On ne voulait pas écoeurer le monde avec notre bonheur. C’est quand même fucking dull d’écouter des tounes qui parlent des gens qui sont heureux tout le temps », affirme candidement le bassiste. « On s’est mis à regarder autour de nous et on s’est dit qu’on ne se ferait pas à croire que ça va bien dans l’monde! C’est de la marde de bord en bord; la planète tombe en ruines et les gens évoluent le cou penché tellement ils regardent leurs cellulaires ». C’est donc sous les angles collectif et personnel que les musiciens ont voulu aborder le sujet des imperfections du monde moderne, notamment du culte de l’apparence, de la facilité, de la consommation rapide, de la culture du jetable et du rythme trépidant de nos vies. « C’est rendu que les appareils ménagers sont jetables, mais tes relations aussi sont jetables au final! Si toi, à la base, tu te cultives pas comme personne, que tu te groundes pas comme du monde, ce qui se passe autour de toi sera toujours éphémère et tu vas toujours patauger dans le vide », affirme Gasse. Le ralentis l’allure cité dans la chanson Fleur, qui est d’ailleurs devenu un hashtag sur Instagram, est au centre du message que le duo veut communiquer à son auditoire; capter les moments importants et vrais, regarder le ciel plutôt que le cellulaire, essayer d’être une meilleure personne dans le quotidien et retourner à l’essentiel.
Du fait que Saratoga s’adonne à une musique pleine de sensibilité et de délicatesse, l’enregistrement de l’album a présenté quelques défis techniques: « Les musiques de l’album ont été enregistrées à Montréal. C’est un studio situé au coin de la rue Bellechasse et de Saint-Laurent. C’est terriblement passant! Quand t’es un band de rock c’est pas un problème, mais nous autres, comme notre tech le disait, on joue avec le poil des yeux », raconte Gasse. Les micros étaient d’ailleurs réglés au plus fort pour capter la musique que le duo jouait avec douceur. Par conséquent, les bruits ambiants de la métropole empêchaient parfois l’enregistrement des chansons et imposaient un temps d’arrêt. Quant aux voix, elles ont été enregistrées dans leur maison, à la campagne. Or, encore fallait-il attendre la tombée de la nuit car les ronflements des moteurs des motos s’assuraient de se faire entendre: « Il fallait qu’on attende que les motos et les oiseaux se soient calmés un peu, parce que ça pissait dans les micros. Fait qu’on attendait d’avoir le silence radio dans le village et on a chanté ça, dans la nuit, dans le noir avec plein de couvertes de laine installées partout dans notre cave de béton », exprime Gasse.
Bourque, qui était à sa première expérience derrière la console à titre de réalisateur, a également composé les magnifiques arrangements qui enrichissent les mélodies. Gasse raconte que « Guillaume est parti dans un trip d’arrangements. Au début, on savait pas trop où s’enligner. On savait qu’on voulait habiller un peu l’affaire, parce que tant qu’à jouer la même formule qu’on présente en show et à la quantité de shows qu’on fait, on s’est dit que ça vaut pas la peine de faire un album vraiment juste à deux ». C’est ainsi qu’avant d’entrer en studio, Bourque aurait signalé au couple l’idée d’ajouter le son de la clarinette basse qu’il avait entendu dans une des lignes de basse que Gasse avait composée. À partir de ce moment, le duo s’est transformé en trio, la formule de prédilection de Michel-Olivier : « Cette formule là de trio avant, c’est une de mes formules préférées dans toutes les options que la musique classique peut offrir, de par la douceur des timbres. C’est tellement boisé et chaleureux ». Rapidement, Bourque a su livrer des arrangements qui ont conquis les musiciens impliqués et qui ont arraché des larmes.
J’ai demandé à mon interlocuteur de m’expliquer comment il projetait de jouer les pièces plus étoffées de l’album en concert. Comptait-il ajouter un musicien qui les suivrait en tournée? Ou allait-il préconiser la formule duo? « C’est un peu tough de traîner un trio classique pour cinq tounes », raconte Gasse. « L’idée c’est vraiment de rester tous les deux. Les tounes existaient avant d’avoir les arrangements. Au fond, le projet était aussi d’avoir des arrangements qui ne prennent pas la place de la chanson, c’est-à-dire que les chansons ne reposent pas sur ces arrangements là ». Selon lui, l’album est une chose, le spectacle en est une autre. Il faut cependant viser à créer une cohérence entre les deux, ce que Saratoga a réussi à faire. « Ça sera pas long qu’on va habiter nos tounes et qu’on va les livrer comme du monde. Il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour penser qu’il manque quelque chose en spectacle », affirme l’artiste.
La proximité avec le public et l’ambiance intimiste qui s’installent dans la salle sont le propre des spectacles de Saratoga. Le bassiste dit prendre son pied dans cette atmosphère de recueillement et d’apaisement que le couple aime instaurer. Selon lui, elle serait en partie causée par l’utilisation de micro condensateur qui oblige les chanteurs de se placer à un pied du micro. L’espace permet à l’air de circuler et de laisser au silence le temps de prendre sa place. « On a cette chance de jouer dans des contextes où les gens comprennent ben assez vite qu’il faut que tu te fermes la yeule, sinon c’est toi qui a l’air cave. Les gens au Québec comprennent ça et on peut s’adresser à eux sur un ton pas fort ». De plus, la complicité des deux amoureux sur scène contribue sans doute à l’esprit chaleureux, presque familial, qui nous charme chaque fois : « C’est très facile sur scène parce que Chantal et moi, on se connaît beaucoup. Même si on est tellement différent à la base, comme personnes, au final on se rend compte qu’on se complète et qu’on fait une équipe du tonnerre dans la vie comme au hockey », confie Gasse. Il ajoute que « comme il ne se passe rien d’autre sur la scène que nous deux, un coup d’oeil entre nous ne passera pas inaperçu. Les gens voient qu’on se regarde pour vrai. Ça reste dans les petits gestes, dans les petites attentions que le monde voit que c’est vrai, pis que ça prend pas grand chose pour être amoureux. Notre projet, le spectacle, nos chansons sont profondément nous autres. On en met pas un chapeau de Saratoga avant d’entrer en scène ».
Michel-Olivier Gasse est un mélomane. Si vous ne me croyez pas, allez jeter un coup d’oeil sur son compte Instagram. Il s’est donc prêté au questionnaire avec beaucoup d’enthousiasme, ce qui a donné de belles réponses bien touffues.
Vinyles, CD ou Streaming?
« Ah! Vinyle. Vinyle. Vinyle! On sera pas bref là! Tu me poses des questions de musique – on sera pas bref! J’ai toujours une relation privilégiée et très profonde avec le médium qui me permet d’écouter de la musique et j’en ai rarement eu deux en même temps. J’ai été à fond dans les cassettes, osti, je me suis donné dans les cassettes! Elles étaient super bien classées, je remplissais les lousses sur les cassettes avec des tounes que j’aimais. Je faisais des demandes spéciales à la radio pour entendre les tounes que je voulais mettre sur les cassettes. Tsé, je suis allé loin là-dedans… Quand il y a eu la révolution des CD, je me suis lancé dans les CD. J’ai été disquaire fait que j’en ai eu une osti de chiée, en plus que j’en ai tout le temps achetés comme un mongol. Après ça est arrivé l’ordinateur pis iTunes, mais j’ai pas tant downloadé de musique dans ma vie, ça ne m’intéressait pas vraiment. Mais j’ai trippé à mettre ma collection de CD dans ma bibliothèque iTunes et pendant quelques années, j’ai écouté de la musique sur un random perpétuel. D’entendre les chansons dans un autre ordre, ça m’a fait découvrir un peu la musique que j’ai achetée au fil du temps. Au travers de ça, il y a plusieurs années, le vinyle est arrivé. Je te dirais que mon premier radio (sic) était une table tournante, parce que j’avais un oncle qui a travaillé à la radio toute sa vie, fait qu’il avait des milliers de vinyles. Je lui en empruntais tout le temps et ça commencé comme ça. Fait que ça fait plusieurs années que je suis là-dedans, mais là je suis exclusivement vinyles parce que c’est autant un statement qu’une question de goût. Je me suis remis à écouter des albums. J’ai lâché mon random éternel pour écouter des albums pis prendre le temps, surtout dans une époque où c’est le single qui prime. On se tue quand même pour faire des albums cohérents d’un boutte à l’autre! Il faut que tu prennes le temps, il faut que tu restes pas loin. Si je reçois du monde chez nous, prendre le temps de choisir la musique et aller changer le bord fait autant partie de toute l’affaire. Ben souvent, c’est une façon de te sauver d’une discussion dull! C’est l’idée de la manipulation aussi! J’aime bien l’idée d’avoir quelque chose de concret dans les mains. La pochette du vinyle te permet aussi d’exploiter l’approche visuelle et justement de faire appel à un artiste visuel. Avec le vinyle, on peut faire de quoi de beau et de grand. Encore là, c’est l’idée de prendre le temps de faire attention à ta musique. Je me rends compte au final que je n’écoute pas tant de musique à l’extérieur de chez moi. Je pars jamais prendre des marches avec des écouteurs. Dans le char, j’écoute la radio parce que c’est mon moyen principal de rester informé. On a fait des milliers de kilomètres en tournée sans écouter de musique, pendant que ma blonde tricote pis que moi je baisse la fenêtre et j’entends juste le vent. C’est ben en masse. Vraiment, j’écoute la musique à la maison, sur le support vinyle uniquement ».
Nomme-moi tes trois albums cultes.
« Ayoye! C’est tough en osti! J’ai envie d’y aller selon les albums fondateurs. Je vais avoir l’air chiant de parler de Paris tout le temps, mais j’ai trouvé Odelay de Beck la semaine passée. J’ai réalisé à quel point cet album là était vraiment fondateur. C’est le moment où l’album arrive dans ta vie aussi… Un album arrive d’un coup il va ouvrir tous tes horizons pis te montrer que ces choses-là se peuvent. Odelay a fait ça, terriblement. Quand l’album est arrivé en 1996, j’avais entendu Loser pis ça m’énervait. Mais quand j’ai écouté l’album, je venais vraiment de pogner de quoi. Je suis devenu quelqu’un d’autre. J’appliquerais le même traitement au premier album de Fred Fortin (1996 :Joseph Antoine Frédéric Fortin Perron). C’est quelqu’un qui est arrivé dans un moment assez terrible au Québec. Il y avait rien qui existait de cool, de jeune, de trippant, de challengeant dans se temps-là. Fait que nous autres dans la gang à Vallières dans le temps, quand on commençait à faire de la musique, Fred Fortin nous a donné une méchante volée. Mon Dieu! Le troisième… Je vais dire Exile on Main St. des Stones. Je suis un grand fan des Stones. Cet album là est dans les premiers albums doubles. Il est interminable. Il est excellent d’un bout à l’autre et il n’y a aucun hit dessus! C’est l’album de Keith Richards, enregistré dans des conditions terriblement difficiles parce que tout le monde était sur l’héro pis tout a déboulé à partir du moment où même les techniciens en faisaient. Cet album là j’y reviens, même s’il sonne comme de la marde. Il est tellement rock, tellement croquant, tellement vibrant que je ne me tanne pas ».
Qu’est-ce que tu écoutes quand t’es dans le mood for love?
« Dans le mood for love? J’écoute pas de musique, j’embrasse ma blonde! Dans le mood for love… Ben je te dirais Al Green ça reste un grand favori d’approche sensuelle et de swag. Fuck Barry White! Le band d’Al Green est reconnaissable de bord en bord. Il y a trois frères dans le band. C’était l’époque où il y avait des House Band dans les compagnies de disque. Le drummer me fait vibrer autant qu’Al Green lui-même. Fait que, ouais, Al Green.
As-tu déjà pleuré à l’écoute d’une chanson?
« C’est On veillera le feu, la dernière toune du dernier Ep de ma femme, qui parle de la maladie de son père. Tu comprendras que le lien est assez direct. Je l’ai pas braillée juste une fois. D’habitude, ça kicke quand elle dit »je sais qu’il ne suffit pas de mes mains près de ton cœur’’ »
Qu’est-ce que tu aimerais qu’on joue à ton enterrement?
« Qu’est-ce que j’aimerais qu’on joue à mon enterrement… Osti! J’aimerais qu’on joue de la musique de la Nouvelle-Orléans. Si je pouvais avoir une fanfare à mon enterrement, ce serait débile! On est allé deux fois en Nouvelle-Orléans et la première fois qu’on y est allé on a entendu une fanfare arriver au loin. On voit ça approcher et on se dit que c’est un mariage. Ça avance pis ça groove, c’est terrible! Deux jours après, on entend encore une fanfare et on se dit « tiens! Encore un mariage! » Mais là, le monde est habillé en noir et porte un T-Shirt de la face de leur ami, mais c’est la même joie qui ressort! Il y a un slogan qui vient de la Nouvelle-Orléans qui dit We put the fun in funerals. Fait que ça reste une célébration. Fêtez-moi en trippant, saoulez-vous câlisse! Soyez tristes que je ne sois pas là – parce que j’aurais aimé ça être là – mais trouvez moyen de vous faire du fun dans tout ça».
Fleur. Un mot qui évoque des tonnes d’images. Toutes plus belles les unes les autres. Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse n’auraient pas pu trouver plus parfait pour nommer le premier album de leur projet conjoint Saratoga.
Fleur, c’est aussi une dizaine de chansons qui évoquent elles-mêmes des tonnes d’images. Dix petites oeuvres universelles, intemporelles, qu’on risque d’écouter très, très, très longtemps.
C’est, entre autres, Brise-glace qui, comme une graine qui germe et sort de terre, annonce ses couleurs et donne de l’espoir. Ça commence tout doucement avec Chantal qui murmure presque J’ai l’hiver incertain, le corps qui dégèle et se refige le lendemain. Gasse réplique La fonte voit pas le jour, j’patine et vire de sourre, un brise-glace dans ta cour. Puis les deux chantent Le coeur comme un lac gelé qui cale avant le temps, la traversée est risquée, anyway, on s’attend. Fuck. Ça fait même pas une minute que l’album est commencé et j’ai déjà les yeux humides. Pis là, les maudits instruments à vent embarquent. Oui, j’ai dit maudits. Tout à coup, c’est mon coeur à moi qui fond. Tout est déjà parfait. La douceur, si caractéristique de Saratoga, est partout. Dans les mots. Dans la mélodie. Dans les voix. Dans les arrangements.
C’est Fleur, que j’ai entendue pour la première fois cet été, alors que je couvrais la prestation de Saratoga au FEQ. Une belle éloge de la lenteur (Ralentis l’allure, tu brûles à mesure, tu tournes les coins ronds, tu passes droit), comme un tournesol qui s’ouvre lentement en se tournant vers le soleil. Une chanson que tous les médecins devraient prescrire aux gens qui brûlent la chandelle par les deux bouts. Une invitation à prendre le temps. À savourer la vie. À ne pas passer à côté du bonheur.
C’est Jack et Noëla, deux tiges auxquelles il manque quelques pétales. On pourrait croire que ces deux fleurs sont moins belles que les autres, pourtant, il n’en est rien. Les écorchés se reconnaîtront dans ces deux chansons qu’ils prendront comme un baume sur leurs plaies. Et même si je les regroupe ensemble ici, ces deux chansons n’ont en commun que leur beauté. Jack est plus introspective alors que Noëla a un petit côté entraînant. J’aime cette façon qu’ont Chantal et Gasse de faire d’éléments plutôt banals des événements plus grands nature (on voit la poussière se lever quand Noëla se traîne les pieds!).
C’est Les derniers jours, sur une teinte bluesée, à la guitare électrique et au piano. Y’a de la tristesse dans la voix de Gasse. Cette chanson est encore toute neuve, mais elle me fait penser à une feuille morte qu’on garde dans un livre en souvenir de meilleurs moments : oui, elle est toute sèche, mais pour nous, elle est encore en vie. Non, ce n’est pas jojo, mais Saratoga réussit encore à faire de la mélancolie un onguent qui aide à cicatriser les plaies.
Pour conclure, Fleur, c’est les deux voix de Chantal et Gasse qui se marient à la perfection sur des mélodies qui ont l’effet d’un doux feu de foyer et d’un chocolat chaud sur nos coeurs. C’est aussi voir nos deux auteurs-compositeurs-interprètes nous montrer leur jardin (du moins, celui qui n’est pas secret), dont ils ont pris le plus grand soin. C’est enfin une dizaine de belles chansons soigneusement emballées comme des cadeaux qu’on donne aux gens qu’on aime. Et qui demeureront magnifiques une fois sur scène, sans les excellents arrangements (de Guillaume Bourque, aussi réalisateur). Parce que Fleur, c’est Saratoga, duo formé de deux superbes êtres humains qui font un bien énorme en étant eux-mêmes.
Si vous avez aimé l’album, il vous reste à vivre l’expérience Saratoga comme il se doit : en compagnie de ses deux membres. On pourra se gâter le 17 décembre prochain au Théâtre Petit-Champlain de Québec (billets) et le 11 février 2017 au Vieux Bureau de poste de Lévis (billets).
Vous le savez, on a un gros faible pour Saratoga, le projet commun de Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse. On adore leurs chansons intimistes, branchées sur le quotidien. On aime la douceur dans laquelle leurs textes sont enrobés.
Après un maxi qui a fait le bonheur de nombreux mélomanes en 2015, Saratoga nous offrira, le 14 octobre prochain, Fleur, le premier album complet du duo. Question de nous mettre l’eau à la bouche, on nous offre un premier extrait, la pièce-titre, qui nous avait tant charmés en spectacle.
On partage avec vous et on attend l’album avec impatience.
Chantal Archambault m’inspire. Parce que ses créations réussissent à se frayer un chemin jusqu’à mon cœur et à y laisser une petite trace. Mais surtout parce qu’elle incarne tellement de belles choses : la joie de vivre, la liberté, la simplicité, la sincérité. Il y a quelques jours, elle dévoilait cinq douces compositions réunies sur un EP réconfortant. Avec À hauteur d’homme, elle fait vibrer des cordes sensibles avec délicatesse et justesse, tout en explorant de nouveaux sentiers mélodiques. Mot par mot, note par note, elle libère des émotions que les hommes gardent, encore aujourd’hui, trop souvent prisonnières.
Au cœur du trafic de la rue St-Jean, on jase au bord de la fenêtre d’un café. Il fait chaud, il fait beau et l’auteure-compositrice-interprète assise devant moi rend cette matinée encore plus lumineuse. Des étoiles dans les yeux, le rire contagieux et l’esprit grand ouvert, Chantal me parle des muses masculines derrière ses plus récentes créations, raconte ses expérimentations sonores, révèle la signification profonde de ses textes et partage, en toute humilité, sa vision tellement rafraîchissante de la vie, de notre société. À la suite de notre rencontre, j’avais juste envie de clamer haut et fort : «Chantal for president, câline de bine!»
Les sentiments des hommes
«Y’a des gars qui m’ont remerciée de certaines chansons parce qu’ils se sont reconnus pis qu’ils m’ont dit que ça faisait du bien qu’on parle de ça, qu’on parle des hommes. C’est encore, on dirait, un peu tabou. C’est fascinant… c’est vraiment fascinant», lance la Valdorienne avec stupéfaction.
L’artiste a observé que les sentiments des hommes étaient au cœur de plusieurs discussions avec ses amies. «On se rendait compte que nous, quand ça va pas, on en parle d’emblée, mais qu’il fallait beaucoup tirer les vers du nez aux gars dans des périodes où ça allait moins bien pour justement les faire cheminer là-dedans pis peut-être les amener à être plus en harmonie avec ce qu’ils vivaient», ajoute-t-elle.
À hauteur d’homme, c’est le rassemblement de vraies émotions, de véritables histoires que Chantal a couchées sur papier et transposées en musique. L’inspiration était partout autour d’elle. «C’est pas nécessairement des hommes qui ont croisé ma vie, mais qui ont croisé la vie d’amies proches, de mes chums de filles. Oui, il y a des hommes qui ont croisé ma vie là-dedans, mais c’était moins journal intime que ça l’a déjà été», souligne-t-elle. «Je peux aussi coller ces chansons-là à mon vécu. On est des êtres humains pis on se ressemble tous, on est tous un peu ensemble là-dedans. On vit tous un peu les mêmes émotions à certains moments de notre vie.»
Pourquoi écrire ces pièces maintenant ? «Mon père est tombé malade. J’ai eu vraiment comme un gros coup, pis souvent, c’est à travers ces émotions-là que je puise pour aller créer des chansons. J’avais un peu un petit filon pis je trouvais que les hommes, y’avait quelque chose à aller chercher là-dedans. Je le vivais aussi proche de moi, personnellement. J’ai trouvé que j’avais probablement un fil conducteur donc j’ai décidé de construire autour de ça.»
« T’as mis des dos d’âne en avant de ton cœur »
La première chanson qu’elle a écrite, Dos d’âne, parle d’un de ses amis qui éprouvait de la difficulté à s’abandonner dans une relation. «L’image m’est venue des dos d’âne. Pis j’avais ce témoignage de mon ami. Il s’est laissé aller pour la première fois depuis longtemps dans la relation pis ça a tellement porté fruit de façon incroyable. Il s’est passé de très très belles choses. Ça m’avait vraiment inspirée pour cette chanson-là», se rappelle Chantal.
« Tu comprends pas / Tu restes là / Tes sentiments comme des corps étrangers »
La pièce Corps étrangers,quant à elle, est inspirée d’un ami qui n’était pas épanoui au travail. «Il a dû faire des constats au niveau plus professionnel, il ne se réalisait pas. Ça l’a mené à des problèmes de santé pis une dépression. Tout ça, ce n’est pas triste en soi parce que ça l’a amené à faire une thérapie pis finalement aujourd’hui, il est plus en harmonie avec ce qu’il fait pis il s’est réorienté», explique l’auteure-compositrice-interprète.
«C’est dans les moments de crise comme ça où tu ne reconnais plus la personne pis y’a toutes sortes de réactions qui ressortent de ça pis c’est pas nécessairement si clair pour les hommes que des fois ça l’est pour les filles. Je sais pas pourquoi. Ça dépend des hommes, je veux pas catégoriser, ni généraliser.»
« Tu valses autour de plus d’un feu de joie à la fois / Je te vois, je te vois »
La pièce-titre du EP, À hauteur d’homme, traite «du désir d’aller voir ailleurs». «On peut penser un peu à de l’infidélité mais y’a tout ce désir-là extraconjugal», précise la musicienne. Entre les lignes, il y a aussi un message d’écoute de l’autre.
«Je dis beaucoup »je te vois ». Autant que dans la vie, on sent ces choses-là, tu sais quand on sent que l’autre est peut-être moins dans la relation. Mais y’a aussi je te reconnais dans le »je te vois ». Il faut être capable de reconnaître ces besoins-là de la part de l’autre pis l’autre doit être capable de reconnaître qu’il en est là dans sa relation pis qu’il doit t’en parler aussi. C’est toute une part de se reconnaître, se comprendre là-dedans pis s’accepter dans le fond.»
« Laisse-moi croire que l’on pourrait s’aimer / Sans camouflage, sans sparages, rien à prouver / Sans la peur de se faire voir / Au premier étage, à l’état sauvage, nu de vérité »
Lorsque je demande à Chantal quelles sont ses paroles préférées sur le EP, c’est après une brève hésitation, qu’elle me répond ceci : «Dans Le jeu des accroires, je parle beaucoup de trouver sa vérité. Je trouve que c’est quand même un espèce de petit portrait de notre société de tenter de se sortir de ce monde d’image, de tenter de se reconnecter vraiment plus vers qui on est», résume-t-elle. «Je parle du fait de ne pas se mettre de maquillage pis pas se mettre de camouflage, mais c’est aussi dans l’attitude, tu sais.»
Vient ensuite une question tout à fait légitime, une de celles qui font réfléchir. «Pourquoi on ne se sourirait pas plus ?», pose simplement l’artiste. «Des fois, les gens dans leur gêne face aux autres vont se fermer pis vont être des fois méprisants ou vont moins aller vers les autres, vont se confiner dans un statut qui, peut-être pour eux, veut dire qu’ils sont au-dessus de nous par leur froideur ou leur attitude un peu plus fermée».
Quand je vous dis que cette femme est inspirante, la suite de sa réflexion en témoigne particulièrement bien. «Je trouve qu’il y a tellement à gagner que de s’ouvrir pis d’être vrai. Pis si j’ai envie de rire fort, je vais rire fort. Pis si j’ai envie de danser dans un show pis d’avoir l’air folle, j’aime mieux ça que rester stoïque à avoir l’air de pas tripper sur ce qui se passe en avant de moi», exprime-t-elle. «Y’a tout un espèce de lâcher son fou que je trouve qu’on a perdu au Québec. Quand tu t’en vas justement dans des endroits comme New Orleans, tu vois les gens se parler, les gens danser, les gens être libres de leur corps.»
«Y’avait toute une quête de vérité qui transparaît un peu dans Le jeu des accroires. On se fait croire qu’on va bien, qu’on est bien, qu’on est au-dessus de tout ça, mais, finalement, on se met plein de contraintes pis on n’est pas nécessairement plus libres ou plus en harmonie avec la vraie affaire. Cette chanson-là, c’était comme un petit cri du cœur de recherche de cette vérité brute», conclut la chanteuse.
Cette vérité, Chantal l’a un peu trouvée à la campagne où elle s’est installée avec son amoureux, le musicien Michel-Olivier Gasse. «On est vraiment dans le retour aux vraies affaires pis tout le reste on s’en balance vraiment. On est vraiment plus relax pis ça fait vraiment du bien d’être plus en contact avec les gens, le temps, le fait d’avoir moins, de vivre dans la simplicité volontaire plus.»
De nouvelles avenues musicales
Au départ, la sortie d’un EP n’était pas dans les plans. C’est l’octroi d’une bourse en recherche et création du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) qui a permis à Archambault de fixer les pièces sur support matériel pour qu’elles se rendent jusqu’à nos oreilles. «C’est grâce à cette bourse que j’ai pu me payer le luxe d’aller travailler avec quelqu’un qui allait pouvoir enrichir mes chansons. J’avais vraiment envie de me challenger un peu», explique-t-elle.
En effet, Chantal est allée chercher le réalisateur Alex McMahon pour amener ses compositions plus loin. «Il travaillait avec des gens qui ont un univers quand même différent : Ariane Moffatt, Alex Nevsky, Yann Perreau, … Tout le monde me disait que c’était un amour! J’aime beaucoup tomber en amour au niveau professionnel pis dans la vie. Je n’ai vraiment pas été déçue. C’est un gars super sensible pis tellement talentueux. Y’a su garder l’essence pis la nature de ce que je fais», assure l’auteure-compositrice-interprète.
Les chansons ont été enregistrées en quatre jours dans le studio de McMahon avec les musiciens Michel-Olivier Gasse à la basse, Guillaume Bourque à la guitare et Myëlle pour quelques accompagnements vocaux. «C’est le studio LGROS !», dit Chantal en riant. «Vu que j’ai aimé beaucoup le résultat, j’ai dit ok faut faire un EP. Pis un EP de quatre tounes, ben c’est court. J’ai dit je vais me payer une cinquième journée. On a enregistré une cinquième chanson (On veillera le feu) pis on a peaufiné les arrangements des quatre autres.»
«Y’a tellement de machines dans son studio, c’est complètement étranger à mon cheminement. C’est un vocabulaire et un registre que je ne connais pas pis ça me faisait ben tripper de le voir travailler avec ça aussi habilement pis rapidement. Je n’en revenais pas du cheminement que mes chansons pouvaient faire», lance-t-elle. Elle cite l’exemple des arrangements qu’on peut entendre sur la pièce À hauteur d’homme : «Je parle des oiseaux. Alex s’est dit je pourrais tenter d’aller chercher des petits sons, quelque chose de très aérien, qui vole. Y’a créé un son qui pouvait peut-être s’apparenter à ça. Ça m’a beaucoup impressionnée tout cet aspect-là.»
Pour succéder aux sonorités country-folk qui teintaient ses oeuvres précédentes, Archambault avait envie d’avoir un son un peu différent, qui marquera peut-être une transition dans son répertoire solo. «C’était vraiment un champ d’exploration pour voir où ça allait m’amener pis j’aime vraiment le résultat. Je pense que je me dirigerais peut-être un peu vers ça s’il y a un autre album éventuellement. […] C’est peut-être juste une tranche de vie, je n’ai aucune idée. Y’a des horizons qui peuvent s’ouvrir pis on peut aller ailleurs aussi.»
Le naturel revient au galop
Bien que la musicienne souhaite explorer et sortir de sa zone de confort, c’est essentiel pour elle de conserver ses racines folks. «Je veux les garder parce que c’est comme ça que je crée. C’est ce à quoi les gens qui me suivent depuis le début sont attachés. Je ne veux pas dénaturer ça parce que je ne veux pas non plus ne plus avoir envie de chanter mes anciennes chansons parce qu’elles s’harmonisent moins avec mon nouveau son», mentionne-t-elle.
Son amour pour le folk lui vient probablement de sa famille. «Ma mère écoutait beaucoup de Johnny Cash. Je me souviens que j’avais quelques mois et mes oncles et tantes avec ma mère s’amusaient à mettre une certaine musique pis à switcher au Johnny Cash. Aussitôt que j’entendais le Johnny Cash, je réagissais d’une façon particulière», indique Chantal.
Aujourd’hui, l’artiste écoute beaucoup de musique québécoise. «Je trouve qu’on a une espèce de belle culture pis y’a des femmes qui écrivent vraiment bien. Y’a vraiment un monde d’auteures-compositrices-interprètes vraiment stimulant au Québec pis je trippe vraiment sur les filles de ma génération qui écrivent. Je pense à Amylie qui vient de sortir, à Chloé Lacasse, à Mara (Tremblay), …»
Chez elle, c’est son amoureux qui s’occupe de l’ambiance sonore. «Mon chum a une collection de vinyles. C’est un espèce de geek qui met toujours la musique le matin, c’est vraiment le DJ de la maison», affirme-t-elle. «On dirait que je me laisse un peu porter parce ce qu’il va mettre. C’est très varié : ça peut aller de la musique américaine à du piano, du vieux blues, du vieux jazz.»
Visage à une face
En discutant avec elle, j’ai l’impression de la connaître. J’ai le sentiment qu’il n’existe presque pas, sinon aucune distance entre Chantal l’auteure-compositrice-interprète et Chantal au quotidien, celle qu’on pourrait croiser à l’épicerie du coin. Même si je me doute déjà de la réponse, je lui demande si c’est important pour elle d’être aussi transparente dans son art. «Oui, vraiment», me répond-elle d’emblée.
«Ce que je fais, c’est ce que je suis. What you see is what you get. Pis c’est la même affaire avec Saratoga (son duo avec Michel-Olivier Gasse). On est vraiment dans une dynamique de vérité. Quand tu viens voir le show, t’as accès à nous pis on joue pas de game», assure-t-elle.
Elle croit que cette proximité, entre l’artiste et l’humaine qu’elle est, contribue à faire tomber les barrières et à renforcer le lien privilégié qu’elle entretient avec son public. «Je me suis rendue compte, surtout avec la tournée de Saratoga, que y’a vraiment beaucoup de monde qui trippe sur ce que je fais, mais qui trippe fort, pis ça, ça m’impressionne beaucoup. Probablement à cause de cette vérité-là, c’est allé chercher les gens dans des endroits très précis de leur vie pis de leurs émotions», estime-t-elle.
«C’est peut-être à cause de ça que j’ai des personnes qui me suivent assez fidèlement pis qui ont vraiment été touchées par ce que j’écrivais et qu’elles se sentent à l’aise de me le dire. Y’a ça aussi. Quand t’es intimidé par la personne, tu te coupes de plein de rencontres.»
Justement, ne vous coupez surtout pas d’une rencontre avec Chantal. Elle est plus que sympathique donc, si jamais vous la croisez, allez lui jaser ça. Je peux vous dire qu’elle m’a apporté beaucoup et je la remercie pour ça.
Toute une fin de semaine pour votre humble serviteur, quand même. Spectacle magnifique avec Tire le coyote, prestation déchaînée de Caféine, puis prestation des plus intimes avec Saratoga dans une salle d’une capacité d’un peu plus d’une vingtaine de spectateurs.
Parlons-en, de cette prestation. Tout d’abord, on doit vous présenter Saratoga. Si le nom ne vous dit rien, c’est un peu normal, c’est un nouveau projet. Cependant, les deux membres du duo devraient vous dire quelque chose : Chantal Archambault, qui, entre autres, nous a donné il y a quelques années ce magnifique Les élans. Michel-Olivier Gasse, (contre-)bassiste pour Archambault et Dany Placard, membre de Trente arpents avec un certain Vincent Vallières, rouage essentiel de Caloon Saloon et auteur qui a déjà publié deux bouquins. Des « colocs », pour reprendre leur expression.
Ce que Saratoga propose, c’est un mélange de chansons d’Archambault et de Gasse réarrangées pour être jouées à deux, de jolies nouvelles pièces écrites et composées à quatre mains et une reprise fort sympathique d’une pièce de WD-40. Le couple joue devant un seul micro à peine amplifié, juste assez pour bien remplir la minuscule salle de spectacles. Archambault est plus souvent qu’autrement à la guitare, pendant que Gasse taponne sa contrebasse. Ça ne les empêche pas d’échanger les instruments, de se libérer les mains le temps d’une chanson ou de sortir le gazou ou l’harmonica (qui semble avoir donné autant de misère à la pauvre Chantal que le Lightning avec le Canadien).
En musique, le rapprochement entre les deux univers se fait très bien, même s’ils n’ont jamais été très loin. Quand les deux chantent, ils n’y vont pas de main morte, les images sont très fortes, que ce soit sur l’amour, les querelles, les bonheurs, les angoisses ou la voisine. Un peu moins country qu’Archambault en solo, un peu moins rythmé que le Caloon Saloon de Gasse, mais oh que c’est réussi! Sur scène, les regards complices s’échangent autant que les petites remarques en plein milieu d’une chanson. Le couple se laisse aller, échange quelques blagues et s’amuse dans ses anecdotes. Si le tout était programmé et rodé au quart de tour, rien n’y paraît tellement Archambault et Gasse débordent de spontanéité.
Un peu comme si on s’était invités dans leur salon.
C’était l’objectif visé par le duo ainsi que par Fany Rousse, la conceptrice de la tournée Routes d’artistes. Des lieux inusités pour présenter un spectacle, comme un chalet dans Lanaudière, une auberge à Baie-Comeau ou un gîte à Baie-Saint-Paul. Des spectacles où on ne compte qu’une poignée de spectateurs qui ont tous le meilleur « siège » dans la bâtisse. Une proximité incroyable avec le public qui change la donne. On retrouve un peu l’ambiance des shows de grenier sans le risque que le voisin d’en bas se plaigne. La chimie entre les deux artistes qui sont devant vogue jusqu’à nous. Les cellulaires restent bien fermés (sauf pour une photo ou deux, on veut quand même un petit souvenir à montrer), l’écoute est plus que polie.
L’expérience est à vivre. Et à revivre.
On va suivre Saratoga de près. EP à venir en juin. Ça va être joli.
Et on va suivre Route d’artistes d’encore plus près. Ne vous inquiétez pas, dès que Fany récidive, on vous en parle. Merci beaucoup pour l’invitation.