Ne sait-on jamais quand un courant musical connaitra sa renaissance?
Les esthétiques et les sonorités peuvent varier, mais tous les revivals ont souvent un point en commun : l’enthousiasme. Un courant nait d’un enthousiasme général, une soif d’innover. Lorsque ce courant renait des cendres, ses nouveaux adeptes font également preuve d’enthousiasme, mais aussi de respect envers les traditions et principes établis. Toutefois, un groupe peut aussi bien avoir un côté irrévérencieux, souvent vu comme de la prétention, lorsqu’il puise son inspiration dans le passé.
Tout ça m’amène au nouvel album de Clay and Friends.
À première vue, leur son parait particulièrement éclectique : la bande de Clay n’a pas peur de mélanger tous les ingrédients du garde-manger. Ça goutera drôle, mais ce sera nouveau.
Est-ce que le groupe montréalais prône un certain revival, ou mille à la fois? Oui, il est vrai que Conformopolis saute un peu du coq à l’âne côté genre, mais reste que le projet est résolument original, excitant et moderne. Ce mélange des genres est habile et loin d’être prétentieux. En soi, ce nouveau disque rappelle surtout une époque où les artistes québécois n’avaient pas peur d’expérimenter avec les sonorités électros et exotiques dans leurs chansons (on pense ici à Daniel Bélanger circa Rêver Mieux, à Doba Caracol, à Stefie Shock…). L’histoire ce répète donc ici, en quelque sorte.
Dès la première chanson, l’excellente «TITO» (dont on a déjà parlé ici), on a l’impression d’être dans l’appart’ des musiciens : ça sent drôle, y’a des plantes et des guitares un peu partout, le studio est dans le salon et tous les gypsies jamment en souriant. Ce vibe s’installe dès le début de l’album et ne partira jamais, pour notre plus grand plaisir.
Les paroles sont généralement très imagées et cosmopolites : on a droit à un hymne au spleen urbain (l’excellente «DanS mA CITÉ»), des réflexions de cours de philo («BUDDhA ET MARX») et plusieurs moments d’introspection et de pure poésie.
Musicalement, c’est à l’image de notre métropole multiculturelle : les guitares manouches se frottent au hip hop, au jazz et agrémentent même des bouts de trap, les paroles empruntent aussi bien à l’anglais qu’au français, il y a du piano swing, du reggae au flow effréné… Bref, un beau melting-pot et plusieurs clins d’œil aux grands de chaque style.
Est-ce qu’on s’y perd? Pas du tout. Les chansons forment un tout cohérent et étonnamment accrocheur. Comme quoi il faudrait ajouter «pop» à la liste.
Martiza Bossé-Pelchat fait un retour en force sur la scène musicale francophone avec son nouvel album Libérons-nous, qui contient 10 titres. Après son passage en 2003 à la toute première saison de Star Académie, elle sort un album en 2005 et un EP en 2012, tous deux assez contrastants avec ce qu’elle nous propose maintenant.
En effet, depuis son mini-album sorti en 2012, elle passe d’un folk plutôt tranquille à une musique planante et sensuelle, caractérisé par les nombreux synthétiseurs. Après avoir participé à de nombreux concours (les Francouvertes, Vue sur la Relève, le Festival en chanson de Petite-Vallée et Coup de cœur francophone), Maritza était maintenant prête à nous réaliser un album solide et mature. Elle s’est d’ailleurs entourée de José Major à la réalisation et à la batterie, de Benoit Morier et d’André Papanicoalou aux guitares et de Philippe Brault à la basse.
Sous l’étiquette Ste-4 musique, la chanteuse nous propose comme première chanson Le diable est à mes trousses, avec une touche bien placée de gospel et un refrain anglophone. Les guitares et les choeurs se mélangent pour donner une atmosphère mystérieuse et envoutante, voire ensorcelante. D’ailleurs, l’ensemble de l’album nous tient dans un univers un peu sombre et down tempo, tout en ayant une touche particulière de sensualité. La deuxième chanson de l’album, Que cherches-tu?, est un peu plus dansante et rythmé, avec une mélodie très accrocheuse. J’aime bien la forme de la chanson, tantôt planante, tantôt cadencée avec un rythme de batterie absorbant. J’avouerais que la troisième chanson, Avant, me fait beaucoup penser à l’univers de Marie-Pierre Arthur. Toutefois, l’auteure-compositrice-interprète garde un rythme bien à elle, très groovy, qui résulte des synthétiseurs et des riffs de guitares lents et captivants.
L’album contient une chanson en espagnol et une en anglais. Personnellement, la chanson Nuestro Mundo ne me laisse pas indifférente, parce que sa prononciation n’est pas parfaite (l’espagnol étant ma langue maternelle, je le remarque particulièrement) et You don’t know, la chanson en anglais, est pas top notch non plus côté accent. Personnellement, je ne sais pas si je les aurais ajoutées à l’album.
C’est définitivement un album à écouter en solo, dans un mood heureux ou pas, parce que l’album fait sincèrement du bien. Il ne réinvente pas la roue, mais vaut certainement la peine d’être écouté. Native de la République dominicaine, Maritza a néanmoins grandi à L’Ancienne Lorette (coup donc, il y a en a du talent à L’Ancienne Lorette finalement!). Ça nous fait donc une fierté de plus à Québec.
Mercredi dernier, nous sommes allés au District Saint-Joseph ou l’auteure-compositrice-interprète Maritza présentait les chansons de son tout nouvel album Libérons-nous paru quelques jours plus tôt. Accompagnée de musiciens chevronnés (Alexis Dumais aux claviers, André Papanicolaou à la guitare et José Major – qui a aussi réalisé l’album – à la batterie, Maritza est montée sur scène en exécutant une petite chorégraphie, question de se mettre à l’aise avant de prendre sa basse et proposer ses chansons à la fois sensuelles et groovy.
Pendant près d’une heure, nous avons eu droit à des mélodies chaudes, mais envoûtantes, tout à fait l’air du temps. Les courageux spectateurs qui ont bravé la pluie froide qui tombait ce jour-là ont bien apprécié, applaudissant poliment, mais chaleureusement chacune des propositions de la jeune femme, qui était visiblement heureuse de remonter sur scène avec un projet qu’elle a mené de bout en bout.
Derrière l’apparente simplicité des chansons de Maritza se cache de belles atmosphères tantôt teintées de blues, tantôt saupoudrées de gospel, qui servent de véhicule parfait à la voix douce mais assurée de la jeune chanteuse. On pouvait également sentir une belle complicité déjà établie entre elle et ses musiciens avec qui elle a échangé de nombreux sourires toute la soirée.
Un retour en piste fort réussi. On a bien hâte d’en voir davantage!
Deux ans après l’excellent Gazebo, Joseph Edgar lance son sixième long-jeu intitulé Ricochets, un album résolument rock sur lequel on risque de taper du pied assez joyeusement pendant un bon bout de temps. Réalisé par André Papanicolaou, cette nouvelle offrande montre un auteur-compositeur-interprète en pleine maîtrise de ses moyens. En plus de Papanicolaou, Joseph Edgar a fait appel à José Major (batterie) et Alex Pépin (qui n’a qu’à s’occuper de la basse, cette fois-ci). Une brochette de musiciens à leur meilleur pour accompagner un auteur-compositeur-interprète particulièrement inspiré.
Sur Ricochets, Joseph prend vraiment tous les moyens pour réaliser ses ambitions. Les influences sont palpables, tant sur le plan mélodique que sur la qualité de la production. On se dit souvent à l’écoute de l’album que s’ils parlaient français avec un accent acadien, les Springsteen de ce monde hocheraient de la tête en signe d’approbation. Appel général lance les festivités avec un groove qui n’est pas sans rappeler l’homme d’Asbury Park. Chanson un brin engagée, mais surtout engageante, Appel général marque le rythme : cet album sera plus rock, plus incisif, plus grand que les précédents. Plus personnel, aussi. Alors qu’on s’était habitués à l’entendre parler des autres, le voilà qui parle de lui! Braises d’été poursuit dans la même veine, mais cette fois, Joseph Edgar se sert de sa magnifique plume pour nous raconter une de ses histoires. Maîtrise parfaite de son imaginaire. Oui, des fois, c’est léger, oui, des fois, il relate quelques évidences. Mais il le fait généralement dans une langue belle et vivante, sans nécessairement abuser du franglais ni du chiac.
Fille moderne aurait facilement pu se trouver sur Up ou Reveal de R.E.M. Balade résolument pop où Joseph se montre vulnérable, avec quelques craquements dans la voix, cette pièce au pont magique montre la grande qualité de la production. Tout est si clair, si cristallin, en même temps, chaque instrument trouve sa place bien à lui. Travail impeccable de Papanicolaou, ici.
Parmi les autres chansons à ne pas manquer, il y a Horizon, où Lisa LeBlanc se joint à Joseph Edgar et chante dans une harmonie qu’on n’aurait jamais crue possible. Ici, pas de surprise, on se trouve en plein folk-rock acadien au beau milieu duquel on a droit à un solo de guitare.
Ah, tiens, pourquoi pas ajouter quelques tonalités asiatiques sur Tout ce que j’ai pu dire? Encore là, Joseph Edgar montre le chemin parcouru depuis une vingtaine d’années en mélangeant allègrement indie pop, folk-rock américain et sonorités indiennes.
Le meilleur exemple de cette longue évolution est sans nul doute Chanson de dune (revisitée), qui nous ramène au premier album solo de Joseph Edgar, La lune comprendra. Dans ses nouveaux habits aux couleurs country-folk atmosphérique, la chanson brille de tous ses feux.
Sur Overdrive Voodoo, Joseph se lance dans un rock and roll fuzzé et énergique qui prend un peu par surprise. Ben oui, encore des surprises même si on approche la fin de l’album! Heureusement, sur Dormez, les enfants, Joseph ralentit le rythme avec une belle ballade aux accents country. Mashkoui termine l’album en deux temps : tout d’abord, la chanson commence doucement, mais elle gagne en intensité pour terminer comme nous avons commencer l’écoute de cet album : en hochant de la tête et en tapant du pied.
Non, Ricochets ne révolutionnera pas le monde de la musique. Du folk-rock un peu middle-of-the-road, très adulte, il y en a beaucoup dans notre paysage. Mais en mettant l’accent sur ses influences américaines comme il le fait ici, Joseph Edgar réussit à créer un ensemble qui lui colle à la peau. Non, il n’y a pas de ver d’oreille à la Espionne russe sur cet album. En revanche, il y a un équilibre qui nous pousse à écouter l’album du début à la fin. À plusieurs reprises.
À ajouter à vos listes de roadtrip.
Joseph Edgar sera au District St-Joseph le 26 mai prochain à 17 h 30 pour présenter Ricochets dans le cadre des Apéros découverte du FEQ. Allez faire votre tour, c’est gratuit!
Il y a à peine quelques années, on disait que le rock était à l’agonie. Qu’il allait mourir de sa belle mort. Le hip-hop, l’électro, le country, le folk, la pop ont tous gagné du terrain contre le bon vieux guitar, bass, drum. Moribond, le rock?
Pourtant, non, le rock se porte bien. Très bien, même. De plus en plus d’artistes et de groupes sont retournés à la base. Des mélodies simples, mais efficaces, des riffs accrocheurs qui déménagent, un rythme entraînant et beaucoup d’émotions. Du blues, quoi. Si hier, on pensait aux Stones ou à Led Zep, aujourd’hui, The Black Keys et Jack White viennent immédiatement à l’esprit. Plus près de nous, nous sommes de plus nombreux à associer le nom Caravane à cette liste de rockeurs sans compromis.
Ça tombe bien, Raphaël Potvin (bassiste) et Dominic Pelletier (chanteur) avaient quelques minutes à me consacrer à quelques jours de leur spectacle de samedi au Cercle. Toute une chance, quand on sait que les gars sont presque constamment sur la route! Je leur demande à la blague s’il leur arrive de prendre congé. « On prend souvent congé de nos jobs », répond Dominic. Selon Raphaël, c’est pour cette raison qu’ils ont mis sur pied le projet Caravane et lancé un album. « Aller le plus possible sur la route, se faire connaître partout, pour que le monde retienne le nom Caravane. » Il ajoute : « T’as beau jouer à la radio, si tu ne fais jamais de spectacles, les gens ne peuvent pas mettre de faces sur les chansons. » Pour Dominic, même avec les Hunters, les gars n’en avaient pas assez. C’est pour ça qu’ils ont mis sur pied ce deuxième projet. Pour être tout le temps partis jouer de la musique.
Pourtant, les gars ont plus de 300 spectacles derrière la cravate avec The Hunters. Raphaël me corrige : « 400. On n’a pas fait beaucoup de trucs cette année, mais le band n’est pas mort.
Tant qu’à parler des Hunters, je fais remarquer à nos rockeurs qu’il y a une belle différence sonore entre The Hunters, plus punk, et Caravane, qui fait du blues-rock. Pour Dominic, la transition était normale. Quand ils ont commencé il y a près de 10 ans, ils étaient plus jeunes, donc plus portés à jouer des trucs qui bûchent un peu plus, mais avec le temps, les goûts ont changé, la musique écoutée en tournée a changé. Raphaël ajoute : « Caravane est assez près de ce qu’on écoute, de nos influences communes. »
Ça n’a pas empêché Caravane de faire appel à deux gars qui ont une impressionnante feuille de route punk pour la réalisation de Chien noir : Hugo Mudie (The Saint Catherines) et Guillaume Beauregard (Les vulgaires machins). Selon Dominic, « ça fait au moins dix ans que je crie, s’assagir, ça fait du bien, au moins à la gorge! » Raphael poursuit : « Ces deux gars-là, ce sont des contacts qu’on s’est fait du temps des Hunters. C’était naturel d’aller vers eux pour notre nouveau projet. Guillaume, c’est un ami d’Hugo, il a une belle plume. » Il était plus pratique pour Caravane de travailler avec des gens qui étaient passés par le même chemin qu’eux, qui comprenaient leur virage. C’est pas comme s’ils avaient fait appel à des spécialistes de la pop. J’ajoute à la blague : « comme Danger Mouse! »
Justement, il y a un côté très pop, très dansant à Chien noir. Les paroles, très toi et moi. Le côté presque disco de Maxyme.On dirait que comme Franz Ferdinand, Caravane fait de la musique pour faire danser les filles. Je demande aux gars si c’est le but visé. En riant, Raphaël et Dominic répondent que ça vient tout simplement d’eux, de leurs expériences. L’amour, l’amitié, les sentiments humains, ça a toujours été leurs thèmes, tant chez The Hunters que chez Caravane. Dominic ajoute : « Au début, on essayait d’écrire des textes qui rejoignaient tout le monde, mais on s’est rendu compte que plus on écrit des trucs personnels, plus on touche les gens. »
Si je posais la question, c’est parce que la plupart des fans de Caravane dans mon entourage sont des filles. Elles se sentent interpellées, que ce soit par les paroles ou par la musique, tandis que mes chums de gars trouvent ça un peu emo à leur goût. Pourtant, Dominic, Raphaël et moi, nous sommes d’accord : les chansons d’amour, c’est la base du rock, en français comme en anglais! Pour Dominic, « les meilleures tounes sur la Terre, ce sont les tounes d’amour! » Raphaël apporte une réflexion intéressante : « Il y a, depuis quelques années, un certain snobisme par rapport aux chansons d’amour. Pourtant, si on fouille dans les discothèques, tout le monde en a et en écoute! Qu’il y ait du monde qui associe musique et combat politique, c’est super cool, mais en même temps, ça ne sert à rien d’être snob envers les chansons personnelles. Les deux peuvent apporter quelques choses. »
On passe au spectacle. Chaque passage de Caravane amène le groupe dans des salles de plus en plus grandes. Samedi, ils seront les maîtres du Cercle pour un soir. À quoi devrait s’attendre un gars, comme moi, qui n’a pas encore eu l’occasion de voir le groupe sur scène? « Contrairement à ce que tes amis de gars peuvent penser », soutient Dominic, « on fait pas juste danser les filles, sur scène, on est assez rock and roll!. Ça déménage. » Pour Raphaël, un des objectifs de Caravane, c’était de ramener le rock sur la scène québécoise sans que ce soit quétaine. Les gars veulent que leurs spectacles soient des party rock and roll. « C’est ça que ça fait », ajoute Raphaël. Hugo, le directeur de tournée nous interrompt : « Y’a un disquaire à Rouyn qui est arrivé longtemps d’avance parce qu’il ne voulait pas manquer le show. Il a vu The Who à New York dans les années 1960, il a vu un paquet d’autres artistes avant qu’ils ne deviennent des stars. Il m’a dit que les gars de Caravane étaient, avec Pagliaro, les plus grands rockeurs du Québec. Pour lui, il fallait que Caravane aille encore plus loin parce que ça se comparait à ce qu’il avait vu des Who et des Stones à leurs débuts. »
On revient à mon introduction. On assiste depuis quelque temps à une recrudescence du rock. Dominic : « Oui, même les radios! » Raphaël : « C’est vraiment inespéré! On s’est ramassés dans toutes les radios commerciales du Québec. Ça nous a surpris parce qu’on ne voulait pas faire de compromis. On voulait faire un projet rock, même s’il y a un petit côté pop, et toutes les radios nous ont tourné. » Y’a pas que les radios commerciales qui aiment Caravane, les médias plus orientés vers les groupes émergents apprécient également beaucoup. Bonne chose pour le rock. D’autres groupes, comme Gazoline, commencent aussi à pousser. Raphael : « C’est comme une nouvelle vague de rock québécois, on profite de la vague de fond qui vient des États-Unis, des groupes comme les Black Keys font maintenant partie des plus grands groupes au monde. » En effet, sinon, ils ne viendraient pas jouer devant des dizaines de milliers de Québécois pour une septième fois en cinq ans. Plus près de nous, un groupe champ gauche comme Galaxie, qui roule sa bosse depuis longtemps, a joué récemment au gala Artis devant plus d’un million de personnes! Les membres de Caravane reconnaissent que Langevin et sa bande ouvrent de nombreuses portes.
Petite question sur le label, Ste-4 Musique, qui est comme la petite étiquette indie de l’Empire Québecor. C’est comment, avoir un pied dans l’empire? « Non seulement, t’as pas l’impression de faire partie de l’empire », répond Dominic, « en fait, t’es pas dans l’empire quand t’es sur Ste-4. L’équipe est formée de gens comme nous, des passionnés de musique. » Raphaël ajoute : « Quand t’es plus jeune, tu te fais une image d’un gros label avec des gens en veston-cravate. C’est vraiment pas comme ça que ça se passe. C’est rempli de jeunes comme nous, qui viennent d’horizons musicaux complètement différents. Tout le monde, jusqu’à la haute direction, est super smatte, super gentil. » Dominic conclut en disant qu’à Ste-4, il y a des gens qui savent ce que ça représente, faire de la musique, qui ont fait des tournées, pué pendant quelques jours.
Cet automne, le groupe devrait retourner en studio travailler sur son deuxième album, qui devrait avoir quelques pièces plus garage. Raphaël indique que les nouvelles chansons ont le même esprit que celles de Chien noir, mais la lettre, elle, ressemble plus aux membres du groupe. « C’est sûr que quand tu commences un projet, tes influences sont plus apparentes, mais plus tu travailles ton propre son, plus ça vient naturellement. » Vous êtes avertis : le prochain album va sonner comme du Caravane.
J’aurais pu continuer à écouter Raphaël et Dominic pendant encore de nombreuses minutes, mais bon, nos bols de chips et nos bières étaient vides, ce qui signalait le retour à nos activités régulières chacun de notre côté. J’ai quitté le Cercle en remettant Chien noir dans mon iPhone. Je pense qu’avec ces gars-là dans la locomotive avec les autres Galaxie et Gazoline, le rock québécois est entre de bonne mains. Vivement samedi.
Caravane sera au Cercle le samedi 16 mai à 20 heures (portes : 19 h). En première partie, We Are Monroe et The Damn Truth. Quelques surprises attendent les fans. On n’en dit pas davantage, sinon, ça ne serait plus une surprise! Les billets (15 $ + frais) sont disponibles au Cercle, chez EXO et sur lepointdevente.com. Bien sûr, nous serons là!
*** CONCOURS ***
Nous faisons tirer une paire de billets pour le spectacle de samedi. Tout ce que vous avez à faire, c’est aimer notre page Facebook et nous dire, dans le billet qui parle de cette entrevue, qui a réalisé Chien noir. Question facile, non? Nous indiquerons le nom des gagnants vendredi à midi.
J’avais un peu le trac. Une première entrevue en près de 20 ans, et de mémoire, la dernière n’avait pas si bien été. J’étais un peu pressé par la vraie job qui n’est pas toujours compatible avec ma passion. À mon entrée dans le petit resto limoulois où il m’avait donné rendez-vous, Joseph Edgar était là, son chapeau vissé sur la tête. Je vais le rejoindre à l’arrière, dans une petite section tranquille. Franche poignée de main. Le trac est parti tout de suite. Les 20 minutes qui ont suivi m’en ont paru cinq. C’était comme si j’étais avec un vieux chum qui avait plein d’histoires à raconter.
D’entrée de jeu, une question qui me turlupinait : En 2015, est-ce que Joseph Edgar est un Acadien qui vit à Montréal ou un Montréalais originaire d’Acadie? « Un Acadien qui vit à Montréal, certainement! Tu peux sortir le gars de l’Acadie, mais pas l’Acadie du gars! »
La question se pose. Après tout, son plus récent album paru au début de 2014, Gazebo (Ste-4 Musique), parle manifestement de Montréal. Quiconque y a vécu un petit bout reconnaît le parc Molson et son magnifique kiosque (le gazebo en question). D’ailleurs, sur Alors voilà, il nomme carrément l’endroit où il allait chaque matin, café et cigarette, pour observer autour de lui, comme des gens qui vont dans les centres d’achat, qui s’assoient sur un banc, qui observent et qui s’inventent des histoires. « J’avais envie de raconter des histoires un peu à l’extérieur de moi-même… », même si on finit toujours par parler un peu de soi. Comme un carnet d’observations prises pendant sa première année à Montréal.
La discussion porte inévitablement sur Espionne russe, qui a propulsé Joseph Edgar dans les grandes ligues. Parti d’absolument rien (sa demande de subvention avait été refusée), il dessine carrément le clip. Grand succès sur YouTube. Les radios embarquent une par une, même les grosses stations commerciales. Les ventes progressent. Quand je lui demande comment ça va depuis, on le sent heureux de son sort, mais prudent. « Lorsqu’on fait des spectacles, il y a plus de monde. La chanson a piqué leur intérêt pour le reste de l’album. Je remarque que non seulement nous avons plus d’invitations pour aller jouer à différents endroits, mais aussi que les gens connaissent bien le matériel. Ça nous encourage à continuer. »
On décrit souvent Joseph Edgar comme un des porte-étendards de la vague acadienne qui a déferlé ces dernières années. Je profite de l’occasion pour en envoyer une au champ gauche à l’auteur-compositeur-interprète. Le traducteur que je suis a remarqué que Joseph Edgar utilisait un niveau de langue différent pour écrire ses chansons que les Radio Radio, Lisa LeBlanc et autres Hay Babies. Si les gars de Radio Radio utilisent clairement le chiac dans leurs chansons, que Lisa LeBlanc mélange joyeusement le français et l’anglais et que les filles des Hay Babies s’expriment dans un registre plus populaire, de son côté, sur Gazebo,Joseph Edgar soigne son vocabulaire. « Pendant les dix ans où j’étais dans Zéro degré celsius [NDLR : le groupe au sein duquel il a commencé sa carrière], le chiac était un peu plus prononcé, mais mes parents étaient enseignants au secondaire et on m’a toujours encouragé à lire des livres. » Il ajoute qu’il lit beaucoup, mais qu’il n’aime pas se répéter. Il dit qu’avec Zéro degré celcius et sur ses premiers disques solo, les gens ne comprenaient pas toujours ses propos. « Sans perdre mon accent, j’ai voulu me forcer un peu plus du côté de la plume pour être plus universel et rejoindre plus de gens. »
Le deuxième clip tiré de Gazebo, Alors voilà, est aussi un dessin… animé, cette fois-ci. Joseph Edgar a beau avoir entrepris des études en arts visuels (avant de se consacrer à la musique), il n’avait jamais fait d’animation. Je lui fais remarquer qu’en le visionnant, j’ai immédiatement pensé à La Linea, un dessin animé italien qui a marqué tous les enfants des années 1970. Joseph Edgar me répond qu’il s’était fortement inspiré de ce dessin animé, ainsi que de l’esthétique des dessins animés des années 1960 à 1980, comme on pouvait voir dans les midis de l’ONF à l’époque.
Ces expérimentations en dessin auront-elles une influence sur le prochain album? Sera-t-il plus visuel? « J’essaie toujours me me mettre dans différentes situations quand je compose des chansons. Par exemple, pour les troisième et quatrième albums, j’étais tout le temps dehors, au bord de la mer, en Nouvelle-Écosse. Je m’installais, parfois, je parlais aux goélands, mais cette fois-ci, je me suis enfermé seul dans mon studio, comme si c’était une job, je m’installais et je laissais la chanson venir, et je jouais ensuite avec les instruments. » Cet album sera beaucoup plus introspectif, mais l’auteur-compositeur-interprète ajoute qu’il sera très imagé. « Les textes sont influencés par ces dessins. Je réalise que je peins des portraits comme quand j’étais jeune, mais en musique. »
Retour sur Espionne russe (on pose les questions comme elles nous viennent à l’esprit, voyez-vous?). C’est qui, cette fameuse espionne russe? Joseph Edgar m’explique que la chanson est une ode à ces femmes fatales, ces méchantes dans les films de James Bond, qui lui crèvent le coeur et le trahissent, mais qui sont amoureuses de lui. Un triangle amoureux inventé. « Il y a bien des gens qui disent : Quelle belle chanson d’amour, mais ça va pas ben pour les deux gars dans la chanson! »
Nous abordons le spectacle qu’il donnera au Petit Impérial le 17 avril prochain. À quoi s’attendre d’un spectacle de Joseph Edgar? « On tourne depuis près d’un an, mais le spectacle évolue tout le temps. Je pense que le live, c’est l’occasion de faire vivre une chanson, j’aime pas quand ça reste la même affaire. Contrairement à un tableau ou à une chorégraphie, on a la chance de rendre nos chansons uniques chaque fois qu’on les joue. » Il sera accompagné d’Alexandre Pépin, un multi-instrumentiste capable manier la basse et la batterie en même temps, tambourine au pied. S’il commence son spectacle avec une grosse touche de folk, (« chansonnier », ajoute-t-il), Joseph Edgar promet qu’on va voir son côté plus rock… et punk. Il s’amuse avec Pépin, avec qui il joue depuis cinq ans, et c’est une belle complicité que nous avons hâte de voir.
Pour finir sur une note plus légère, je demande à Joseph Edgar ce qu’il écoute ces temps-ci. « Je suis complètement accro au dernier album de Jean Leloup. Leloup, c’est une des raisons pour lesquelles je chante en français. Et j’adore le risque et l’exploration qui se trouve dans le nouveau Marie-Pierre Arthur. » Il collectionne aussi les disques en vinyle et va toutes les semaines faire de l’exploration dans les magasins de disques. Collection démarrée quand un cousin, qui souhaitait attiser la curiosité musicale de Joseph Edgar, lui a donné une table tournante et de nombreux disques. Lorsque je lui demande s’il a des noms acadiens à nous proposer, il s’anime : « Y’a Les hôtesses d’Hilaire qui commencent à faire sentir leur présence au Québec. » Il leur souhaite tout le succès du monde, puis il nous parle de Pascal Lejeune, qui a pris le pseudonyme Thomé Young sur son dernier album. Il nous suggère également de surveiller Joey Robin Haché et Pierre Guitard. « Il y a aussi des groupes qui n’existent plus, mais qui sont des groupes-phares, comme Idée du Nord, qui n’ont malheureusement jamais percé par ici, mais qui ont repoussé les limites de ce que nous pouvions faire. » Il termine en souhaitant que le Festival de jazz invite Les Païens (j’avoue… ils kickent des culs et bottent des derrières – et je les verrais bien à place d’Youville pendant le Festival d’été).
J’aurais pu écouter Joseph Edgar pendant encore une heure ou deux. Nous aurions pu approfondir sur son écriture. Parler de ce deuxième printemps érable qui semble se montrer le bout du nez. Il avait le temps de le faire, c’est moi qui n’en avais plus à ma disposition. Mais bon. Cet homme affable, disponible et généreux venait de se gagner un nouveau fan.
On vous invite à faire comme nous et à venir voir Joseph Edgar au Petit impérial le 17 avril prochain. Ça va être sympa. Vous pouvez également écouter Gazebo (disponible chez tous vos bons disquaires – dont Archambault, bien entendu, ainsi que sur iTunes et Bandcamp) et les albums précédents de Joseph Edgar (sur Bandcamp), voire trouver des pièces de Zéro degré celsius (j’en ai vu passer sur YouTube et en fouillant, on trouve des albums… au pire, demandez à vos amis acadiens). Son répertoire au complet fourmille de trucs intéressants. Et puis vous pouvez regarder en boucle les deux derniers vidéoclips de Joseph Edgar. Du joli travail. À bientôt!