Le 12 décembre dernier, Klô Pelgag abandonnait son pompon et se faisait raser les cheveux sur scène au Club Soda pour Leucan, et ce dans une mise en scène époustouflante. Même si elle avait encore ses cheveux le 10 décembre, elle est aussi venue à Québec pour nous présenter cette prestation inédite, qui marquait la fin d’une tournée d’une durée de près de deux ans. Et quel spectacle ! Mais avant d’aller se planter au Grand-Théâtre pour écouter ça, on en a profité pour rencontrer Klô et lui poser quelques questions.
Entrevue
Bien sûr, on a été tenté de lui poser la question à 100$ sur ses cheveux. On s’y est cependant pris de biais en lui demandant quelles réactions cela avait causées dans son entourage. «Avant que je décide vraiment de le faire, quand j’en parlais à des gens en disant ‘Ah j’aimerais peut-être ça me raser les cheveux à un moment donné’, les gens me répondaient ‘Mais non, fais pas ça ! Tes cheveux !’ et des choses comme ‘Ben non tu peux pas faire ça !’, explique-t-elle. Je me suis dit : ‘voyons, c’est ben plate comme réponse !’. C’est plate de vouloir enfermer quelqu’un dans une image que t’as de lui et de jamais vouloir que ça change. Bref, ça je trouvais ça drôle, mais à partir du moment où j’ai décidé de le faire pour vrai, ce n’était pas si pire. C’était plus positif peut-être. Donc il n’y a pas vraiment eu après ça de gens qui étaient contre.»
Et même si des gens proches ou moins proches lui avaient montré quelque opposition, Klô Pelgag l’aurait sûrement fait quand même. C’est en tout cas ce qu’on peut déduire de ce qu’elle pense de son image en tant qu’artiste : «À partir du moment où tu décides de faire quelque chose qui est plus public, ça ne t’appartient plus ton image. Faut accepter de se détacher de ça un peu. Je m’en fais moins avec ce que les gens disent, ça ne me dérange pas,» explique en effet l’auteure-compositrice-interprète. Cependant, elle s’empresse quand même d’ajouter : «J’imagine que des fois ça me dérange, ça dépend. Je ne suis pas complètement détachée non plus, parce que c’est quand même personnel tout ça, mais à une certaine limite j’ai laissé ça aller. » C’est selon elle une chose qui nécessite un certain effort, mais qui reste intéressante à faire. «C’est pas nécessairement un exercice difficile, ajoute-t-elle, parce que si tu ne le fais pas, si tu ne te détaches pas un peu, tu vires fou. Faut pas être trop control freak.»
Le détachement qu’a opéré Klô Pelgag par rapport à son image et à sa musique semble d’autant plus nécessaire que sa démarche artistique s’avère être très personnelle. C’est en tout cas ce qu’on a pu constater en parlant avec elle de son album paru en 2013, L’alchimie des monstres : «Cet album-là, je l’ai écrit pour me faire du bien, quand je feelais moins, quand y’avait quelque chose à faire sortir. C’est pour ça que ça s’appelle L’alchimie des monstres aussi : tu transformes quelque chose de mauvais en quelque chose de plus grand. Je n’écris pas beaucoup quand je suis vraiment joyeuse. Je ne suis pas capable d’écrire une toune en majeur !» D’ailleurs, même le choix de son vocabulaire sur l’album découle d’un processus personnel d’expression : «J’essaie d’aller crissement creux dans ma tête, dans mon cœur, et d’aller creuser pour essayer de trouver les mots pour décrire avec la plus grande justesse tout ce que je ressens. L’humain est vraiment complexe et il existe beaucoup de mots pour un sentiment, donc c’est dur de trouver les mots justes. Et, en même temps, ça ne veut pas dire que ce sont les mots justes pour les autres. C’est juste pour moi.» Ces mots justes, ce sont souvent des mots inusités, qui font naître dans ses chansons des décors surréels. Ce sont pourtant des émotions bien réelles qu’expose Chloé Pelletier Gagnon : «C’est la réalité, mais il y a une part d’imaginaire. Souvent ça vient d’une émotion très réelle qui se transforme. En fait, je n’aime pas dire les choses… je n’ai jamais vraiment écrit de façon très descriptive, parce que je ne trouve pas ça intéressant. Ça ne me fait pas du bien de dire, par exemple : ‘la table était verte et puis il y avait un miroir’. Ce qui me fait vraiment du bien, ce qui me rend heureuse quand j’écris, c’est de trouver la façon de dire, une façon non pas imagée ou poétique, mais une autre façon de décrire les choses.»
Se faire du bien en écrivant des chansons est une chose, mais Klô Pelgag cherche aussi à s’amuser à travers sa composition : «Tant qu’à écrire, j’écris aussi pour aimer ça parce qu’après, la toune, tu la joues 300 ou 400 fois. Il faut que tu la sentes pour vrai dans tes tripes, parce que sinon c’est plate en hostie.» Elle applique d’ailleurs cette façon de penser à ses spectacles, qui ont souvent été renouvelés autant sur le plan de la mise en scène que des arrangements musicaux tout au long de sa tournée qui a compris plus de 220 représentations. Et on y retrouve souvent des choix plus que judicieux : «Des fois c’est des affaires qui peuvent avoir l’air vraiment très connes, mais qui me font triper! L’autre fois, raconte Klô, j’avais un show dans lequel la première partie c’était un gars qui mangeait du spaghetti avec de la musique électronique jouée par deux musiciens avec des têtes de chat. Ils jouaient du classique, mais électronique [Pour les spectateurs du OFF 2015, on saura reconnaître ici Glenda Gould à ses tout débuts]. Et moi je trouvais ça vraiment malade, parce que ça me fait rire. Je trouve que c’est une criss de belle image !» Ce genre de folies prend aussi racine dans le goût de rendre son spectacle plus attrayant pour les spectateurs : «J’ai aussi la peur que ça soit plate, parce que moi je trouve ça plate en général […]. J’aime mieux écouter un album parce que souvent en spectacle après vingt minutes j’ai de la difficulté à me concentrer. Il faut vraiment qu’il y ait des affaires qui viennent me chercher pour que je reste attentive parce que sinon je vais me concentrer sur le mur ou bien checker le monde qui regarde le show, leurs faces, parce que j’trouve ça vraiment beau.» La solution à cela, pour elle, se trouvait dans les costumes et l’action dont elle pimenterait ses spectacles. Elle semble d’ailleurs s’être inspirée des rares spectacles marquants pour elle : «J’ai vu beaucoup de shows dans ma vie, mais il n’y en a pas beaucoup dont je me souviens ! Par contre, je me souviens, quand j’avais 15 ans, du show des Goules à Québec dans lequel il y avait du monde déguisé en oiseaux et un gars avec une camisole de force. Ils pitchaient des graines dans la foule. Ça m’a marquée parce que c’était cool comme show ! »
Le 10 décembre au Grand Théâtre de Québec
Marquant, son spectacle du 10 décembre dernier l’était aussi. En guise d’introduction, Robert Nelson s’est présenté sur scène dans un panier d’épicerie pour nous faire le coup des fruits mangés avec la pelure. Un bon vingt minutes d’incompréhension délectable devant un type qui mange un ananas ou un melon en entier sur de la musique épique. C’est d’ailleurs un exploit à voir aussi dans le vidéoclip d’Alaclair Ensemble intitulé Pomme, qui met encore en scène le même rappeur québécois. Tout au long du spectacle, ayant pour thème les fruits, on a eu droit à des folies, des mascottes, des changements de décors et de costumes. Côté musique, on n’a pas non plus été laissés en reste. On a d’une part eu droit à des réarrangements très intéressants des pièces de l’album de Klô Pelgag, souvent proches du blues (pour lesquels il faut remercier Mathieu Pelgag, le frère de Klô). Le plus marquant reste à mon avis la version bluesy et reggae de Le soleil. D’autre part, quelques nouvelles chansons furent aussi jouées. En outre, la formule de la jeune artiste a bien fait son effet : elle avait un plaisir visible à jouer sur scène, autant que ses musiciens. Ce fut un plaisir bien rendu par la foule éclectique du Grand Théâtre, même si elle était un peu timide. La finale, quant à elle, était à couper le souffle et à mourir de rire, puisque ça s’est terminé en duo (Serge Brideau des Hôtesses d’Hilaire, en pijama, s’est joint à la chanteuse) sur Les yeux du cœur, chanson pendant laquelle ils ont même joué une bagarre de bouteilles de bière. Les mots étant insuffisants pour expliquer l’inexplicable, je vous conseille d’aller voir les photos de la galerie pour mieux apprécier ces descriptions.
Il ne faut pas non plus oublier de mentionner la performance de la première partie, Stéphane Robitaille. À l’aise sur scène, il a fait des blagues d’entrée de jeu, porteuses de son humour léger teinté de cynisme qui a aidé à faire passer les textes plus durs de ses chansons. Sa musique et ses mélodies s’inscrivaient dans la lignée des grands chanteurs québécois et français. Avec un accompagnement instrumental assez simple (guitare, contrebasse), ses chansons mettaient surtout le texte de l’avant. Et quels textes ! Acerbes, mais parfois comiques, ils traitaient de sujets aussi variés que le suicide (hop la vie !), l’amour entre vieux ou le quartier fétiche du chanteur : Saint-Jean Baptiste. Ce fut somme toute une belle introduction à la prestation éclatée de Klô Pelgag.
Après ce spectacle de clôture et son pendant à Montréal le 12 décembre dernier, l’artiste entre maintenant en phase création. On a déjà hâte d’entendre ses nouvelles chansons et de la revoir en spectacle, cette fois sans pompon, afin de savoir quelles autres merveilles elle cache dans son sac. En attendant, je vous invite à consulter la galerie photo, dans laquelle Llamaryon vous présente ses meilleurs clichés de la soirée du 10 décembre autant devant que derrière la scène. On vous laisse aussi sur une petite anecdote racontée par Klô Pelgag lors de son entrevue.
Une anecdote pour finir
As-tu un contrôle total sur ce que tu fais par rapport à ta maison de disques ?
«Ouais, total. C’est juste que des fois ils me donnent des idées. Ici [à Québec], on fait ce qu’on veut pas mal, mais en France il y a une équipe qui réfléchit beaucoup à ce qu’on pourrait faire, pis souvent ils n’ont pas de bonnes idées! Dans ce temps-là, il faut que je leur dise ‘arrête !’. »
Un exemple ?
«Ben, à un moment donné il fallait vraiment que je fasse un vidéoclip pour un deadline. Et là ils m’ont dit ‘ah fais nous confiance, ça va vraiment marcher avec ce réalisateur-là, c’est un réalisateur français’. Je ne le connaissais pas tant que ça, mais j’ai répondu ‘bon OK, je vous fais confiance parce que là je suis en tournée et que vraiment je n’ai pas le temps de rien faire’. Une fois arrivés, on a fait trois ou quatre jours de tournage. Ensuite j’ai reçu le clip un peu plus tard et je me suis dit : ‘oh mon dieu !’. Je me suis pitchée par terre, j’ai versé une larme, pis j’me suis sentie…violée ! Pis là, il est jamais sorti… il est jamais sorti parce que c’était vraiment une mauvaise idée c’t’affaire là ! Depuis le début ! Donc là au moins je sais maintenant quand…quand dire ‘arrête’!» a-t-elle conclu en riant.
Crédit photo: Llamaryon