C’est jeudi soir dernier que Pilou nous a conviés au bar l’Anti pour une leçon de folk-rock exemplaire. Le jeune routier musical nous y a présenté des compositions bien ficelées et surtout, bien senties.
Le nom de Peter Henry Phillips ne te dit rien ? C’est normal, pendant plusieurs années, il a travaillé dans l’ombre, prêtant sa voix aux beats de DJ Champion et s’exécutant sur une base régulière pour l’émission Belle et Bum.
Son premier album, The Origin, est sorti au printemps 2016 et se révèle être un savant mélange entre Arcade Fire et Patrick Watson.
En première partie, Gilles, le jeune groupe originaire de Québec, a mis la table avec un rock francophone assumé et sans complexes. Pour les avoir vus en spectacle il y a quelques années, le groupe a pris beaucoup d’assurance et travaille fort pour se tailler une place sérieuse dans l’univers parfois inégal du rock francophone au Québec.
Je vais être franc avec vous, je n’ai pas une mémoire à tout casser. À chaque année, c’est de la torture. Vous voyez, mes parents ne sont pas sur facebook et je ne me rappelle jamais de leur date de fête et la seule raison pour laquelle je me rappelle celle de ma blonde, c’est qu’elle est très proche de la mienne. Ce que j’ai mangé pour souper hier soir ? Aucune idée. Où est-ce que j’ai laissé trainer ma carte SD ? Ishh …
Alors, quand vient le temps de me rappeler d’un show que j’ai été voir il y a 1 mois et demi, je me demande pourquoi je n’ai pas pris de notes ( ce que je fais normalement ) ? Il y a une partie de moi qui ne veut pas mettre un tel souvenir dans une boite, qui désire plutôt le laisser se perdre dans un torrent d’émotions et un stroboscope d’images explosant dans un kaléidoscope de glitter.
Ça vous est déjà arriver de vous réveiller d’une grosse cuite et de n’en garder aucun souvenir ? Vous essayez alors de reconstituer votre soirée à partir d’indices. C’est ce que je vais essayer de faire avec le show de Les Fleurs et Caltâr Bateau au Pantoum le 18 décembre 2015 en essayant de me le rappeler à l’aide des photos que j’ai pris pendant la soirée.
L’esprit de noël semblait déjà bien installé et je suis prêt à parier que ce père-noël en a vu de toutes les couleurs. Simon a l’air content.
Nous pouvons voir ici le claviériste et chanteur principal de Les Fleurs qui est accompagné de son animal totem, le corbeau. Parait-il qu’on ne doit pas regarder un corbeau trop longtemps dans les yeux, car il peut voler votre âme.
Jim jouait très proche du spot, j’espère qu’il n’a pas été trop éblouit. Heureusement, ce sont des LED, alors il n’a pas eu chaud.
Alexis communique aussi en langage des signes en plus de jouer du clavier et de chanter, ce qui rend l’expérience encore plus surréel. Ici, il fait la lettre O.
Benoit joue de la batterie dans les fleurs.
Le deuxième band, caltâr bateau, nous joue de la musique de chambre.
Oh non, ça semble être du rock finalement.
Ou du jazz … J’suis un peu mêlé …
En tout cas, ça a l’air bien bon.
Tout le monde chante dans le band. ça fait moins de chicane de même je crois.
j’espère que les photos vous ont aidé à vous imaginer comment c’était, vous pouvez maintenant consulter le reste des photos que j’ai pris cette soirée-là pour vous faire votre propre interprétation du show.
20:55 – Je suis en route vers l’Anti, je sens mon cell vibrer dans ma poche. C’est un texto de Marion Desjardins, la photographe de l’événement :
Merde, la 1ère partie est passée! Je viens de voir Sam Amidon sortir avec tout son stock!
Déjà ?! Depuis quand les heures indiquées sur les événements sont les bonnes! Je me dis que je vais devoir changer mes habitudes de vie pour être sur de ne rien manquer à l’avenir. Maryon a l’air très déçue alors que je la rencontre devant L’anti. Nous restons là, pris en sandwhich entre la voiture de M. Amidon et le bar-spectacle. Nous apercevons une contravention glissée sur l’essuie-glace de la voiture du chanteur…
Le show
D’emblée, félicitation à L’Anti et à Karl-Émmanuel Picard de prendre des risques tels que produire des shows de qualités qui peuvent parfois sortir des zones de conforts des spectateurs de la vielle-capitale. C’était un lundi soir et à dix minutes de marche de l’Anti se produisait pour la première fois au Cercle ( et à Québec ) un band pas mal attendu, c’est à dire Parquet Courts. Malgré cela, il y avait une foule raisonnable et chaleureuse pour accueillir la troupe de Brooklyn à l’Anti.
Devant nous se dressaient six musiciens, chacun à sa place sur la scène du bar. Un peu effacé et en retrait des autres musiciens, placardé derrière plusieurs consoles et un ordinateur portable, se tenait le maître de cérémonie de cette grande messe, Ellis Ludwig-Leone. Plus qu’un maestro, Ellis est le savant compositeur des chansons de San Fermin. C’est en étudiant la composition musicale à New York qu’il a rencontré plusieurs musiciens et qu’il a eu la révélation de composer de la pop complètement démesurée surchargée d’émotions. Son premier album éponyme a été très bien accueilli par la critique et la plupart des chansons de leur show de ce soir était tirées de celui-ci, malgré le fait qu’ils venaient d’en sortir un nouveau plus tôt en 2015.
Les musiciens, fidèles à leur habitude, ont donné une performance explosive et sans accrochage. Un gros bravo aux prouesses vocales des deux chanteurs de tourné, Allen Tate et Charlene Kaye, qui incarnent l’âme des chansons. C’est surtout Tate qui captive, avec sa voix grave et suave, un peu comme un Matt Berninger ( The National ) qui viendrait de passer une belle journée. Charlene, quant à elle, sait mettre le feu aux spectateurs, en se donnant corps et voix sur chaque morceaux. Les musiciens s’échangeaient des regards complices entre chaque pièces et nous semblions faire partie d’un gros party. Charlene nous a surpris en s’asseyant derrière la batterie pour une chanson, à l’avant de la scène se dressait une multi-instrumentiste mystérieuse qui passait de la mandoline au violon, nous avons aperçu un trompettiste sortir de nul part. Tous les coups étaient permis pour nous faire passer une sacrée belle soirée. Ellis nous a remerciés, heureux et humble. C’était déjà la dernière chanson, tout le monde souriait et planait, tout ça n’était pas qu’un rêve.
Être sobre un vendredi soir très festif dans la basse-ville de Québec, c’est aussi maladroit que d’être soûl à une fête d’enfant un dimanche après-midi. On se sent pas très à sa place, mais c’est le fun quand même. La ville vibre sous le poids de la multitude d’événements cool qui se partagent les sorteux téméraires de cette ville pouvant parfois paraître endormie. Entre autres, nous avons le choix entre l’omnium de quilles psychédélique, Walrus au Pantoum et Men I Trust au Cercle. Ce dernier est annoncé à 23h, pour donner la chance à tout le monde de s’amuser partout. C’est ça Québec. Je me présente au Cercle à 23h ( généralement, je ne suis jamais à l’heure pour un spectacle ) et je me bute à une porte fermée. Je descend au Sous-Sol et rencontre une fille au regard dubitatif. Il semble y avoir un événement au Sous-Sol et pourtant je viens en voir un autre en haut. Je me sens vieux et plus trop à la mode, je trouve. Une autre fille, que je croise en remontant, me dit que le show en haut commence à 23h30. J’en profite pour aller m’enfiler deux pogos à l’épicerie économique pour oublier le temps qui passe. Je vais encore avoir des problèmes intestinaux …
23h30. Il y a un line up à l’entrée du Cercle et le show est déjà commencé. Sizzors. Un son métissé très montréalais d’un band qui doit ses origines à la vielle-capitale, une créature musicale à plusieurs têtes de laquelle émerge un électro-rock surfant sur un groove super énergique. Pendant un pépin technique, qui durera plusieurs minutes, nous avons même droit à un medley digne d’une compilation de Danse Plus 2000 avec, entre autres, Milkshake, le succès planétaire de Kelis, interprété un peu à la manière de Random Recipe. Toute qu’une expérience. Le groupe ne semble jamais à bout de ressources et repousse les limites de la musique de party alors que la charismatique chanteuse nous sort quelques as de sa manche tout au long du spectacle : elle joue des percussions en symbiose avec la drummeuse pendant une chanson ou bien module sa voix à quelques reprises pour ajouter un peu de piquant au tout. La troupe se retire après plusieurs chansons explosives, laissant une salle comblée aux vapeurs alcoolisées.
Un rideau noir sépare désormais les spectateurs de la scène. Je monte donc à l’étage, sur la mezzanine, pour observer ce qui se trame sur la scène. Les membres de Men I Trust nous dressent une scène épurée qui met les deux chanteuses à l’honneur à l’avant scène, alors que les trois hommes ( dont deux des membres fondateurs, Dragos Chiriac et Jessy Caron ) gravitent en périphérie. Je redescend alors qu’un technicien tire le rideau. La salle est bondée et ils se méritent un accueil chaleureux. Québec, leur terre promise, se fait belle ce soir. Dès les premiers soubresauts vocaux d’Odile, enrobés des mélodies programmées de Dragos Chiriac, nous avons la fine intuition que nous allons assister à un concert unique. Malgré un éclairage quelque peu schizophrène, il règne devant nous un atmosphère sensuel ( au sens multiple du terme ) qui baigne dans une simplicité efficace. Les deux chanteuses, Emmanuelle et Odile, s’échangent le micro et se le partage parfois pour combiner leur voix si délicieuse et complémentaire. Men I Trust ne serait rien sans la vision et le travail acharné de Dragos, le maitre de cérémonie et producteur de cette incarnation, mais sur scène, il laisse toute la place aux musiciens et nous pouvons sentir devant nous une véritable collaboration et non seulement l’exécution d’une direction musicale et artistique à sens unique. Les invités se succèdent et nous avons droit à un véritable défilé des voix les plus sexy de ( et du ) Québec, comme si les beats à eux seuls n’étaient pas suffisants pour nous envouter la région pelvienne.
Je regarde mon cell et il est 1h30 du matin. Je me fais vieux et je dois aller me coucher pour être en mesure de remplir des obligations le lendemain. C’est non sans-regret que je quitte un Cercle bourdonnant et bien vivant, restant sur ma faim et espérant me reprendre le plus tôt possible pour un autre concert de Men I Trust.
Se présenter à un spectacle de rock canadien un soir de semaine à Québec, c’est accepter la fatalité. C’est comprendre que nous allons nous retrouver dans une ambiance intime imposée par un nombre très restreint de spectateurs. Bien sur, il y a des exceptions ! Dernièrement, nous avons eu droit à de belles foules pour Vietcong et Alvvays qui ont réussis à percer le mur culturel qui sépare le Québec du reste du Canada. Par contre, nous n’avons pas eu cette chance pour Dear Rouge, qui est pratiquement inconnu au Québec.
Et pourtant, le couple marié qui forme Dear Rouge, ainsi que les musiciens en satellites qui les accompagnaient dans la pénombre, nous ont offert une performance digne d’une diva de la pop dans un stade rempli à craquer. Sans trop se perdre dans des conversations qui seraient tombées à plat, face aux spectateurs peu nombreux, ils ont plutôt choisi de nous balancer tout ce qu’ils avaient sans rien demander en retour, faisant preuve d’un professionnalisme hors pair. Leurs compositions prennent aussi tout leur sens en spectacle lorsqu’elles sont illuminées par des faisceaux de lumières et portées par la charismatique Danielle McTaggart.
En renfort, directement de Winnipeg et ayant mobilisé le plus de spectateurs, Rah Rah a fait exploser le toit du Cercle ( pas pour vrai, là ) avec un indie rock à saveur très fruité. J’étais déjà un fan de leur dernier album, Vessels, qu’ils ont bien rendu sur scène. Il y régnait une belle énergie, alors que tous les membres du groupe ( à part le batteur ) étaient alignés devant nous pour nous présenter majoritairement leurs derniers tubes. Ils s’échangeait généreusement le micro entre les chansons, nous faisant passer d’une voix d’homme aux accents d’un Lou Reed qui n’aurait jamais pris de ketamine de sa vie à un vocal féminin éclaté et rempli de bonne humeur.
C’est Caveboy qui a ouvert le bal. Un band de Montréal qui en était à sa première visite à Québec et qui semble très prometteur. Ils sont définitivement à surveiller. Leurs premières chansons empruntaient plus à de la pop planante, à la Mozart’s Sister, pour ensuite débouler avec intensité vers un rock un peu psyché et sans relâche.
Les fans de indie pop de la ville de Québec attendent impatiemment le 21 octobre depuis quelques mois déjà. Cette date marquera la première visite de Alvvays dans la vielle capitale au bar Le Cercle. Son premier album éponyme, ayant connu un succès commercial très modeste à ses débuts, a été accueilli dans le cœur de plusieurs canadiens lorsqu’il a été nommé aux prix Polaris. Son secret ? Des rifts très accrocheurs, un son qui se balance confortablement entre le indie rock des années 90 ( Pavement ou The Replacements ) et ce qui se fait de mieux dans le pays en ce moment. Pour rendre justice à cette énergie pop contagieuse, plusieurs réalisateurs chevronnés ont mis leur touche à l’album, entre autre Chad VanGaalen ( musiciens multi-disciplinaire assez étrange ) et Graham Walsh de Holy Fuck ( responsable pour le sublime album de Hannah Georgas ).
Alvvays sera accompagné de Mardeen ( Halifax ) et LOS ( band très sexy de la ville de Québec ).
Pour plus d’information, va visiter la page facebook de l’événement.
Simon Paradis-Dionne se tient debout devant moi. Il a l’air en forme pour un gars qui vient de passer une semaine à tituber entre un local de jam et l’hôpital. Il a l’air de s’être bien remis de son appendicite, même s’il a eu des complications après la chirurgie. À quelques jours de son lancement, il semble relaxe et réfléchi.
« Ah ouais, c’est parce que je suis sur les médicaments. Je suis un peu buzzé là. »
Ah ok!
Il vient me voir pour qu’on ajoute la touche finale au vidéoclip qu’on a tourné pour le deuxième extrait de son nouvel album, L’Issue du Soir . [Lisez la critique de l’album de Jacques Boivin juste ici.] Un clip qu’on a réalisé en un après-midi avec l’aide d’amis et d’un peu de bière. L’idée était de faire quelque chose de simple et d’un peu improvisé, d’un peu brouillon. Tourner sans trop y penser.
Cette fois là, c’était notre deuxième et dernière chance de pouvoir faire un clip pour le mettre en ligne un peu après son lancement. Notre première tentative s’était soldée par un échec lors d’un roadtrip au Nouveau-Brunswick en début d’août pour un joyeux petit festival nommé Sappyfest. Armés de iphones, d’un appareil photo et de notre imagination sans fin, nous allions produire le prochain clip qui allait influencer une génération entière de cinéastes. Ou pas. Finalement, après 12 heures de char dans le corps, des autoroutes pas très belles à filmer et 4 personnes dans une voiture qui voulaient rêver éveillés plutôt que tourner un clip, nous avons décidé d’abandonner le projet. Même les feux d’artifices que nous avions achetés à Cabano, ce petit bled à cheval entre le Québec et le Nouveau-Brunswick, n’avaient réussis à nous inspirer.
Je dis au revoir à Simon, tout en m’assurant qu’il est un peu moins stone que quand il est arrivé chez moi. Le clip est dans la boite, j’espère que vous allez apprécier.
C’est lundi le 16 mars que les Francouvertes de Montréal vont accueillir au sein d’une de leurs soirées de concours de band un musicien bien particulier de Québec.
Anatole, c’est l’alter ego musical complètement déjanté, à la limite d’un fanatisme obscène un peu sucré, d’Alexandre Martel, du band Mauves. Là où Mauves carbure aux effluves pop-rock planantes, Anatole donne libre cours à une folie libidineuse laissant place à une musique rythmée, haute en couleur à l’imagerie quelque peu démesurée. L’Une des premières prestations d’Anatole s’est déroulé à la première édition du Cassette Store Day de Québec qui a eu lieu au Knock Out en 2013. Alexandre y était présent, accompagné de son frère, Cédric ( bassiste pour Mauves et Tire le Coyote ), ainsi que Shampoing à la guitare. Pour l’occasion, ils nous avaient concocté un show de fortune, avec un keyboard accoté sur le mur qui remplaçait un drum inexistant avec des presets casio.
Nous pouvons dire que le projet a pris une dimension plus ambitieuse un an plus tard. Alexandre, toujours avec son frère à la basse, s’est entouré du producteur et musicien Simon Paradis, Jean-Michel Letendre-Veilleux, membre de Leafer et un des fondateurs du Pantoum et de Jean-Étienne Collin-Marcoux, membre des X-Ray Zebras et autre fondateur du Pantoum. Nous avons maintenant droit à un mur de synthés ( Simon, Jean-Michel et Alexandre jouent tous du synthé dans le band ) au lieu d’un traditionnel mur d’amplis de guitares qui ont normalement leur place dans le milieu macho du rock. Ici nous avons plutôt droit à une créature androgyne, baignant dans un atmosphère théâtrale aux influences qui puisent autant dans le prog des années 70-80 qu’à une pop intemporelle qui vise doit au coeur ( ou à la fourche, tout dépendant des gens ).
C’est entouré de plusieurs fanatiques du chanteur canadien que j’ai vécu mon premier spectacle de Dan Mangan et ses Blacksmith. Mangan est un cas assez rare en territoire Québecois : un auteur-compositeur canadien-anglais qui mise sur des chansons à textes qui réussis à réunir autant de gens en spectacle à Québec sans grand support radio.
Club Meds, c’est le nom de son dernier album, qui se situe dans un univers complètement à part de ses albums précédents. Un univers où il n’a pas besoin de remplir ses chansons de texte, où il prend le temps de s’étendre. Un album mystérieux et sombre, qui nous le livre sous un autre jour. Une oeuvre qui prend un certain temps à absorber et à voir les réactions du public face à ses chansons plus anciennes par rapport aux nouveaux morceaux ( qu’il, soit dit en passant, intègre super bien à son spectacle ), il devra nous laisser encore un peu de temps pour qu’elles deviennent nos nouveaux coups de coeur.
Côté technique, le son manquait un peu de balance. Son guitariste, qui ajoute beaucoup au show autant au niveau sonore qu’au niveau spectacle, était relégué un peu en arrière plan. L’éclairage est venu ajouter beaucoup aux ambiances sonores vastes et complexes et les musiciens étaient en forme.
La prochaine fois, j’aimerais bien les voir dans une salle un peu plus petite, plus intime, question de bien saisir toute l’immensité du dernier opus de Mangan.
En première partie, Dany Placard a ouvert le bal. Un choix un peu amusant compte tenu de la grosse feuille de route de l’auteur-compositeur-producteur, qui doit être plus habitué de finir les concerts plutôt que de les commencer.
A suivi Hayden, un groupe de indie-rock canadien qui ont bien réchauffé la salle. Mention spécial au différents musiciens qui s’échangeaient constamment leurs instruments sans moindre effort et fausses notes. Nous avions affaire à un band habitué à la scène qui nous ont offert une solide performance, sans grandes surprises par contre ou d’écart de conduites.
Dans le quartier St-Jean-Baptiste, il y a un appartement où plusieurs destinées se sont croisées. Une sorte de repère pour les libres penseurs, les âmes en voyage et pour ceux qui vivent dans leur valises, ou plutôt qui se laissent porter par elles.
C’est un petit appartement au cachet rustique qui s’étend sur deux étages. Je me souviens d’y avoir rencontré Coroner Paradis il y a quelques années, un musicien-poète anarchiste, un sombre magicien de la prose, qui s’est exilé à Montréal. À l’étage du logement, il y a une poignée de petites chambres dans lesquelles habitent deux sœurs jumelles qui maîtrisent l’art du cirque. Calmes et souriantes, elles m’évoquent une rêverie peuplée de créatures de contes de fées. Toujours dans la partie supérieure de l’appartement, une nouvelle arrivée y fait sa place. Elle s’appelle Jane Ehrhardt et c’est une des musiciennes les plus actives de Québec, une sorte de légende du folk, si la ville de Québec peut se permettre de reconnaître une telle légende lorsqu’elle crée entre ses murs.
Retournons au rez-de-chaussée, si vous le voulez bien, pour rencontrer un autre nouveau venu dans cette bâtisse. Damon Hankoff.
Damon est un New-Yorkais venu étudier à Montréal sans savoir parler un mot de français et qui est resté par la suite. Il suit présentement une formation en lutherie à Québec et il y vit une immersion complète dans la francophonie. Je suis allé rencontrer l’américain pour son projet musical nommé étrangement Out of Sight of Land. En essayant de traduire le nom de son avatar musical, je me pose encore plus de questions. Une référence à l’inconnu? Lorsque nous sommes sur un bateau et que nous perdons de vue la terre, nous tombons sans repère, nous savons maintenant que nous ne pouvons compter seulement que sur nous-mêmes. En le questionnant sur son passé, je crois finalement comprendre ce qu’il sous-entend dans le nom qu’il a choisit pour son projet.
La musique fait partie de la vie de Damon depuis son enfance. Très jeune, ses parents l’inscrivent à une école secondaire des arts. À l’adolescence, son monde c’est le jazz. Il est autodidacte et devient multi-instrumentiste. Il étudie la théorie musicale à McGill et il évolue dans la scène jazz de Montréal. Dans ses cours, il doit choisir un nouvel instrument à apprendre. Sa mère, dans toute sa sagesse, lui conseille de choisir la contrebasse, car ça va lui permettre de jouer dans autant de concerts qu’il le veut. En plus d’accompagner des ensembles jazz à la contrebasse après ses études à Montréal, il gagne sa vie en chantant dans des chorales. Il adore la musique baroque et la musique de la renaissance.
Alors qu’il est de retour à New-York pour un séjour de quelques mois, il y a de ça 2 ans, il décide de commencer à travailler sur ses propres créations. De la musique qu’il a composé au piano, sur laquelle il travaille depuis des années. Il décide alors de sortir ses compositions de sa chambre pour les tester sur un public et quoi de mieux que le métro de New-York pour se pratiquer devant pleins de spectateurs. Il se rend vite compte qu’il ne peut pas toujours traîner son clavier dans le métro et c’est alors qu’il prend la décision d’adapter ses créations pour l’accordéon. Un choix original compte tenu de la saveur et de l’ambiance de ses chansons, qui sont loin d’être d’un registre folk. Transposer du piano ( un instrument avec lequel il a grandi et qu’il maîtrise bien ) à l’accordéon ( qu’il va apprendre à jouer par lui-même ) ne s’avère pas de tout repos. Il se pratique à chaque jour et ça va prendre un bon moment avant qu’il enregistre quelque chose. Et c’est peut-être là que nous pouvons retrouver la signification du nom Out of Sight of Land. D’assister à une dérive musicale contrôlée, de quelqu’un qui se place lui-même en territoire inconnu.
Qu’est-ce qui a été le plus dur à apprendre : l’accordéon ou le français ? Je pose la question à Damon sans trop de sérieux. Le français, qu’il me répond.
Le français, tu ne le maîtrises pas … like … T’es toujours en train d’apprendre, de franchir de nouvelles étapes. Tandis que l’accordéon, je peux apprendre à jouer une chanson très bien! Même s’il y a le vaste inconnu tout autour, je joue cette chanson là et je la joue bien. Tandis que le français, c’est n’importe quelle discussion que je vais tomber dans des concepts où est-ce que je n’arrive pas à m’exprimer, ou bien que j’aurais pu mieux le dire. En fait, les deux ( l’accordéon et le français ) sont des défis qui vont prendre toute une vie.
Fier d’une immersion totale à Chicoutimi qui a fait naître en lui des racines francophiles il y a de ça 10 ans, il allait les faire germer plusieurs années plus tard en déménageant à Montréal et ensuite à Québec pour ses études. Il a eu la chance de tomber sur des colocs amoureux de la langue française et musiciens, dont Julien Déry de Mauves, qui lui a demandé de les accompagner au piano à quelques reprises en show. Une occasion en or pour Damon de se faufiler dans la scène locale de Québec. Quelques petits concerts plus tard ( dont un remarqué au Festival OFF de Québec l’année passée ) et une tournée à moto de l’est du Canada, le jeune homme continue sur sa lancée. Il va sortir du nouveau matériel prochainement et il planifie une tournée à moto encore plus ambitieuse pour cette année.