À l’aube de ses trente ans, Fanny Bloom a sorti un album homonyme sur lequel elle fait la relecture épurée de chansons tirées de ses albums précédents. Seule au piano et appuyée par les présences discrètes de Thomas Hébert (trompette et fluglehorn) et de Pierre-Philippe «Pilou» Côté (contrebasse, violoncelle, harmonium), Bloom montre ses talents d’interprète avec sensibilité et nuance. Elle présentera un spectacle intimiste d’après une mise en scène de Jean-Simon Traversy (Constellations) le 26 mai prochain au Théâtre du Petit-Champlain. Je suis allée à sa rencontre pour discuter de son album, de son spectacle et de musique, évidemment.
Dès la première écoute du dernier album, on se questionne sur l’intention de Bloom à revisiter deux chansons de chacun de ses albums précédents, Apprentie guerrière (2012) et Pan (2014): « Ben en fait, c’est vraiment la forme première dans laquelle ont été composées et écrites les chansons », dit-elle, « fait que pour moi, c’est comme ça qu’elles existent avant de passer sous le bistouri du réalisateur. Avec le temps, on a réalisé qu’on ne se rendait pas compte du travail de pianiste qui était en dessous de toutes les couches. Ces chansons méritaient cet angle ». Elle raconte également qu’on lui demandait régulièrement si elle pouvait tendre davantage vers une interprétation piano-voix lors de ses spectacles, ce qui lui a donné le goût de tenter l’expérience. Reste que c’est l’âge et le besoin de se poser qui ont initié la transition d’un univers musical pop, dansant et léger vers un univers totalement intimiste, instinctif et brut : « Ça me faisait du bien de penser que j’allais partir en tournée et pouvoir avoir le temps de jouer mes affaires. Je n’avais pas à suivre une clique, un musicien ou une forme donnée de chanson. Il y a une liberté de pouvoir bien faire les choses ». Mais pour en arriver là, Bloom a dû prendre de l’assurance quant à ses talents de pianiste et reconnait qu’elle n’aurait pas été assez solide pour se retrouver seule sur une scène plus tôt dans sa carrière.
On savait déjà que Bloom recherchait à produire un disque essentiellement piano-voix, mais au cours de l’enregistrement, de très beaux arrangements se sont greffés aux mélodies : « On était chez Pilou au Nid (studio). À la fin d’une journée, on s’est rencontré et on s’est fait écouter chacun ce qu’on avait fait. Un moment donné, je lui faisais écouter une chanson pis il a pris sa contrebasse pis il a joué par dessus. J’ai fait; ben là, faudrait peut-être l’enregistrer! » Bloom lui a alors confié le mandat de composer les arrangements à trois instruments – piano, basse, trompette – qui rappelle l’esthétique musicale de l’excellent EP Constellations qu’elle a écrit pour la pièce de théâtre du même nom. Le travail s’est fait, selon elle, très naturellement dans le studio et on le sent d’ailleurs sur l’album. Les arrangements viennent envelopper la ligne mélodique très pure sans toutefois la dénaturer.
Par ailleurs, sur son dernier album, Bloom reprend deux chansons dont Danse avec moi de Martine St.Clair. Totalement réussie, cette pièce est le résultat d’une rencontre musicale entre ces deux femmes dans le cadre de l’émission Pop de jam à Musiqueplus. Comment a-t-elle réussi à s’approprier cette chanson? « Selon moi, le secret pour faire une reprise, c’est de ne pas vraiment écouter la chanson. Tu l’écoutes un peu pour te donner une ligne directrice, mais après tu te forces à ne pas l’écouter quand t’es pas sûr d’un bout, parce qu’il y a quelque chose qui sort instinctivement ». C’est de cette façon que Bloom s’est retrouvée avec une approche introspective de la chanson qu’elle a intégrée à son spectacle. « C’est rafraichissant de chanter quelque chose que t’as pas écrit, ça fait changement ».
La rencontre avec le metteur en scène Jean-Simon Traversy avec qui Fanny Bloom a travaillé sur la pièce Constellations constitue indéniablement un événement marquant dans la carrière de la jeune artiste. C’est d’ailleurs Traversy qui signe la réalisation scénique de son dernier spectacle. Comment est-elle arrivée à lui confier un matériel aussi personnel à mettre en scène? « Ben il m’a beaucoup fait confiance. Au début, je ne le connaissais pas, c’est lui qui est venu me chercher pour la pièce Constellations. J’ai trouvé qu’il s’exprimait vraiment très bien, il m’a mise tout de suite en confiance et m’a donné aussi énormément de liberté. J’ai toujours trouvé qu’à chaque fois qu’il faisait des commentaires aux acteurs, à chaque fois qu’il s’en allait quelque part, il y avait toujours quelque chose dans la tête, ce n’était jamais vide de sens ». Bloom ajoute qu’il se dégageait de la pièce une belle sensibilité qu’elle trouvait juste pour le spectacle de musique qu’elle désirait offrir à son public : « Vu qu’on se connaissait plus, ça été facile de le faire. Il a embarqué là dedans et il trippe aussi à faire des trucs comme ça. Je pense qu’on s’est beaucoup nourri mutuellement. C’est un match parfait pour la création ».
La composition du spectacle est issue d’un brainstorm entre Bloom, Traversy et Renaud Pettigrew, concepteur lumières qui a travaillé pour Robert Lepage et sur la pièces Constellations. Les trois ont été inspirés par la première partie de l’oeuvre The Flux and the Puddle de David Altmejd dans laquelle on peut voir des cubes imbriqués en miroir et éclairés d’une certaine façon à ce que la lumière éclate sur les murs. « C’est une oeuvre qui nous a vraiment beaucoup inspirés pour construire le décor lumineux. C’est dans le décor que se retrouve la lumière. On a construit quelque chose dans laquelle le piano pouvait s’imbriquer ». La structure lumineuse est d’ailleurs ce qui impressionne le plus l’artiste qui ne cache pas sa fierté d’avoir réussi à concevoir un tel effet visuel, et avec raison: « Je sais que c’est impressionnant, que c’est quelque chose à voir. Je pense que ce qui est vraiment le fun, c’est qu’on a réussi à faire interagir la musique et le module en même temps ». Bloom confie qu’il y a des moments enlevants grâce aux ambiances sonores qui viennent alimenter l’exécution de l’oeuvre dans son ensemble : « Moi je suis là dedans, je le vois, je le joue. Si ça me fait de quoi, j’ose imaginer que les gens ressentent quelque chose aussi. C’est puissant ».
Questionnaire musical en vrac
« Quand j’étais jeune, mes parents écoutaient énormément de musique française. Je ne sais pas si j’aurais choisi ce genre spontanément, reste que les Brel et les Brassens m’ont quand même beaucoup influencé dans ce que je suis devenue comme auteur. Fait que quand j’sais pas quoi mettre, je mets de la vieille musique française ».
Qu’est-ce que t’écoutes quand tu es in the mood for love?
« Mettons le dimanche soir – petit verre de vin – j’aime ça quand mon chum met du vieux jazz pis on fait de la bouffe. Je trouve ça romantique. Je suis assez nostalgique dans mes choix musicaux ».
Qu’est-ce que tu écoutes en char?
« Là c’est plus pop. C’est loud. Beyonce ça joué beaucoup, Rhianna. Surtout quand il fait beau, les fenêtres baissées.»
« En général, je ne suis pas coupable de mes plaisirs musicaux… Mais ça m’arrive encore de tripper sur Lara Fabian ».
Qu’est-ce que tu aimerais qu’on joue à tes funérailles?
« Ça serait surement du classique. Ça serait surement du Chopin ».
FANNY BLOOM SERA EN SPECTACLE AU THÉÂTRE PETIT-CHAMPLAIN LE 26 MAI PROCHAIN. DÉPÊCHEZ-VOUS, LES BILLETS S’ENVOLENT VITE! INFOS