Tire le coyote lançait hier son quatrième album Désherbage au nouveau bar Le détour, situé dans le Grand Théâtre, à Québec.
Famille, amis et public étaient conviés dans une ambiance intimiste à inaugurer l’espace et à le désherber avec Benoît Pinette et sa bande composé de Shampouing (guitare et voix), Cédric Martel (basse), Jean-Philippe Simard (batterie) et de Vincent Gagnon (claviers). Son apport est crucial et il a son charme, car il ajoute une touche qui embellit les pièces de Tire le coyote.
Dans Pouvoirs de glace, des enfants dansent devant la scène et il n’y a que Shampoing et Pinette. La chimie du duo, qui se complétait bien l’un et l’autre, était palpable. Les textes sont encore aussi beaux que sur Mitan et Panorama, mais on gagne en profondeur musicale avec le piano de Vincent Gagnon.
Sa magnifique Tes bras comme une muraille nous assaille par tant de beauté. Les musiciens sont talentueux et énergiques. Dans Toit cathédrale, c’est la guitare de Shampoing qu’on retient. Elle retentit au juste moment. Les frissons n’ont pas tardé dès le début de Le ciel est backorder et Comment te dire. Les deux pièces nous arrachent quelques larmes, mais nous font du bien malgré tout.
Hier, les musiciens étaient en symbiose et se complétaient dans leurs points forts. Ça nous donne encore plus envie d’aller voir la mouture complète sur scène le 9 décembre prochain au Grand Théâtre de Québec.
Dire que Désherbage, le quatrième album studio de Tire le coyote (Benoît Pinette), le troisième sur l’étiquette La Tribu, était un album attendu est un pas pire euphémisme. Mitan et Panorama ont été acclamés par la critique (dont votre humble serviteur) et au fil du temps, Pinette et sa bande se sont bâti un public de plus en plus large, qui apprécie sa voix particulière, ses musiques douces pour l’oreille, mais surtout ses textes d’une grande beauté.
Si vous aviez peur que tous ces éléments ne soient pas réunis sur Désherbage, je vous rassure immédiatement : tout est là, la voix, la musique et la poésie! Faut dire que l’équipe au complet est toujours dans le navire… les mains habiles de Shampouing à la guitare, le groove de Cédric Martel à la basse et les rythmes subtils de Jean-Philippe Simard, auxquels s’ajoutent cette-fois ci d’autres mains habiles, soit celles de Simon Pedneault à la guitare (également à la coréalisation avec Pinette et Shampouing) et de Vincent Gagnon au piano et aux claviers.
Cet ensemble de dix titres montre un Tire le coyote en pleine possession de ses moyens, autant sur les plans de la musique que de la poésie. L’évolution se poursuit, Désherbage se démarque autant de Panorama que celui-ci se démarquait de Mitan. Musicalement, Pinette et ses complices demeurent résolument folk, mais l’ajout d’un deuxième guitariste et d’un pianiste ajoutent une profondeur qui permettent à Tire le coyote d’étendre sa palette de couleurs et de prendre une tangente beaucoup plus rock (d’ailleurs, certains morceaux font joyeusement taper du pied). C’est un peu comme si Bob Dylan avait branché sa guitare au Festival de musique folk de Newport. C’est ici que l’apport de Simon Pedneault prend toute son ampleur. D’un autre côté, les morceaux les plus doux bénéficient grandement de la finesse du jeu de Vincent Gagnon sur les touches d’ébène et d’ivoire. D’autres font même penser à du Dylan des années 2000 (je me suis même demandé si mon lecteur audio n’avait pas fait des free games aux premières notes de Toit cathédrale… jusqu’à ce que j’entende la voix aiguë de Pinette!).
Cependant, avec Tire le coyote, on porte une attention toute particulière aux textes. Parce que, comme d’aucuns l’affirment, Benoît Pinette est un de nos meilleurs paroliers (avec Stéphane Lafleur) à l’heure actuelle. Il a le don de créer des images fortes et colorées en utilisant un vocabulaire riche et des métaphores savantes, mais il ne tombe pas dans le piège de l’intellectualisation à outrance, faisant plutôt appel à des mots que tout le monde comprendra facilement. Pinette a cette facilité de trouver des rimes originales (fuck les rimes faciles toutes en « é ») qui rythment ses chansons. Et il y a cette diversité de sujets… oui, il y a l’amour (notamment Tes bras comme une muraille, Toit cathédrale), mais il y a aussi les pertes douloureuses (Pouvoirs de glace), la maladie (bouleversante Le ciel est backorder – qui à elle seule me rentre dedans comme un album de Corriveau; cette pièce est tout simplement parfaite et se hisse avec Confetti au sommet de ma liste de chansons préférées de Tire le coyote), la sagesse (mélancolique Chanson d’eau douce, qui conserve une belle lueur d’espoir) et la nostalgie (Désherbage, Fifille)… Ah, il y a cette savoureuse adaptation de Video Games de Lana Del Rey où Pinette réussit à ploguer Camus et Grand Theft Auto dans la même chanson!
Avec Désherbage, Tire le coyote prouve une fois de plus qu’il est un phare pour le folk d’ici. Plus ça va, moins on a envie de parler de ses influences et plus on a envie de parler de tous ceux et celles que Benoit Pinette va influencer tout au long de sa carrière (qu’on souhaite encore longue et prolifique). Ses chansons aussi personnelles qu’universelles, riches, complexes, colorées, mais tout à fait accessibles à tous méritent qu’on s’y attarde longuement, qu’on se laisse bercer par les douces (et moins douces) mélodies et par les mots qui les composent.
Vous pouvez être certains que je vais tout faire pour ajouter Désherbage à ma pile de vinyles et que je vais l’écouter jusqu’à usure complète.
Ça faisait un petit bout que Les Cowboys fringants nous avaient proposé du nouveau matériel. Faut dire que nos amis n’ont plus 20 ans et que la vie les a rattrapés. Fallait voir le bedon tout rond de Marie-Annick Lépine cet été! Mais voilà, J.-F. Pauzé écrit encore des chansons, Karl Tremblay est encore capable de se faire aller les cordes vocales, Jérôme Dupras est toujours aussi fou et Marie-Annick est capable de jouer du violon assise en studio. Nous voilà donc, fin octobre 2015, avec le neuvième album du groupe, intitulé Octobre, qui présente un constat très sombre de la société dans laquelle nous vivons présentement. Et si l’exécution n’est pas parfaite, on retrouve sur cet album les Cowboys que nous avions longtemps aimé.
Pour ce retour en force, nos quatre amis fringants ont, pour la première fois, fait appel à des réalisateurs de l’extérieur, Gus van Go et Werner F. Est-ce pour cela que Tremblay chante les mots de Pauzé un couteau entre les dents?
On vous avoue avoir eu très peur en entendant la pièce-titre en ouverture de l’album. Tremblay semble y chanter sur le pilote automatique une mélodie qui n’est pas sans rappeler Kaïn. Inquiétude vite dissipée sur Bye-Bye Lou, qui suit immédiatement et qui nous ramène les Cowboys fringants comme on les aime. La lala, Louis Hébertet Les vers de terre sont des chansons aux textes sombres, mais lucides. « On est des millions de chevreuils écrasés par un 18 roues ». Justement, sur Les vers de terre, nos amis n’hésitent pas à nous rappeler que si les citoyens sont des victimes du système, elles en sont des victimes consentantes.
D’autres chansons, comme Pizza Galaxie ou Pub royal, sont du pur Pauzé. Des histoires sur mesure pour Tremblay, qui les raconte avec ce qu’il faut d’émotion pour qu’on se sente interpellé. Les feuilles mortes, qui invite à la réflexion, n’aurait pu être écrite par les Cowboys de 1995.
Les Cowboys ont même fait appel à Frannie Holder pour une magnifique chanson à boire, Marine marchande, qui constitue un moment fort d’Octobre. Quand on est habitué d’entendre Fran chanter d’une voix douce, l’entendre gueuler avec entrain (en français en plus), c’est fantastique. Cette chanson va sans doute venir rejoindre les Marcel Galarneau et autres Plombier parmi les classiques de party du groupe.
Si les 2-3 albums précédents étaient pas mal propres, on peut dire qu’ici, Gus van Go et Werner F., qui a travaillé avec de nombreux artistes aux accents punk, ont donné à Octobre une petite touche de « crotté » qui fait du bien. Sur les derniers albums, on avait parfois tendance à trop en mettre du côté des arrangements, ce qui donnait des chansons inutilement complexes. Les deux réalisateurs ont aussi réussi à donner du lustre aux harmonies vocales du groupe (la barre n’était pas très élevée, de l’aveu même des membres) et on retrouve ce petit côté imparfait qui nous plaisait tant au début des années 2000. Et qui est pas mal plus facile à reproduire sur scène, où le groupe n’a jamais cessé de briller.
Comme plusieurs fans de la première heure qui ont petit à petit délaissé le groupe en vieillissant, j’avais hâte de voir les Cowboys fringants sortir du cégep dans lequel j’avais l’impression qu’ils avaient été enfermés si longtemps. C’est chose faite ici avec un album décidément adulte. En fait, Octobre, c’est un album digne d’une crise de la quarantaine. Des constats qui font mal. Une jeunesse qui s’en va, mais qu’on ne veut pas vraiment quitter. Un tiraillement entre le sérieux et la fête.
Ça tombe bien, selon ma blonde, je suis en plein dedans.
En route vers le Festivoix, c’est une série d’articles sur quelques-uns des artistes de la programmation du Festivoix de Trois-Rivières, qui se déroulera du 26 juin au 5 juillet prochains. Parmi les artistes et les groupes à l’affiche, on note la présence de Patrick Watson, The Franklin Electric, Zachary Richard, Bernard Adamus, Pierre Lapointe, Fanny Bloom, Adam Cohen, Vincent Vallières, The Barr Brothers et Les Cowboys fringants. Pour notre série, nous vous parlerons des liens particuliers entre quelques-uns de ces artistes et leur public. Quel est le secret de leur proximité? Cette semaine, les Cowboys fringants.
Parmi les groupes qui ont une relation toute particulière avec leurs fans, il y a ce petit groupe de joyeux lurons originaires de Repentigny qui a toujours su mettre son public dans sa petite poche : les Cowboys fringants. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette proximité, dont le fait que la troupe a eu une croissance très organique favorisée par le bouche à oreille. À l’époque, Facebook et Twitter n’existaient pas, le mot blogue n’était pas encore entré dans l’usage et chaque fan se gagnait un par un, à la sueur du front de Karl Tremblay et ses acolytes. Bien sûr, les grands médias ont fini par monter dans le train déjà en marche, mais cela n’explique toujours pas ce lien si fort entre nos cowboys et leurs fans, surtout ceux de l’autre côté de l’Atlantique (où ils sont complètement absents des ondes, mais remplissent toutes les salles qui font partie de leur programme!).
J’ai un secret pour vous : dans les années 2000, nous, fans des Cowboys fringants (dont je fais partie), avions notre lieu de rassemblement sur Internet : un forum de discussion, le Forum du peuple! Dans la seule année 2007, le forum des Cowboys a compté plus d’un million de pages vues; il a même fait les manchettes, comme on peut le constater ici!
Des gens de partout étaient membres du forum. Quand je dis « partout », j’exagère à peine! Bien sûr, le forum était composé en majorité de Québécois (principalement du 514 et du 450, ce qui est logique), mais il comptait également son lot de Français, de Belges et de Suisses (les fans européens ont d’ailleurs créé leur propre forum en 2003, les Cousins fringants, qui existe encore!). Certains fans écrivaient même de l’autre bout du monde! Et malgré le penchant socio-environnementaliste des membres du groupe, les membres du forum avaient, pour leur part, des opinions extrêmement diverses.
De quoi parlait-on sur ce fantastique forum? De tout. VRAIMENT tout. Des photos de chats (bien avant que ça ne soit à la mode sur YouTube!), des discussions passionnées sur la politique locale, nationale et internationale, des débats extrêmement sérieux sur la formation partante du prochain match du Canadien (par des passionnés allumés et éclairés qui auraient fait passer Patrice Brisebois pour euh… oubliez ça, Patrice Brisebois est déjà un amateur au micro!), le départ de domlebo, tout était matière à discussion! Comme vous avez pu le constater dans la petite vidéo que j’ai liée plus haut, les discussions sur la politique et la société étaient fort nombreuses et passionnées. Malgré les fréquentes prises de becs, il y avait une relative harmonie sur le forum.
Dès le début, le forum a servi à s’organiser des road trips pour suivre les Cowboys fringants un peu partout. Il y en a qui ont voyagé de Val-d’Or à Gaspé pour voir leurs préférés!
Des liens d’amitié ont commencé à s’établir entre forumeux (oui, c’est le nom qu’on se donnait!). Des couples se sont brisés, d’autres se sont formés (plusieurs durent encore aujourd’hui et on est toujours heureux quand il y en a un qui montre les photos du petit dernier sur Facebook). Des vies ont été changées. Une ancienne forumeuse aujourd’hui en Europe m’a raconté que n’eût été du forum, elle ne serait jamais déménagée à Montréal après son secondaire et elle aurait plutôt suivi ses amis. Le forum a aussi mené à la formation des Fringants de Verdun, une ligue de hockey composée principalement de forumeux! Nous avions même notre propre gala où des prix étaient remis aux forumeux de l’année (les Louphoques)! OK, c’était plus un prétexte pour prendre une bière en gang, mais bon.
Y’avait aussi funfestivals (yep, lui je le nomme, c’est rendu une célébrité) et sa @)(&%)! de tuque de bison. Vous en avez sûrement entendu parler, il l’a fait porter à à peu près tout ce qui bouge et respire au Québec. On aimait bien rire de lui et de son enthousiasme, moi le premier, mais il faut reconnaître que sans lui, sa tuque et son $)!&)$ de Thunderbolt, y’a bien des partys qui n’auraient pas levé autant. Et puis il a vu les CF 143 fois! Oui, oui, 143 fois! C’est beaucoup.
Il y a bien eu quelques dérapages sur le forum. Des photos coquines ont circulé. Des gars déguisés derrière un pseudonyme féminin ont alimenté bien des débats et même mené à la fermeture temporaire du forum. Une tempête de sobriquets factices a mené à encore d’autres débordements, et même votre humble serviteur avait le sien qui distribuait les pénalités à qui mieux mieux sous son déguisement d’Yvan Ponton. Notons aussi la présence de JF Pauzé sous le nom de Katmandou Paul, un être extrêmement mystérieux!
Ces quelques dérapages ont montré que le forum avait atteint une trop grande popularité pour éviter toute modération, comme c’était le cas depuis le début. Faut dire qu’avec le temps, on a pas mal fait le tour de la question de l’identité québécoise et pas mal tout a été dit, même des choses qu’on regrette peut-être un peu des fois. L’arrivée de la modération, que je souhaitais personnellement, a lentement mené à son déclin. Plusieurs personnes considéraient le Forum du peuple comme un havre de liberté où pas mal tout pouvait se dire. On venait de leur dire que ce n’était plus le cas. La montée en popularité des réseaux sociaux comme Facebook a achevé le travail. Pourquoi conserver un forum de discussion dont l’hébergement coûtait cher et qui était maintenant un passif plutôt qu’un actif alors qu’une page Facebook ne coûte rien et permet de garder le contact avec les fans en ne gardant que la partie du forum la plus facile à gérer?
En novembre 2011, les Cowboys fringants ont demandé à leur administrateur réseau de tirer la plogue sur le forum. D’autres forums ont été ouverts, les groupes qui avaient fini par se former investissant chacun le leur. Il existe bien encore une version du Forum du peuple, mais celle-ci n’a plus grand chose à voir avec le groupe de Repentigny.
Reste que de belles amitiés se sont formées sur le forum. Des contacts se sont établis. Je suis heureux d’avoir conservé des liens avec bon nombre d’entre eux depuis la fermeture du forum, avec qui je partage plein de trucs en commun. Si je trippe encore sur la musique en 2015, c’est beaucoup grâce à ces amis et à leur curiosité. Et il y a bien des chances que lorsque je prendrai des photos du groupe le 26 juin au Festivoix de Trois-Rivières, quelques-uns d’entre eux seront là, à leur place habituelle, dans les premières rangées, dont funfestivals et sa tuque de bison.
Retrouver Benoit Pinette, alias Tire le coyote, c’est un peu comme aller prendre une bière avec un vieux chum qui a plein de nouvelles choses super à raconter. Tu savais que ça allait bien, mais c’est donc le fun de l’entendre te le raconter de vive voix. C’est qu’il est sur une lancée depuis la sortie de son Panorama en janvier dernier! On s’était habitués à le voir dans des salles minuscules devant une centaine de personnes et là, tout à coup, même L’Anglicane semblait trop petite pour accueillir tous les curieux et les fans!
Je dis ça, mais il faut admettre que la salle lévisienne était parfaite pour le type de spectacle présenté par Tire le coyote. Une proximité qui reflète bien l’authenticité de l’auteur-compositeur-interprète et ses musiciens. Écoute religieuse dans les moments les plus tranquilles, tapage de mains et cris enthousiastes dans les moments les plus entraînants, même le public semblait taillé sur mesure!
Juste avant de commencer le spectacle, on se demande qui assurera la première partie. Le dispositif scénique est pourtant clair : de première partie, il n’y aura pas. Tire le coyote nous le confirme d’ailleurs en montant sur scène dès 20 heures pour démarrer avec Ma révolution tranquille ce qui allait être un demi-marathon de plus de deux heures (je ne compte pas l’entracte!).
On aurait pu s’attendre à une première partie composée des pièces de Panorama, mais non, Pinette a savamment mélangé les pièces de son répertoire. C’est ainsi que les vieux fans ont eu une de leurs préférées très tôt, avec une À l’abri (dans le bois) à la fin de laquelle le public était déjà très réchauffé.
Shampouing, notre guitar hero du 418, se laisse aller sur la six cordes. Cédric Martel groove sur sa basse. À l’arrière-plan, Jean-Philippe Simard bat la mesure comme un métronome pendant que Dimitri Lebel-Alexandre nous fait glisser sur sa pedal steel. Il faut toutefois souligner l’apport inestimable de Jean-Daniel Lessard, dont la clarinette apporte une gravité, une chaleur et une douceur qui se marie à la perfection à la voix haut-perchée de Pinette.
Je l’avoue, j’ai eu la chair de poule à quelques reprises, notamment sur cette version dépouillée de Bombe à retardement, une des plus belles chansons de Mitan. Heureusement, on a eu un entracte qui nous a permis de digérer tout ça et d’en remettre à la deuxième partie.
Deuxième partie qui a démarré sur les chapeaux de roues… de Moissonneuse-batteuse, probablement la chanson la plus entraînante et rassembleuse du répertoire de Tire le coyote avec son refrain qui se chante si bien à l’unisson (« Le courant passe, reste à choisir le chemin / On branchera nos radars sur le 220 »). Évidemment, c’est pendant que le fer est chaud que Pinette décide de nous servir la sublime Confetti, encore plus belle avec la clarinette de Lessard. Je l’avoue, une larme coule chaque fois que je chante l’amour junkie avec Pinette et ses complices. Chaque fois, ce sont dix des plus belles minutes de ma vie. La finale, avec le solo de feu de Shampouing, joint par Lessard et sa clarinette… WOW.
Pour Chanson d’amour en sol standard, où il est accompagné sur disque par Chantal Archambault, Pinette raconte à la blague qu’à moins d’avoir une volontaire, on devra se contenter de la voix très féminine de Shampouing. Évidemment, on rigole un peu, mais surprise, une fan, Alicia Deschênes, se propose! Pas mal du tout, la jeune demoiselle, pas mal du tout! Son timbre grave contrastait très bien avec la voix neilyoungesque de Pinette! Un de nos fidèles lecteurs, Danny Chamberland, nous a signalé que la jeune demoiselle de 18 ans, originaire de St-Agapit, a remporté le prix Festival en chanson de Petite-Vallée à la finale nationale de Cégeps en spectacle. On va la surveiller, j’ai l’impression qu’on va la revoir!
On a eu quelques reprises, dont Blowin’ in the Wind de Dylan et Roll Another Number (For the Road) de Young. Fou de voir à quel point ces pièces s’intègrent bien au répertoire de Tire le coyote.
Pour terminer cette prestation plus que généreuse, Pinette a interprété, seul avec Shampouing, Rapiécer l’avenir. Personne n’est parti, tout le monde a écouté attentivement. C’était beau.
Chapeau aux éclairages et à la mise en scène. C’était tout simple et sobre, mais vachement efficace. L’accent était mis sur les musiciens. Dans un spectacle comme celui-là, on s’entend que c’est normal.
Tire le coyote est sur sa lancée et rien ne semble plus vouloir l’arrêter. Si c’est pour continuer à nous donner des spectacles magiques comme celui de vendredi, personne ne va s’en plaindre.
P.S. Entendre « et on décollera les pires angoisses en détrônant Harper » dans la circonscription de Steven Blaney, c’est le fun.
(Photos : ecoutedonc.ca/Jacques Boivin)
ERRATUM : Toutes nos excuses au clarinettiste Jean-Daniel Lessard, que nous avons rebaptisé Jean-Daniel Simard dans la première version de notre article. Une petite seconde d’inattention.
Chansons jouées
Ma révolution tranquille
À l’abri (dans le bois)
Les chemins de serviette
Calfeutrer les failles
Bonnies
Ma filante
La fille de Kamouraska
L’encan
Bombe à retardement*
Moissonneuse-batteuse
Confetti
Chanson d’amour en sol standard (avec Alicia Deschênes)
Blowin’ in the Wind (reprise – B. Dylan)
Les miracles se vendent à rabais
Jolie Anne
L’âge d’or vaut rien
Tétard
Chainsaw
Jésus**
Roll Another Number (For the Road) (reprise – N. Young)**
Benoit Pinette, alias Tire le coyote, avait une grosse commande : créer un successeur digne de Mitan, un des plus beaux albums que j’ai eu la chance d’écouter ces dernières années. Voix surréelle, très haute, comme Neil Young, une influence manifeste, mais aussi une plume magnifique, remplie d’humour, remplie de toutes sortes d’images de toutes sortes de couleurs.
Enregistré au studio Victor à Montréal et réalisé par Benoit Pinette lui-même, Panorama est le résultat de cette grosse commande. Sur ce disque, Pinette abandonne les teintes un brin morriconesques de Mitan et donne libre cours à un folk que certains pourraient peut-être trouver moins planant et atmosphérique, mais que d’autres trouveront plus direct et sincère.
Panorama, c’est un livre contenant neuf belles histoires racontées avec génie par Pinette. Des histoires de toutes sortes, racontées du point de vue d’un gars qui mélange savamment richesse du vocabulaire et accents populaires. Un folk pur, où la musique est au service des textes du troubadour.
Pinette a structuré Panorama comme un recueil d’histoires, avec deux jolies pièces instrumentales en guise de couverture. À l’intérieur, on savoure ces histoires et on plonge dedans. En s’approchant de ses racines, Pinette s’est aussi approché de l’auditeur, qui embarque dans le spectacle et qui, pendant une chanson comme Moissonneuse-batteuse, se joint à la fête en entonnant le refrain à tue-tête (Le courant passe, reste à choisir le chemin, on branchera nos radars dans le 220)et en tapant des mains. Quant aux chansons moins rythmées, elles constituent autant de réflexions justes d’un gars qui a les deux pieds bien soudés dans notre monde. Une pièce comme Rapiécer l’avenir aura le même effet chez toutes les personnes qui vieillissent, qu’elles aient 20 ou 80 ans.
Benoit Pinette a aussi fait appel à Stéphane Lafleur pour une chanson. Celui-ci lui a offert Les chemins de serviettes, toute douce et poétique, à l’image de son auteur, mais soyons honnêtes : cette chanson colle à la peau du coyote, qui l’a vraiment mise à sa main.
On peut difficilement rester indifférent à l’écoute d’un album si finement préparé, beaucoup plus près de la pièce d’artisanat que du bien de consommation. À l’ère du tout-numérique, de l’autotune et des batteries programmées, il y a quelque chose de fascinant dans cet album où la clarinette réchauffe l’atmosphère. Un album qui nous fait apprécier la profondeur de la contrebasse. Et, parce que c’est là sa principale force, qui nous fait aimer écouter la musique que Pinette et sa bande aiment jouer.