C’est devant un large public attentif et conquis que Casual Rites a sorti son premier album homonyme jeudi passé au District Saint-Joseph. Depuis, l’album s’est attiré des critiques élogieuses, notamment celle de Sylvain Ménard sur les ondes du 98.5 Montréal dans le cadre de l’émission Puisqu’il faut se lever. À l’occasion du lancement d’album, les membres du groupe; Phil Matte (voix & guitare), Michael Lavoie (basse), Nathan Vanheuverzwijn (clavier), Pascal Denis (batterie) et David Saint-Germain (guitare) ont accordé une entrevue à ecoutedonc.ca dans laquelle on en apprend davantage sur l’évolution du band et sur le processus créatif de l’album.
Bonne écoute!
(Photos: Marion Desjardins)
Les membres du groupe se sont également prêtés au jeu du quiz musical dans lequel on découvre qu’il existe clairement un lien à faire entre la musique qu’ils produisent et leurs goûts musicaux.
Quiz musical
Quelle est la première cassette ou quel est le premier disque que vous avez acheté?
Michael: Les premières cassettes que je me suis fait offrir en cadeau est L’amour est sans pitié de Jean Leloup et le premier album des Vilains Pingouins. Le premier disque compact que j’ai eu c’est le disque du Club des 100 Watts.
Phil: Moi, le premier disque que j’ai eu c’est mon frère qui me l’a acheté pis c’est Dookie de Green Day. Un grand classique de 1994.
David: Ma première cassette que j’ai eue c’est Bad de Michael Jackson. Je me souviens que j’allais chez mes grands-parents et que j’écoutais ça dans mon walkman Sony jaune.
Nathan: Moi je pense que le premier CD que je me suis fait offrir était le disque de Mixmania. Sinon, à 5 ans je me souviens que ma grand-mère m’avait donné des cassettes de classique et j’écoutais ça un peu. Mais moi je suis né à l’époque des MP3 et mes frères downladaient beaucoup de musique. Je me souviens que je trouvais que Metallica c’était du bruit au début, mais comme j’savais pas comment éteindre Winamp sur mon ordi, j’étais obligé de supporter Metallica jusqu’à ce que finalement je n’écoute que ça!
Michael: Moi, c’est pas un secret que c’est Plume en noir et blanc. J’ai écouté ça en accoté, je le connais par coeur! Dark Side of The Moon de Pink Floyd, Apostrophe (‘) de Frank Zappa, Crime of The Century de Supertramp et le premier album de Rage Against the Machine. Mais Plume en noir et blanc c’est vraiment celui qui a été le plus important.
David: J’ai réfléchi longtemps à ce genre de question là. C’est dur de répondre, donc je me suis mis un critère ; les albums qui ont été les plus significatifs pour moi et que je vais apporter avec moi sur mon île déserte. Fait qu’il y a The Wall de Pink Floyd, Yield de Pearl Jam, Ok Computer de Radiohead, pis dans le québécois, Tricycle de Daniel Bélanger, Boom Boom de Richard Desjardins et Harmonium d’Harmonium.
Phil: Tout ce qui est Pink Floyd, principalement Dark Side of The Moon parce que c’est l’album qui définit mieux l’oeuvre du groupe selon moi. Je dirais Lost in A Dream de The War On Drugs. C’est un album que j’écoute encore beaucoup et qui a été ben marquant. Only By The Night de Kings of Leon et I Forget Where We Were de Ben Howard. Harvest de Neil Young et L’heptade d’Harmonium.
Nathan: Ce qui fait partie de ma genèse musicale, je dirais Dark Side of The Moon de Pink Floyd. Je pense que je ne me tannerai jamais d’écouter ça! Breakfast in America de Supertramp, Harvest de Neil Young, L’heptade d’Harmonium et Portrait In Jazz de Bill Evans.
Qu’est-ce que vous aimez écouter sur la route?
Michael: J’écoute beaucoup Radio-Canada parce qu’il parle de sujet que je penserais jamais entendre. J’écoute plus ou moins de musique en char, mais Déjeuner sur l’herbe des Breastfeeders j’aime ça! Mais ça rend ma conduite un peu plus stressée.
Phil: J’écoute beaucoup de musique, mais plus de la musique du moment. Sinon j’écoute beaucoup Radio-Canada aussi pis des fois quelques podcasts quand la route est plus longue.
David: Moi, toute la musique que j’écoute, je l’écoute en char. Je pense à mon été et à la musique de roadtrip et j’ai écouté beaucoup les deux derniers albums de The War on Drugs et Jonathan Wilson dans le tapis.
Nathan: Des fois j’aime ça rien écouter et rester dans le silence. J’aime ça écouter Radio-Canada et les nouvelles. Sinon, ces temps-ci j’écoute beaucoup le dernier album de Félix Dyotte qui s’appelle Politesse. J’adore vraiment ça!
Qu’est-ce que vous aimez écouter quand vous êtes dans le mood for love?
David: Portishead. J’avais déjà essayé ça avec Sigur Ross aussi et c’était ben plaisant.
Phil: Le best c’est l’époque Motown. Marvin Gay, Al Green, Barry White. À cette époque, il y avait une vraie sensualité dans la musique et c’était pas forcé.
Nathan: Ça dépend tout le temps de la vibe.
Quelles sont les chansons qui vous font pleurer?
Michael: Dernièrement, j’ai eu de l’eau dans les yeux en écoutant Le tour de l’île de Félix Leclerc. Et dans une bonne dépression, j’ai déjà braillé en écoutant L’heptade.
Phil: Richard Desjardins, en général. Ses chansons viennent me chercher parce que c’est tellement vrai. C’est facile de se mettre à la place du personnage. Je dirais la chanson Jenny particulièrement.
David: J’ai eu souvent les larmes aux yeux les premières fois que j’ai écouté Spaceship (Casual Rites). Je ne l’ai jamais dit avant aux gars, mais la première fois que j’ai lu le texte et entendu la musique et avec le court métrage Astro de Sébastien Corriveau…
Nathan: La dernière chanson qui m’a vraiment rentrée dedans c’est une chanson de Léo Ferré et ça s’appelle La mémoire et la mer. Le texte est incroyable.
La 8e édition du Festif! de Baie-Saint-Paul est à nos portes! Un marathon de bons spectacles, de bonnes bières, de belles rencontres et de bains de soleil sur la beach. Voici un petit guide pour t’aider à vivre pleinement l’expérience Festif!
Avant
Dors. Le plus possible! Mange bien, fais de l’exercice. Fais le plein de bonnes choses qui contribueront à emmagasiner l’énergie nécessaire pour passer à travers le Festif! qui peut être tough sur le système. Je suggère également de te munir d’une trousse de survie qui te permettra de tirer profit de tous les moments agréables qui se présenteront à toi, d’éviter les lendemains de veille douloureusement insurmontables ou des coups de barre drette quand le party est en train de lever.
Ze trousse de survie:
Advil pour les maux de tête.
Capsule anti-acide pour les reflux gastro-œsophagiens occasionnels. (oubliez le Pepto Bismol, ça ne vaut rien!)
Gatorade pour faire le plein d’électrolytes.
Bouchons pour les oreilles afin de les protéger contre les décibels et contre le ronflement de tes collègues festivaliers.
Crème solaire pour protéger ta peau contre les rayons du soleil. Note que tu seras dehors la plupart du temps.
Condoms parce que tu risques de rencontrer du beau monde. Sois prêt(e).
Fruit-to-go pour les baisses d’énergie.
Ton chargeur de cellulaire pour ne pas manquer les notifications en lien avec ce qui se passe dans le village.
Un imperméable. La température au Québec a un petit quelque chose de bipolaire.
Pendant
Pendant le Festif!, la population du village triple. Il faudra donc que tu t’armes de patience lorsque tu commanderas ton café à l’excellent Café Charlevoix, par exemple. Profites-en pour parler aux gens dans la file et pour te faire de nouveaux amis. Il existe une ambiance harmonieuse lors du Festif! et tu risques de rencontrer ton lift du retour, ton chum ou ta chick en attendant une table au Saint-Pub.
Je te suggère de remplir ta sacoche ou ton sac à dos de petits snacks de subsistance comme du beef jerky (not) ou des peanuts. Hydrate-toi! Il sera d’ailleurs possible de se procurer une gourde réutilisable à l’effigie du Festif!, un beau souvenir à rapporter à la maison. Une pierre deux coups, comme on dit! N’oublie pas que la bière coulera à flot et que la formule «une bière – un verre d’eau» prend tout son sens et s’est montrée infaillible dans le passé! Le Festif! est un festival éco responsable. On revient donc encore cette année avec de nouveaux écocups. Ne perds pas ton verre et réutilise-le régulièrement.
Les filles! Je vous le dis, achetez-vous une unrinette, c’est un life changing achat! Non seulement vous vivrez l’expérience d’uriner debout, mais vous pourrez utiliser les toilettes chimiques en toute confiance et surtout en toute propreté. Vous éviterez également d’avoir les fesses à l’air et vulnérables derrière un buisson. Dans le même ordre d’idée, se munir d’un petit flacon de Purell serait un must.
Le Festif! n’est pas Coachella. Aucun média ne sera sur place pour juger ton habillement et déterminer ce qu’est «ze look» du festival. Je comprends qu’il est normal de vouloir looker dans ce genre d’événement, mais comme le dit Stéphane Lafleur: « l’amour passe à travers le linge». Sois confortable et bien. Porte des vêtements adaptés au contexte.
N’oublie pas de consulter régulièrement la programmation du Festif! Il y a plusieurs artistes qui performeront pendant ces trois jours et ce serait dommage que tu manques un spectacle parce que tu t’es trompé d’heure. Ça m’est arrivé l’année passée et je l’ai encore sur le coeur.
N’hésite pas à faire un tour sur la page Facebook du Festif! pour ne rien manquer et partage ton expérience avec la communauté mélomane du Québec sur tes plateformes de prédilection. Ecoutedonc.ca sera très actif sur Instagram et Facebook. Suis-nous!
Quoi qu’il en soit, l’important c’est que tu t’amuses et que tu vives des expériences musicales marquantes. Sit back and relax et profite de ce que le Festif! a de meilleur à offrir.
À éviter
Filmer les shows avec ton iPad.
Comme notre T-shirt le dit, évite de parler pendant les shows et ferme ta yeule!
Les talons hauts.
Parker ton char au quai avant le show de Timber Timbre sinon tu vas finir comme l’épave sur la plage.
Produire des déchets à profusion: les contenants dans lesquels on va te servir de la nourriture sont compostables. T’as pas d’excuses!
L’automne passé, Antoine Corriveau nous livrait l’album Cette chose qui cognait au creux de sa poitrine sans vouloir s’arrêter, qui du reste s’est hissé dans plusieurs palmarès des meilleurs albums de 2016. Malgré la saison estivale des pintes sur les terrasses, ce disque mélancolique reste efficace et plonge encore son auditeur dans un état de recueillement. Intense sur scène, Antoine Corriveau foulera plusieurs planches cet été, notamment celles de la Chapelle des petites Franciscaines de Marie le 20 juillet prochain lors du Festif! de Baie-Saint-Paul. Le set up annonce un moment intime et profond à l’intérieur d’une ambiance survoltée. Les habitués du Festif! savent de quoi je parle.
En lice pour le Music Polaris Prize, L’auteur-compositeur-interprète m’a lancé un coup de fil pendant lequel nous avons épluché quelques aspects de son dernier opus. Antoine s’est également prêté au jeu du quiz musical avec générosité, ce qui risque de plaire aux curieux.
La musique
C’est dans l’idée de faire les choses autrement qu’Antoine Corriveau s’est engagé dans un processus créatif qui l’aura mené vers ce qui deviendra son troisième album en carrière. En collaboration avec Nicolas Grou à la réalisation, Stéphane Bergeron à la batterie, Marianne Houle aux arrangements de cordes et Rose Normandin aux arrangements de cuivres, Corriveau a réalisé son désir de se libérer du carcan musical folk où la guitare prime pour laisser la chance aux autres instruments d’asseoir leurs lignes mélodiques sur les chansons. C’est à partir d’ébauches de pièces composées à la guitare que les 5 musiciens ont plaqué des mélodies qu’ils ont cherché à développer le plus possible : « Au niveau de la musique, on l’a fait beaucoup à cinq. On est parti des versions de mes maquettes de chanson. Une fois qu’on avait enregistré les progressions d’accords, les voix pis le groove, ben on enlevait , si tu veux, les instruments rythmiques comme la guitare et le piano pour voir un peu quel autre genre de mood on pouvait donner. Tout le monde tirait un peu la couverte de son bord. Quand c’était pas les brass, c’était les cordes, c’était le piano, c’était la guitare. Tout le monde a de grosses parts mélodiques dans chaque chanson. On a vraiment construit l’album de façon à ce que tout ça puisse cohabiter. Ça fait en sorteque chaque part a sa place dans le mix et que personne ne se pile dessus et que ça sonne aéré. Au final, c’est un résultat quand même chargé avec les cordes, les brass, mais ça demeure simple».
La période qui précède l’enregistrement a également eu son rôle à jouer dans l’aboutissement des mélodies imposantes de l’album. C’est d’ailleurs lors de la semaine de pré-production que la magie a opéré entre les musiciens: « Ce qui a peut être influencé les arrangements et la production c’est la semaine de pré-prod au début du processus. Pendant 6 jours, on a juste défriché les chansons, fait le tour pour voir comment on pouvait les arranger, vers quelle direction on les apporte. C’est là que la synergie de groupe a comme buildé la base des chansons ». Afin de recréer cet espace temps créatif, Corriveau et ses acolytes se sont réunis quelques jours au studio à la fin du processus d’enregistrement : « Quand on a enregistré l’ensemble à corde, on a dû le faire dans un plus grand studio. On s’est pris, vers la fin de la production, un trois jours de plus comme pour boucler la boucle. On voulait finir l’album comme on l’avait commencé avec la pré-prod avec Stéphane, Marianne et Nicolas. On se disait que tout était là dans les chansons et on se demandait comment on pouvait les fucker up! Qu’est-ce qu’on pouvait ajouter? On voulait s’amuser et essayer des affaires. C’est ce qui explique aussi l’esprit collaboratif derrière le disque».
Les textes
Dans les Ombres longues, son album précédent, Antoine Corriveau jonglait entre les thèmes de la rupture et du Printemps érable de manière à laisser à l’auditeur le loisir d’interpréter le sens des textes comme il le voulait. Or, les propos du dernier album seraient plus explicites selon l’artiste puisqu’ils sont tirés de sa réalité. Corriveau s’explique : « J’ai l’impression que l’écriture de ce disque-là est plus claire et plus limpide de ce que j’aurais pu écrire dans le passé parce que c’est très collé quand même sur moi. Mais à la base, je suis parti du thème – en fait j’avais lu des articles sur le tourisme macabre. C’est des gens qui vont visiter Tchernobyl, Auschwitz. Cette fascination pour la mort, les trucs un peu dark… On a tous un peu une partie de nous un peu voyeur. C’est présent dans le psyché humain, l’intérêt de toujours un peu pousser les limites, voir à quoi ça se ressemble un peu plus loin. Mais tsé, jusqu’où tu vas avant que ce soit trop loin?»
Antoine raconte également qu’il devait s’approprier ces imageries macabres afin de pouvoir écrire ces chansons et leur insuffler un aspect plus personnel. Ainsi, l’histoire derrière la 8e chanson de l’album, Musique pour la danse, est tirée d’une véritable expérience vécue à Cuba avec un ami où des femmes issues d’un contexte social défavorable courtisaient les voyageurs pour un peu d’argent: « C’est un voyage que j’ai fait à Santiago de Cuba. J’étais avec un ami, on était deux gars dans la trentaine et on se faisait constamment harceler par les filles pour du sexe. Pis chaque soir, quand on se couchait, on entendait la musique live des bars jusqu’aux petites heures. Je trouvais le contraste frappant entre les situations vraiment tristes qu’on avait vécues avec des filles qui sont un peu désespérées et la musique cubaine super joyeuse. C’est ce que j’essayais d’illustrer dans cette chanson».
Entre l’ombre et la lumière
Une fois l’album terminé, Antoine Corriveau avoue qu’il s’est écoulé quelque temps avant de pouvoir assimiler ce qu’il venait de produire : « Ça m’a pris quelques écoutes avant de catcher ce qui se dégage comme feeling d’ensemble. J’ai le sentiment que c’est peut être un disque qui est quand même chargé, qui ne se digère pas facilement. Mais en même temps, c’est un disque qu’on a fait sans trop se poser de questions, en suivant notre instinct». Par ailleurs, Antoine Corriveau se questionne sur la nécessité de souligner systématiquement les côtés sombre et mélancolique de son oeuvre: « Le trois quart de la musique anglo-saxonne est comme ça. Tout le monde trippe justement sur Nick Cave, Radiohead, PJ Harvey. Ces bands là vont venir à Montréal et remplir de grosses salles et personne ne se pose de question. J’ai l’impression que c’est un peu à cause que les textes sont en français et qu’au Québec on accorde peut-être une plus grande importance à ça que quand on écoute de la musique d’ailleurs». L’artiste souhaiterait qu’on ne lui appose pas l’étiquette du «prince des ténèbres», car bien que les textes soient plus sombres que l’album précédent, il demeure que la musique est davantage touffue et éclatée: «Dans le choix de l’orchestre à corde et des brass un peu flamboyants, c’est sur qu’il y a un côté tragique grec, c’est intense! En même temps, on écoute ça pis on trippe. C’est justement un trip de faire ça après le disque précédent qui était plus dans le folk pis dans le rock. Je sens que je fais autre chose et c’est ça qui fait que je suis excité ». Pour Antoine Corriveau, l’intérêt de faire de la musique est justement d’évoluer et de mélanger des références musicales différentes pour aboutir à un résultat qu’il n’a jamais entendu auparavant : «C’est une ambition que j’ai pour tous mes disques; d’essayer de nouvelles affaires. Je pense qu’un jour je ferais un disque dansant pis pour moi, ça va être normal».
Le quiz musical
Vinyle, CD ou Streaming?
Vinyle. Parce que je suis attaché à l’objet, mais surtout au principe d’album. J’aime les albums qui sont des touts et tant qu’à rester stické sur un support physique, je préfère celui qui a la meilleure qualité audio. J’aime aussi que le Artwork soit gros. J’aime le côté tangible du vinyle qui vient avec l’obligation de tourner le disque de bord. T’as pas le choix d’être dans le moment présent et te concentrer sur la musique, sur l’album.
Tes trois albums cultes?
Attends un peu, je vais aller devant mes vinyles, ça va m’aider un peu! Déjà je te dirais Bringin It All Back Home de Bob Dylan. Ça c’est pas mal mon album d’île déserte. Je pense que je dirais Le Dôme de Jean Leloup. Je vais te dire aussi Roots de Curtis Mayfield.
Qu’est-ce que tu écoutes quand tu te déplaces, que t’es en mouvement?
Honnêtement, j’aime écouter de tout parce que j’écoute beaucoup de musique quand je suis en mouvement justement. J’aime beaucoup écouter la musique avec des headphones. Donc quand je marche, j’écoute beaucoup de musique. Je suis beaucoup le mood et c’est vraiment trippant pour moi de mettre de la musique dans le char, parce que j’aime choisir la musique qui va fitter avec la route sur laquelle on est et le moment dans lequel on est. Par exemple, quand on est en tournée et qu’on a dormi deux heures, que tout le monde est poqué, je sais que c’est la toune The Greatest de Cat Power qui doit jouer. Ensuite j’enchaîne avec d’autre pièces. J’aime le concept de playlist que je choisis. Je suis pas du genre à me mettre sur random et accepter ce qu’on me donne.
Qu’est-ce que tu écoutes quand t’es dans le mood for love?
Le mood for love… J’aime ben la musique instrumentale. Sinon, un de mes classiques lover c’est Blue Hawaii Elvis.
Quelle musique te fait grincer des dents?
Ben des affaires, honnêtement! Je trouve quand même qu’il y a beaucoup de marde qui sort. J’ai de la misère avec Nicolas Ciccone. J’ai ben de la misère. La surenchère vocale quand l’émotion passe pas et que t’essaies juste d’éblouir avec tes capacités vocales. Je décroche dans ce temps là.
Quelle serait ta musique de prédilection pour tes funérailles?
Bob Dylan. C’est pas mal celui qui revient tout le temps.
Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse du duo Saratoga présenteront un spectacle au Théâtre du Petit Champlain ce samedi, le 17 décembre prochain, dans le cadre de la tournée de l’album Fleur qui est paru sur les tablettes de votre disquaire préféré au mois d’octobre passé. Cet automne, j’ai eu l’occasion de réaliser une entrevue avec le bassiste dans laquelle nous avons creusé plusieurs sujets en lien avec la création de l’album. Nous avons notamment discuté des thèmes qui y sont abordés, du processus d’enregistrement, des spectacles à venir et inévitablement, nous avons parlé de musique. Très généreux et définitivement mélomane, Gasse s’est livré aux questions avec une sincérité authentique qui fait du bien.
L’écriture de l’album
La conception de Fleur, premier album entièrement écrit par les deux musiciens, a été de courte durée. La période d’écriture s’est d’ailleurs échelonnée sur quelques mois seulement, au début de l’année, le couple profitant alors d’une accalmie pour se cloîtrer dans leur nouvelle maison de campagne et travailler les textes : « On a découvert, au fur et à mesure, notre dynamique d’écriture à deux. Ça reste quelque chose qu’on était pas au courant. On a appris à travailler en équipe en écrivant les tounes de cet album là ». Gasse avoue que le duo a réellement atteint son groove après que la troisième chanson ait été composée. Ayant réussi à prendre leur air d’aller, chacun a trouvé la place qui lui revenait dans le processus de création : « Chantal c’est une créative dans tous les aspects de sa vie, elle crée sans arrêt. Moi, je suis pas mal plus relaxe sur ce côté là. J’suis bon pour retravailler les trucs, les peaufiner, les amener ailleurs. Fait que Chantale a souvent été la créatrice des mélodies et des thématiques. Après ça, on finissait par sabler et vernir les chansons à deux ». Or, l’impitoyable hiver québécois étant ce qu’il est, les deux musiciens ont ressenti le besoin de s’évader pour pallier leur incapacité à pondre de nouveaux textes : « Une fois, c’est arrivé qu’après souper on s’est assis pour écrire et ça marchait pas du tout. Chantal a dit »On va-tu dans l’Sud? » Je lui ai dit »Ok! » ».
Le couple a ainsi pris l’avion en direction de la République Dominicaine pour écrire les fenêtres ouvertes, comme le dit Gasse. C’est d’ailleurs dans ce décor tropical que la chanson titre de l’album a été créée : « Il y a quand même trois tounes qui sont nées de ce voyage là dont Fleur qui nous est tombé du ciel dans sa forme actuelle. Tsé quand tu dis que des fois, tu travailles tes affaires pis des fois t’es juste le médium, que tu fais juste amener quelque chose qui existe déjà et qui passe par toi seulement? Ben c’est le cas avec Fleur. Elle est arrivée de nulle part ». Par ailleurs, Fleur engloberait en elle-même le message derrière l’album, celui de prendre le temps de revenir à l’essentiel.
À l’image des deux musiciens de Saratoga, les thèmes exposés dans l’album sont imprégnés d’une authenticité incontestable: « On ne voulait pas faire un album cute. On ne voulait pas écoeurer le monde avec notre bonheur. C’est quand même fucking dull d’écouter des tounes qui parlent des gens qui sont heureux tout le temps », affirme candidement le bassiste. « On s’est mis à regarder autour de nous et on s’est dit qu’on ne se ferait pas à croire que ça va bien dans l’monde! C’est de la marde de bord en bord; la planète tombe en ruines et les gens évoluent le cou penché tellement ils regardent leurs cellulaires ». C’est donc sous les angles collectif et personnel que les musiciens ont voulu aborder le sujet des imperfections du monde moderne, notamment du culte de l’apparence, de la facilité, de la consommation rapide, de la culture du jetable et du rythme trépidant de nos vies. « C’est rendu que les appareils ménagers sont jetables, mais tes relations aussi sont jetables au final! Si toi, à la base, tu te cultives pas comme personne, que tu te groundes pas comme du monde, ce qui se passe autour de toi sera toujours éphémère et tu vas toujours patauger dans le vide », affirme Gasse. Le ralentis l’allure cité dans la chanson Fleur, qui est d’ailleurs devenu un hashtag sur Instagram, est au centre du message que le duo veut communiquer à son auditoire; capter les moments importants et vrais, regarder le ciel plutôt que le cellulaire, essayer d’être une meilleure personne dans le quotidien et retourner à l’essentiel.
Du fait que Saratoga s’adonne à une musique pleine de sensibilité et de délicatesse, l’enregistrement de l’album a présenté quelques défis techniques: « Les musiques de l’album ont été enregistrées à Montréal. C’est un studio situé au coin de la rue Bellechasse et de Saint-Laurent. C’est terriblement passant! Quand t’es un band de rock c’est pas un problème, mais nous autres, comme notre tech le disait, on joue avec le poil des yeux », raconte Gasse. Les micros étaient d’ailleurs réglés au plus fort pour capter la musique que le duo jouait avec douceur. Par conséquent, les bruits ambiants de la métropole empêchaient parfois l’enregistrement des chansons et imposaient un temps d’arrêt. Quant aux voix, elles ont été enregistrées dans leur maison, à la campagne. Or, encore fallait-il attendre la tombée de la nuit car les ronflements des moteurs des motos s’assuraient de se faire entendre: « Il fallait qu’on attende que les motos et les oiseaux se soient calmés un peu, parce que ça pissait dans les micros. Fait qu’on attendait d’avoir le silence radio dans le village et on a chanté ça, dans la nuit, dans le noir avec plein de couvertes de laine installées partout dans notre cave de béton », exprime Gasse.
Bourque, qui était à sa première expérience derrière la console à titre de réalisateur, a également composé les magnifiques arrangements qui enrichissent les mélodies. Gasse raconte que « Guillaume est parti dans un trip d’arrangements. Au début, on savait pas trop où s’enligner. On savait qu’on voulait habiller un peu l’affaire, parce que tant qu’à jouer la même formule qu’on présente en show et à la quantité de shows qu’on fait, on s’est dit que ça vaut pas la peine de faire un album vraiment juste à deux ». C’est ainsi qu’avant d’entrer en studio, Bourque aurait signalé au couple l’idée d’ajouter le son de la clarinette basse qu’il avait entendu dans une des lignes de basse que Gasse avait composée. À partir de ce moment, le duo s’est transformé en trio, la formule de prédilection de Michel-Olivier : « Cette formule là de trio avant, c’est une de mes formules préférées dans toutes les options que la musique classique peut offrir, de par la douceur des timbres. C’est tellement boisé et chaleureux ». Rapidement, Bourque a su livrer des arrangements qui ont conquis les musiciens impliqués et qui ont arraché des larmes.
J’ai demandé à mon interlocuteur de m’expliquer comment il projetait de jouer les pièces plus étoffées de l’album en concert. Comptait-il ajouter un musicien qui les suivrait en tournée? Ou allait-il préconiser la formule duo? « C’est un peu tough de traîner un trio classique pour cinq tounes », raconte Gasse. « L’idée c’est vraiment de rester tous les deux. Les tounes existaient avant d’avoir les arrangements. Au fond, le projet était aussi d’avoir des arrangements qui ne prennent pas la place de la chanson, c’est-à-dire que les chansons ne reposent pas sur ces arrangements là ». Selon lui, l’album est une chose, le spectacle en est une autre. Il faut cependant viser à créer une cohérence entre les deux, ce que Saratoga a réussi à faire. « Ça sera pas long qu’on va habiter nos tounes et qu’on va les livrer comme du monde. Il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour penser qu’il manque quelque chose en spectacle », affirme l’artiste.
La proximité avec le public et l’ambiance intimiste qui s’installent dans la salle sont le propre des spectacles de Saratoga. Le bassiste dit prendre son pied dans cette atmosphère de recueillement et d’apaisement que le couple aime instaurer. Selon lui, elle serait en partie causée par l’utilisation de micro condensateur qui oblige les chanteurs de se placer à un pied du micro. L’espace permet à l’air de circuler et de laisser au silence le temps de prendre sa place. « On a cette chance de jouer dans des contextes où les gens comprennent ben assez vite qu’il faut que tu te fermes la yeule, sinon c’est toi qui a l’air cave. Les gens au Québec comprennent ça et on peut s’adresser à eux sur un ton pas fort ». De plus, la complicité des deux amoureux sur scène contribue sans doute à l’esprit chaleureux, presque familial, qui nous charme chaque fois : « C’est très facile sur scène parce que Chantal et moi, on se connaît beaucoup. Même si on est tellement différent à la base, comme personnes, au final on se rend compte qu’on se complète et qu’on fait une équipe du tonnerre dans la vie comme au hockey », confie Gasse. Il ajoute que « comme il ne se passe rien d’autre sur la scène que nous deux, un coup d’oeil entre nous ne passera pas inaperçu. Les gens voient qu’on se regarde pour vrai. Ça reste dans les petits gestes, dans les petites attentions que le monde voit que c’est vrai, pis que ça prend pas grand chose pour être amoureux. Notre projet, le spectacle, nos chansons sont profondément nous autres. On en met pas un chapeau de Saratoga avant d’entrer en scène ».
Michel-Olivier Gasse est un mélomane. Si vous ne me croyez pas, allez jeter un coup d’oeil sur son compte Instagram. Il s’est donc prêté au questionnaire avec beaucoup d’enthousiasme, ce qui a donné de belles réponses bien touffues.
Vinyles, CD ou Streaming?
« Ah! Vinyle. Vinyle. Vinyle! On sera pas bref là! Tu me poses des questions de musique – on sera pas bref! J’ai toujours une relation privilégiée et très profonde avec le médium qui me permet d’écouter de la musique et j’en ai rarement eu deux en même temps. J’ai été à fond dans les cassettes, osti, je me suis donné dans les cassettes! Elles étaient super bien classées, je remplissais les lousses sur les cassettes avec des tounes que j’aimais. Je faisais des demandes spéciales à la radio pour entendre les tounes que je voulais mettre sur les cassettes. Tsé, je suis allé loin là-dedans… Quand il y a eu la révolution des CD, je me suis lancé dans les CD. J’ai été disquaire fait que j’en ai eu une osti de chiée, en plus que j’en ai tout le temps achetés comme un mongol. Après ça est arrivé l’ordinateur pis iTunes, mais j’ai pas tant downloadé de musique dans ma vie, ça ne m’intéressait pas vraiment. Mais j’ai trippé à mettre ma collection de CD dans ma bibliothèque iTunes et pendant quelques années, j’ai écouté de la musique sur un random perpétuel. D’entendre les chansons dans un autre ordre, ça m’a fait découvrir un peu la musique que j’ai achetée au fil du temps. Au travers de ça, il y a plusieurs années, le vinyle est arrivé. Je te dirais que mon premier radio (sic) était une table tournante, parce que j’avais un oncle qui a travaillé à la radio toute sa vie, fait qu’il avait des milliers de vinyles. Je lui en empruntais tout le temps et ça commencé comme ça. Fait que ça fait plusieurs années que je suis là-dedans, mais là je suis exclusivement vinyles parce que c’est autant un statement qu’une question de goût. Je me suis remis à écouter des albums. J’ai lâché mon random éternel pour écouter des albums pis prendre le temps, surtout dans une époque où c’est le single qui prime. On se tue quand même pour faire des albums cohérents d’un boutte à l’autre! Il faut que tu prennes le temps, il faut que tu restes pas loin. Si je reçois du monde chez nous, prendre le temps de choisir la musique et aller changer le bord fait autant partie de toute l’affaire. Ben souvent, c’est une façon de te sauver d’une discussion dull! C’est l’idée de la manipulation aussi! J’aime bien l’idée d’avoir quelque chose de concret dans les mains. La pochette du vinyle te permet aussi d’exploiter l’approche visuelle et justement de faire appel à un artiste visuel. Avec le vinyle, on peut faire de quoi de beau et de grand. Encore là, c’est l’idée de prendre le temps de faire attention à ta musique. Je me rends compte au final que je n’écoute pas tant de musique à l’extérieur de chez moi. Je pars jamais prendre des marches avec des écouteurs. Dans le char, j’écoute la radio parce que c’est mon moyen principal de rester informé. On a fait des milliers de kilomètres en tournée sans écouter de musique, pendant que ma blonde tricote pis que moi je baisse la fenêtre et j’entends juste le vent. C’est ben en masse. Vraiment, j’écoute la musique à la maison, sur le support vinyle uniquement ».
Nomme-moi tes trois albums cultes.
« Ayoye! C’est tough en osti! J’ai envie d’y aller selon les albums fondateurs. Je vais avoir l’air chiant de parler de Paris tout le temps, mais j’ai trouvé Odelay de Beck la semaine passée. J’ai réalisé à quel point cet album là était vraiment fondateur. C’est le moment où l’album arrive dans ta vie aussi… Un album arrive d’un coup il va ouvrir tous tes horizons pis te montrer que ces choses-là se peuvent. Odelay a fait ça, terriblement. Quand l’album est arrivé en 1996, j’avais entendu Loser pis ça m’énervait. Mais quand j’ai écouté l’album, je venais vraiment de pogner de quoi. Je suis devenu quelqu’un d’autre. J’appliquerais le même traitement au premier album de Fred Fortin (1996 :Joseph Antoine Frédéric Fortin Perron). C’est quelqu’un qui est arrivé dans un moment assez terrible au Québec. Il y avait rien qui existait de cool, de jeune, de trippant, de challengeant dans se temps-là. Fait que nous autres dans la gang à Vallières dans le temps, quand on commençait à faire de la musique, Fred Fortin nous a donné une méchante volée. Mon Dieu! Le troisième… Je vais dire Exile on Main St. des Stones. Je suis un grand fan des Stones. Cet album là est dans les premiers albums doubles. Il est interminable. Il est excellent d’un bout à l’autre et il n’y a aucun hit dessus! C’est l’album de Keith Richards, enregistré dans des conditions terriblement difficiles parce que tout le monde était sur l’héro pis tout a déboulé à partir du moment où même les techniciens en faisaient. Cet album là j’y reviens, même s’il sonne comme de la marde. Il est tellement rock, tellement croquant, tellement vibrant que je ne me tanne pas ».
Qu’est-ce que tu écoutes quand t’es dans le mood for love?
« Dans le mood for love? J’écoute pas de musique, j’embrasse ma blonde! Dans le mood for love… Ben je te dirais Al Green ça reste un grand favori d’approche sensuelle et de swag. Fuck Barry White! Le band d’Al Green est reconnaissable de bord en bord. Il y a trois frères dans le band. C’était l’époque où il y avait des House Band dans les compagnies de disque. Le drummer me fait vibrer autant qu’Al Green lui-même. Fait que, ouais, Al Green.
As-tu déjà pleuré à l’écoute d’une chanson?
« C’est On veillera le feu, la dernière toune du dernier Ep de ma femme, qui parle de la maladie de son père. Tu comprendras que le lien est assez direct. Je l’ai pas braillée juste une fois. D’habitude, ça kicke quand elle dit »je sais qu’il ne suffit pas de mes mains près de ton cœur’’ »
Qu’est-ce que tu aimerais qu’on joue à ton enterrement?
« Qu’est-ce que j’aimerais qu’on joue à mon enterrement… Osti! J’aimerais qu’on joue de la musique de la Nouvelle-Orléans. Si je pouvais avoir une fanfare à mon enterrement, ce serait débile! On est allé deux fois en Nouvelle-Orléans et la première fois qu’on y est allé on a entendu une fanfare arriver au loin. On voit ça approcher et on se dit que c’est un mariage. Ça avance pis ça groove, c’est terrible! Deux jours après, on entend encore une fanfare et on se dit « tiens! Encore un mariage! » Mais là, le monde est habillé en noir et porte un T-Shirt de la face de leur ami, mais c’est la même joie qui ressort! Il y a un slogan qui vient de la Nouvelle-Orléans qui dit We put the fun in funerals. Fait que ça reste une célébration. Fêtez-moi en trippant, saoulez-vous câlisse! Soyez tristes que je ne sois pas là – parce que j’aurais aimé ça être là – mais trouvez moyen de vous faire du fun dans tout ça».
Mardi passé au Knock-Out rue Saint-Joseph, le groupe Raton Lover a lancé son 45 tours sur lequel on peut entendre le single Frencher des Françaises qui tourne régulièrement sur les ondes des radios québécoises. Une trentaine de personnes ont assisté à la prestation
mini-rock, très bien rodée soit-dit en passant, dans une ambiance intime et décontractée. À l’aube de leur départ pour une longue tournée estivale, les membres du groupe; Simon Lachance (voix, guitare et batterie), Simon Guénard (guitare), Eric Blanchard (guitare et lap steel guitare), Frédérick Desroches (claviers et batterie) et Martin Plante (voix et basse) m’ont accordé un entretien pendant lequel nous avons parlé de leur deuxième album en préparation, de leur participation au Festival Pause Guitare d’Albi en France et des spectacles à venir.
Un deuxième album teinté de grands espaces
Trois années s’écouleront entre le premier album homonyme paru au mois de septembre 2014 et celui que le groupe espère faire paraître en 2017. Juste assez de temps pour que les Ratons acquièrent une solide expérience en tant que musiciens de scène grâce aux nombreux concerts qu’ils ont donnés: « Plus on fait des shows, plus on est prêt en studio, plus on trippe et plus on peut aller loin dans les chansons », raconte Simon L. « Vu que le band a eu la chance de jouer beaucoup pendant ces dernières années, c’est sûr que lorsqu’on rentre en studio la pâte pogne plus vite, comme on dit ». Les trois dernières années auront donc servi à donner aux membres du groupe les outils nécessaires pour façonner une deuxième oeuvre qui se démarquera sans doute de la première. Mais à quel point? Réalisé par Dany Placard au studio Wild qui se situe au milieu d’un paysage boréal spectaculaire, l’album qui verra le jour l’année prochaine sera définitivement teinté de grands espaces : « On a de grandes salles où l’on place des micros de manière à ce qu’on entende la salle résonner. C’est une chose qu’on ne faisait pas beaucoup sur le premier album qui est un peu moins large au niveau du spectre sonore », raconte Simon L. Parallèlement au son plus étoffé que le groupe a réussi à créer, le deuxième album sera plus uniforme que le premier : « Sur le premier album, il y avait des tounes dark pis il y avait des tounes de lumière. L’album était noir et blanc. C’était ça le concept, c’était ça l’effet qu’on cherchait à produire. Là, pour le deuxième, on voulait que les chansons aient une partie des deux à l’intérieur des textes et des mélodies », explique Simon L. Selon lui, les nouvelles chansons portent des nuances qui laissent l’auditeur choisir le chemin entre le côté obscur ou le côté lumineux de la Force. Par ailleurs, c’est l’écriture peaufinée et plus assumée de Simon L qui délimite la frontière entre le passé et le présent. Ainsi, selon Éric, l’ensemble des chansons se rapproche davantage de la plume du chanteur : « Simon a vraiment beaucoup travaillé ses textes. Je dis pas que ses textes étaient pas bons avant, mais là je les trouve plus matures. (Dany) Placard l’a beaucoup épaulé dans le processus ». Simon G ajoute que les mélodies à paraître sur le deuxième album mettront en lumière les textes de Simon L qui a réussi à trouver une façon de dire les choses franchement sans toutefois tomber dans le mélodrame. Dans le même ordre d’idée, les membres du groupe qui se connaissent depuis longtemps, partagent les histoires racontées dans les chansons, ce qui a pour effet de créer un sens commun du vécu : « Les textes, c’est des affaires qu’on a vécu ensemble. Fait que quand tu les joues, tu vis plus ce qui se passe », dit Éric. L’unicité au sein du groupe n’est pas à remettre en question et a son rôle à jouer dans l’aboutissement d’un deuxième album plus homogène. Il faut cependant souligner que chaque membre possède différentes forces créatrices et que chacun a trouvé la place qui lui revient: « On est plus conscient de notre rôle, les arrangements sont plus épurés et laisse plus transparaître la personnalité de chacun », affirme Simon G.
L’autre bord de la flaque
Le 7 et 8 juillet prochain, Raton Lover participera au Festival Pause Guitare d’Albi en France. D’ailleurs, Elton John, Louise Attaque, Joan Baez, La Bronze et Michel Fugain compteront parmi les têtes d’affiche. C’est donc une opportunité rêvée pour le groupe de Québec qui tentera de conquérir le territoire français avec son Rock bien à lui. Comment ces petits carnivores masqués ont-ils réussi à faire leur place dans un festival de cette ampleur? « On a eu la chance de se produire dans un showcase en Ontario devant des acheteurs de l’Ouest canadien et de l’Ontario surtout. Il y avait des gens de l’international aussi pour faire du repérage. On a croisé un monsieur super sympathique du nom d’Alain Navarro qui a bien kiffé ce qu’on faisait.C’est cette rencontre-là qui nous a menés au festival », explique Simon L. Les musiciens auront également la chance de montrer ce qu’ils ont dans le ventre à certains diffuseurs sur place, multipliant ainsi leur chance de se faire connaître du public franco-européen.
Authenticité, simplicité et réciprocité
Le groupe passera une bonne partie de l’été en tournée dans l’est du pays. Reconnu comme étant un Jam band qui brasse sur scène, Raton Lover livre la marchandise. « On a mis en ligne une vidéo qu’on a enregistrée l’hiver dernier au District Saint-Joseph dans le cadre des apéros du FEQ. Elle a été réalisée par Sébastien Corriveau qui a fait notre vidéoclip Tant pis. C’est un condensé de trois minutes de ce à quoi les gens peuvent s’attendre de nous », témoigne Martin «Anton» Plante. De plus, puisant dans les racines des années 60 et 70, leur musique peut rejoindre un large public et c’est pourquoi qu’il n’est pas rare de voir de jeunes enfants accompagnés de leurs grands-parents parmi les spectateurs. C’est toutefois Frédérick qui résume bien la vibe qui transparaît en concert: « J’aurais comme trois mots, peut-être un peu cheezy, pour définir nos spectacles. Il y a quand même une espèce d’authenticité, de simplicité et de réciprocité ». C’est-à-dire que les musiciens ne sont pas des personnages ; what you see is what you get. De plus, ils restent très accessibles et sont toujours heureux de rencontrer les gens après les spectacles. Entre eux, ils s’écoutent et s’assurent que tous les membres du groupe soient biens et en mesure de communiquer à la foule leur plaisir à jouer ensemble.
Tout semble débouler à une vitesse ébouriffante pour Raton Lover qui somme toute, garde les pieds sur terre devant son ascension dans l’industrie musicale du Québec. Dans ce contexte, il peut être difficile de ne pas nourrir les attentes vis-à-vis leur avenir, mais les gars partagent une manière de penser qui les cimente dans l’instant présent: « Il y a une chose importante avant tout; il faut profiter du moment qui est en avant de nous. On peut jamais savoir ce qui va arriver. C’est pour ça que dans le fond, ma philosophie que j’ai toujours appliquée, c’est qu’il ne faut jamais s’attendre à rien, parce qu’on ne sait jamais ce qui va arriver », témoigne Frédérick, qui selon les autres membres du groupe, est l’auteur derrière leur leitmotiv Je m’attends à rien, comme ça j’ai toute! «On est extrêmement chanceux de pouvoir faire ça. Il faut s’en rendre compte. Donc, quand même qu’il y a quelque chose qui fonctionne pas, il faut pas oublier qu’à la base on ne fait pas de chirurgie, on est quand même dans le divertissement ».
De vrais amateurs de musique, les sympathiques membres de Raton Lover se sont livrés au traditionnel questionnaire musical. Nous avons beaucoup ri.
Questionnaire musical
Quels sont vos deux albums classiques?
Éric Blanchard: Moi je les ai mes deux! Sky Blue Sky de Wilco et Acadie de Daniel Lanois.
Simon Guénard: Moi ce serait Electric Lady Land, la trilogie de Jimi Hendrix. Quel autre… Je sais pas, je vais y réfléchir.
Frédérick Déroches: C’est trop flou dans ma tête. Osti! C’est trop compliqué comme question! Je suis tellement éparpillé que j’ai pas d’album précis. Je passe d’un style à un autre. Pour moi, ça reste de la musique…
Simon Guénard: … DARK SIDE!
Tout le monde: AH! SHIT! OUIN!
Martin Plante: Depuis que je suis jeune, j’y reviens tout le temps; Blood Sugar Sex Magic des Red Hot Chili Peppers. Ça été une révélation! Sinon, toute l’oeuvre de Kenny G m’a beaucoup influencé. Mais sans blague, je suis déchiré entre Dark Side of the Moon de Pink Floyd et Abbey Road des Beatles. Les lignes de basse sont simples mais tellement efficaces.
Simon Lachance: Pour les grands classiques, je vais surement donner les mêmes réponses que les gars. Je vais dire plutôt les albums que j’ai beaucoup écoutés dans la dernière année qui ne sont pas nécessairement « mes classiques ». J’ai vraiment pogné un fix dernièrement sur l’album Pink Moon de Nick Drake. Mais plus proche de nous, l’album qu’on a beaucoup écouté dans la Van est The End of That de Plants and Animals.
Qu’est-ce que vous écoutez lorsque vous êtes sur la route?
MP: Sur la route, sincèrement, c’est souvent The War on Drugs qui joue.
VV: Quel album?
SL: Lost in the Dream.
EB: Sinon, le dernier album des Sheepdogs on l’a écouté quand même pas mal. Wilco.
MP: Wilco, on y revient toujours.
SL: Ryan Adams, Heartbraker. Je dirais en passant que c’est le fun que ton média soit écrit parce que les gens vont vraiment comprendre Ryan Adams et non Brian Adams!
MP: On a déjà écouté du Brian Adams sur la route, mais c’était la vidéo où il crie 24 fois «YEAH» en une minute!
SL: Il y a des albums qu’on ne peut pas passer sous silence. Soit Songs from the Big Pink ou The Band de The Band.
Qu’est-ce que vous écoutez quand vous êtes « in the mood for love » ?
EB: Moi, j’écoute les grenouilles.
VV: Ok. C’est cool… Me niaises-tu?
EB: Ah non, je niaise pas! J’écoute les grenouilles sur le bord du lac. Chez nous, à la maison, on entend des grenouilles.
VV: Ok, fait que le son des grenouilles, ça te met dedans!
EB: Oui, ça me met dedans, c’est le cas de le dire… Pis après on se prend chacun une cigarette Popaye.
SL: J’y réfléchis… Il y a une toune sur Lost in the Dream de The War on Drugs dont je me suis promis que j’allais tester. Mais c’est pas encore faite… Mais c’est sûr que Barry White est un incontournable.
FD: Ah je mets pas de musique. C’est mieux! Ça fait trop marcher mon cerveau. La musique c’est plus comme des mathématiques dans ma tête.
MP: Let’s get it on de Marvin Gaye. En fait, pas mal d’affaires de Marvin Gaye. Pis I Love You Honeybear de Father John Misty.
Qu’est-ce que vous écoutez pour vous mettre « in the mood to rock »?
SL: En fait, on fait du Yoga Rock. Rick, notre entraîneur chef, nous fait faire la drill du Rock. Des fois, on répète les tounes, mais en chantant juste nos parties.
Quelle chanson aimeriez-vous qu’on joue à vos funérailles?
EB: Moi, ma chanson d’enterrement c’est The Maker de Daniel Lanois. Ça reflète ma spiritualité.
FD: Je pense que je vais écrire ma toune.
SL: Je dirais une chanson de Nick Drake.
MP: Le temps qu’il nous reste de Serge Reggiani. Ça laisse un beau message pour ceux qui sont vivants.
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À l’aube de ses trente ans, Fanny Bloom a sorti un album homonyme sur lequel elle fait la relecture épurée de chansons tirées de ses albums précédents. Seule au piano et appuyée par les présences discrètes de Thomas Hébert (trompette et fluglehorn) et de Pierre-Philippe «Pilou» Côté (contrebasse, violoncelle, harmonium), Bloom montre ses talents d’interprète avec sensibilité et nuance. Elle présentera un spectacle intimiste d’après une mise en scène de Jean-Simon Traversy (Constellations) le 26 mai prochain au Théâtre du Petit-Champlain. Je suis allée à sa rencontre pour discuter de son album, de son spectacle et de musique, évidemment.
L’album
Dès la première écoute du dernier album, on se questionne sur l’intention de Bloom à revisiter deux chansons de chacun de ses albums précédents, Apprentie guerrière (2012) et Pan (2014): « Ben en fait, c’est vraiment la forme première dans laquelle ont été composées et écrites les chansons », dit-elle, « fait que pour moi, c’est comme ça qu’elles existent avant de passer sous le bistouri du réalisateur. Avec le temps, on a réalisé qu’on ne se rendait pas compte du travail de pianiste qui était en dessous de toutes les couches. Ces chansons méritaient cet angle ». Elle raconte également qu’on lui demandait régulièrement si elle pouvait tendre davantage vers une interprétation piano-voix lors de ses spectacles, ce qui lui a donné le goût de tenter l’expérience. Reste que c’est l’âge et le besoin de se poser qui ont initié la transition d’un univers musical pop, dansant et léger vers un univers totalement intimiste, instinctif et brut : « Ça me faisait du bien de penser que j’allais partir en tournée et pouvoir avoir le temps de jouer mes affaires. Je n’avais pas à suivre une clique, un musicien ou une forme donnée de chanson. Il y a une liberté de pouvoir bien faire les choses ». Mais pour en arriver là, Bloom a dû prendre de l’assurance quant à ses talents de pianiste et reconnait qu’elle n’aurait pas été assez solide pour se retrouver seule sur une scène plus tôt dans sa carrière.
On savait déjà que Bloom recherchait à produire un disque essentiellement piano-voix, mais au cours de l’enregistrement, de très beaux arrangements se sont greffés aux mélodies : « On était chez Pilou au Nid (studio). À la fin d’une journée, on s’est rencontré et on s’est fait écouter chacun ce qu’on avait fait. Un moment donné, je lui faisais écouter une chanson pis il a pris sa contrebasse pis il a joué par dessus. J’ai fait; ben là, faudrait peut-être l’enregistrer! » Bloom lui a alors confié le mandat de composer les arrangements à trois instruments – piano, basse, trompette – qui rappelle l’esthétique musicale de l’excellent EP Constellations qu’elle a écrit pour la pièce de théâtre du même nom. Le travail s’est fait, selon elle, très naturellement dans le studio et on le sent d’ailleurs sur l’album. Les arrangements viennent envelopper la ligne mélodique très pure sans toutefois la dénaturer.
Par ailleurs, sur son dernier album, Bloom reprend deux chansons dont Danse avec moi de Martine St.Clair. Totalement réussie, cette pièce est le résultat d’une rencontre musicale entre ces deux femmes dans le cadre de l’émission Pop de jam à Musiqueplus. Comment a-t-elle réussi à s’approprier cette chanson? « Selon moi, le secret pour faire une reprise, c’est de ne pas vraiment écouter la chanson. Tu l’écoutes un peu pour te donner une ligne directrice, mais après tu te forces à ne pas l’écouter quand t’es pas sûr d’un bout, parce qu’il y a quelque chose qui sort instinctivement ». C’est de cette façon que Bloom s’est retrouvée avec une approche introspective de la chanson qu’elle a intégrée à son spectacle. « C’est rafraichissant de chanter quelque chose que t’as pas écrit, ça fait changement ».
Le spectacle
La rencontre avec le metteur en scène Jean-Simon Traversy avec qui Fanny Bloom a travaillé sur la pièce Constellations constitue indéniablement un événement marquant dans la carrière de la jeune artiste. C’est d’ailleurs Traversy qui signe la réalisation scénique de son dernier spectacle. Comment est-elle arrivée à lui confier un matériel aussi personnel à mettre en scène? « Ben il m’a beaucoup fait confiance. Au début, je ne le connaissais pas, c’est lui qui est venu me chercher pour la pièce Constellations. J’ai trouvé qu’il s’exprimait vraiment très bien, il m’a mise tout de suite en confiance et m’a donné aussi énormément de liberté. J’ai toujours trouvé qu’à chaque fois qu’il faisait des commentaires aux acteurs, à chaque fois qu’il s’en allait quelque part, il y avait toujours quelque chose dans la tête, ce n’était jamais vide de sens ». Bloom ajoute qu’il se dégageait de la pièce une belle sensibilité qu’elle trouvait juste pour le spectacle de musique qu’elle désirait offrir à son public : « Vu qu’on se connaissait plus, ça été facile de le faire. Il a embarqué là dedans et il trippe aussi à faire des trucs comme ça. Je pense qu’on s’est beaucoup nourri mutuellement. C’est un match parfait pour la création ».
La composition du spectacle est issue d’un brainstorm entre Bloom, Traversy et Renaud Pettigrew, concepteur lumières qui a travaillé pour Robert Lepage et sur la pièces Constellations. Les trois ont été inspirés par la première partie de l’oeuvre The Flux and the Puddle de David Altmejd dans laquelle on peut voir des cubes imbriqués en miroir et éclairés d’une certaine façon à ce que la lumière éclate sur les murs. « C’est une oeuvre qui nous a vraiment beaucoup inspirés pour construire le décor lumineux. C’est dans le décor que se retrouve la lumière. On a construit quelque chose dans laquelle le piano pouvait s’imbriquer ». La structure lumineuse est d’ailleurs ce qui impressionne le plus l’artiste qui ne cache pas sa fierté d’avoir réussi à concevoir un tel effet visuel, et avec raison: « Je sais que c’est impressionnant, que c’est quelque chose à voir. Je pense que ce qui est vraiment le fun, c’est qu’on a réussi à faire interagir la musique et le module en même temps ». Bloom confie qu’il y a des moments enlevants grâce aux ambiances sonores qui viennent alimenter l’exécution de l’oeuvre dans son ensemble : « Moi je suis là dedans, je le vois, je le joue. Si ça me fait de quoi, j’ose imaginer que les gens ressentent quelque chose aussi. C’est puissant ».
Questionnaire musical en vrac
Quels sont tes classiques?
« Quand j’étais jeune, mes parents écoutaient énormément de musique française. Je ne sais pas si j’aurais choisi ce genre spontanément, reste que les Brel et les Brassens m’ont quand même beaucoup influencé dans ce que je suis devenue comme auteur. Fait que quand j’sais pas quoi mettre, je mets de la vieille musique française ».
Qu’est-ce que t’écoutes quand tu es inthe mood for love?
« Mettons le dimanche soir – petit verre de vin – j’aime ça quand mon chum met du vieux jazz pis on fait de la bouffe. Je trouve ça romantique. Je suis assez nostalgique dans mes choix musicaux ».
Qu’est-ce que tu écoutes en char?
« Là c’est plus pop. C’est loud. Beyonce ça joué beaucoup, Rhianna. Surtout quand il fait beau, les fenêtres baissées.»
Tes plaisirs coupables?
« En général, je ne suis pas coupable de mes plaisirs musicaux… Mais ça m’arrive encore de tripper sur Lara Fabian ».
Qu’est-ce que tu aimerais qu’on joue à tes funérailles?
« Ça serait surement du classique. Ça serait surement du Chopin ».
FANNY BLOOM SERA EN SPECTACLE AU THÉÂTRE PETIT-CHAMPLAIN LE 26 MAI PROCHAIN. DÉPÊCHEZ-VOUS, LES BILLETS S’ENVOLENT VITE! INFOS
Fred Fortin traverse un printemps fertile en événements, notamment grâce à la sortie d’Ultramarr. Détourné des riffs de distorsion et du son rock qui ont permis à l’auteur-compositeur-interprète d’établir sa notoriété dans le paysage musical du Québec, l’album prend un virage introspectif, plus homogène sans toutefois être dépouillé d’intensité. En tournée de promotion à Québec, Fortin s’est arrêté à la Brûlerie Saint-Roch où je l’attendais, visiblement fébrile. Or, dans une franche simplicité, il a vite fait d’installer une ambiance bon enfant qui a jeté les bases pour parler de musique, son sujet de prédilection.
(Photos : Marion Desjardins)
Ultramarr
« La réponse est plus grosse que j’aurais espéré. Ben j’espère jamais rien, dans l’fond, quand je fais ça » a-t-il répondu, quand je lui ai demandé de me décrire ses impressions sur l’accueil favorable de son dernier opus. « C’est plus l’fun que l’monde aime ça que de se faire ramasser. Faque, je suis vraiment content».
À la première écoute d’Ultramarr, on réalise rapidement que Fortin a voulu explorer de nouvelles façons de composer la musique. Sans travestir le son qui lui est propre, on sent qu’il se calme, qu’il recherche une atmosphère plus uniforme: « En ayant fais le Gros mené en 2013, ça comme rempli une case pour moi qui est l’fun. J’pensais pas en refaire du Gros Mené, nécessairement. Pour moi, le poisson était mort! La manière que j’étais parti pour ce projet-là; je voulais faire de la musique organique avec des rythmes. Mais à la minute où j’ai fait les textes, je me suis dit “osti c’est du Gros Mené ça!”» avoue-t-il. De plus, même si Fortin n’écrit pas les chansons de Galaxie, il est très impliqué dans le projet et baigne forcément dans le rock. C’est pourquoi, en sachant qu’il allait travailler avec les Barr Brothers et qu’il désirait faire des « formes de musique répétitives qui ne sont pas compliquées dans la tête», il s’est enligné vers ce qui allait devenir son 5e album en carrière. « Je voulais que les tounes, autant que possible, se mettent en valeur entre elles et non pas se faire de l’ombrage. Dans des albums, il y a des fois une toune qui est complètement rock au milieu de quelque chose de doux. Je l’ai fait souvent ça aussi. J’avais vraiment une intention de faire autre chose».
Cette volonté de faire les choses autrement se transpose d’ailleurs dans la façon de livrer les pièces du dernier album en spectacle : « C’est pas mal un défi, mais c’est volontaire. Installer une vibe de rock dans une salle où tout le monde boit de la boisson, c’est pas très difficile en général», dit-il en riant. « C’est plus difficile de faire passer des tounesqui ont un mood plus introspectif. Tu dois être disposé à ce genre detoune-là parce que t’es pas tout le temps dans cet état d’esprit avant un spectacle. C’est sur que c’est plus exigeant, ça demande que la salle soit disposée à ça aussi». Néanmoins, Fortin assure qu’il y a quelque chose de viscérale et de complètement trippant à communiquer la musique par des moyens différents. Lors des spectacles à venir, il puisera sans doute dans Gros mené et dans ses albums précédents pour s’assurer de «donner un show d’une heure et quart». Rien n’est cependant encore défini, même s’il sait qu’il cherchera à concevoir un concert équilibré : « On va voir ce que ça nous dit quand on fait le show, de quoi on aurait le goût de faire», dit-it, « Olivier me connait pas mal par coeur, on est pas mal d’accord en général».
Question de casting
Sur Ultramarr, Fortin a eu recours aux talents des frères Barr, de François Lafontaine, de Sam Joly, d’Olivier Langevin et de Joe Grass, tous de grosses pointures de l’industrie musicale québécoise actuelle. Comment choisit-il les musiciens avec qui il travaille? « C’est vraiment du casting. Il y a d’excellents musiciens avec qui j’aimerais jouer, mais qui fitteraient pas sur ce genre de toune-là» affirme-t-il. « Bon, les Barr ça été une rencontre à Saint-Prime dans le garage à mon père. Je connaissais leur musique, je venais de voir leur show pis on a jammé un peu. On s’est dit que ce serait l’fun de faire quelque chose ensemble et ça m’est resté dans la tête.» En entrant en studio, Fortin voulait créer des structures musicales qui reflétaient les personnalités des frères Barr. Elles étaient le point de départ et une influence notable dans l’écriture de l’album. « C’est du monde qui m’inspire en partant», dit-il. « Sam Joly est un drummer avec qui j’ai joué un petit peu. Il a une personnalité tellement l’fun. Il est venu au Lac, à mon chalet et on a écouté de la musique. C’est un trip de muse qu’on se fait dans l’fond». Fortin reconnait que tous et chacun ont contribué beaucoup à l’album: « François Lafontaine, c’est une banque d’idées inépuisable. C’est un gars qui joue avec plein de monde, mais il est capable de se renouveler et d’être unique dans le rôle qu’il a à faire sur le disque. Pis Joe Grass, ben ça juste pas de bon sens».
Ch’tun mélomane
Gros Mené, Galaxie, la musique de la série les Beaux malaises et ses albums solos sont des projets qui se distinguent les uns aux autres sans nécessairement s’opposer. Selon l’artiste, c’est le reflet de sa culture musicale très étendue. «J’écoute plein d’affaires. On est aussi dicté par nos moyens, par nos forces et par notre potentiel musical. Je m’enlignerais pas de faire un album Jazz parce que ce n’est pas ma force, même si la musique m’inspire beaucoup. C’est le fait d’aimer la musique qui fait qu’on fait de la musique comme on la fait. C’est le fun de pouvoir avoir plusieurs influences». D’ailleurs, pendant l’enregistrement de l’album, Fortin révèle qu’il écoutait Randy Newman, JJ Cale, Tom Waits, John Coltrane, Ray Charles, Nina Simone; bref des «affaires qui reviennent souvent» dans ses vinyles. « Il y a tellement de la bonne musique, c’est fou! Ch’t’un mélomane», proclame-t-il. Durant la même période, il a également découvert l’album Pet Sounds de The Beach Boys: « Quand j’ai découvert Pet Sounds, je savais que c’était un album classique. Je connaissais déjà des tounes dessus que j’avais déjà entendues, mais je me le gardais comme une bouteille de vin. Il y a des albums de même que tu te dis »je suis donc ben chanceux de ne pas l’avoir encore écouté » parce que tout le monde le connait». Il s’est gâté, s’est imprégné de l’oeuvre et a visionné plusieurs documentaires retraçant la vie de Brian Wilson: «Pour moi, le gars représente un Beatles à lui tout seul, incluant George Martin. C’est toute sa sensibilité au delà de toute qui m’a touché». Le côté borderline mental des personnages campés dans Ultramarr sont d’ailleurs inspirés, en partie, par les personnalités comme Wilson, Syd Barrett ou Daniel Johnston, des êtres extrêmement sensibles qui ont sombré dans la folie.
L’industrie de la musique selon Fred Fortin
Faisant de la musique depuis longtemps, Fred Fortin a été témoin de la mutation de l’industrie musicale au Québec. Difficile de résumer en quelques mots tous les changements qui ont eu cours ces dernières années, mais l’Internet a selon lui eu une incidence considérable sur la façon de produire des disques. « J’ai connu l’agonie des gros major comme BMG qui étaient les rois de l’industrie. Il se vendait plus de disques, mais les artistes se faisaient plus fourrer aussi», dit-il. Aujourd’hui, les compagnies se sont plus adapté aux artistes et entretiennent des rapports plus proches avec eux. On parle davantage d’échange et de partage. Fortin avoue toutefois qu’il aimerait voir les ventes de disques augmenter plutôt que de gagner en téléchargement, mais capitule devant cette réalité qui, d’après lui, n’est pas sur le point de changer. « Moi, de toute façon, je fais des albums encore dans ma tête comme si c’était 1960. Moi j’aime ça avoir une pochette et un album.»
Histoire de basse
Fred Fortin possède des instruments qu’on peut qualifier de mythique pour lesquels il aime se remémorer des anecdotes amusantes. C’est le cas pour sa Fender Jazz Bass 1962 qu’il a acquis à l’âge de 18 ans. « L’instrument traînait dans un magasin à Saint-Félicien et je l’avais acheté pour 400$ pour un gars qui allait au cégep d’Alma. Mais là, j’ai eu la basse toute la fin de semaine chez nous et je me suis dit que je ne pouvais pas la laisser partir. Je savais que le gars n’était pas trop musicien, faque je lui ai offert ma Yamaha, pis il m’a donné 600$. Je me suis ramassé avec une Jazz Bass (qui vaut plusieurs milliers de dollars aujourd’hui) et une belle motte de hash». Pourtant, l’histoire ne s’arrête pas là: « Je me suis fait voler ma basse en déchargeant le stock chez Langevin. Ils l’ont oubliée sur la clôture pis il y a un gars qui est parti avec. Il a essayé de la vendre, faque il l’a montrée à des amis musiciens. Moi je la cherchais, faque je l’avais trouvée, mais le gars ne voulait pas me la redonner; il voulait me la vendre pour 400$, ironiquement. C’était de l’extorsion. J’ai mis la police là-dedans. Je lui ai dit »toi mon clown, c’est assez!’’»
Fortin enchaîne avec l’historique de sa Gibson EB2D: « C’est une basse que je voulais parce que quand j’étais petit, un chum de mon père est arrivé avec ça à la maison et je trippais ben gros dessus. Faque un moment donné, j’ai dit à mon père d’appeler son chum et de lui demander s’il veut la vendre». Malheureusement, ce n’était pas possible puisqu’elle appartenait à une tierce personne. Fortin a donc abandonné le projet. Mais le destin a fait ce qu’il fait de mieux:« Un moment donné, j’entends parler d’un gars qui veut échanger sa basse contre une Rickenbacker. Faque je voyage, je m’en vais à Alma et je rencontre le gars. Il me dit qu’il avait trouvé sa basse à Saint-Prime… Faque j’ai retrouvé la basse que je jouais dessus quand j’avais 10 ans». Incroyable.
Questionnaire musical en vrac
Vinyle ou Cd?
FF: « Ah! Vinyle. Moi j’ai tout le temps eu des vinyles depuis que je suis petit. J’avais pas de toutou, j’avais des 45 tours! J’ai eu mon premier tourne-disques super jeune, pis j’ai jamais arrêté d’avoir des vinyles. J’ai tout le temps eu une table tournante. J’aime ça le contact physique et le son des vinyles. Des fois j’écoute juste un bord, je me permets ça!».
Quels sont tes classiques?
FF: « Ah il y en a tellement! Il y a Pet Sounds, parce que c’est ça que j’ai dans la tête. J’ai grandi avec les Beatles, évidemment. Pagliaro, c’est mon premier idole, faque le premier Pag, j’ai encore ça en vinyle. Après ça, il y a les albums de Ray Charles, de Nina Simone, de John Coltrane, de Tom Waits. J’en ai tellement!»
Qu’est-ce que tu écoutes quand t’es in themood for love?
FF: « Oh! Je sais pas… Je te dirais… Je sais vraiment pas! Ce qui joue dans le moment, ça dépend. De toute façon, je suis tout le temps in the mood for love!
Les meilleurs albums pour faire du char?
FF: « Wow! L’année passée j’ai ben trippé à écouter du Kurt Vile dans l’char. Je trouve que ça coule sur le long du Saint-Maurice. Souvent, dans mon téléphone, j’ai pas tant d’affaires que ça. Des fois je suis sur random, faque ça se promène entre plein d’affaires. Mais je te dirais Kurt Vile, Walking on a Pretty Daze, j’ai beaucoup aimé cet album. L’autre d’avant aussi, pis l’autre d’après aussi».
Ton plaisir coupable?
FF: «J’en ai pas mal plusieurs. J’ai des vers d’oreille. J’ai une maladie; j’ai une curiosité que quand je me souviens d’une toune, j’essaie de m’en souvenir, mais je ne m’en rends même pas compte. C’est comme une curiosité morbide. Je peux écouter la radio, pis pogner une toune, pis essayer de comprendre qu’est-ce que la personne avait dans la tête quand elle l’a faite. Faque ça me rend coupable de ben des affaires. C’est pas un plaisir, c’est plutôt une curiosité morbide et un masochisme assumés.»
V: « Comme les tounes de la Chicane… Ça t’arrives-tu d’en avoir dans la tête? »
FF: « Faut pas que tu le dises… Parce que là je vais me mettre à spiner de la Chicane dans’tête… Ben oui ça m’arrive! J’adore mon Boom! »
Quelle chanson aimerais-tu qu’on joue à tes funérailles?
FF:« Oh! Tabarouette! Je sais pas, je l’entendrai pas! »
Francis Faubert s’est produit pour la première fois à Québec au District rue Saint-Joseph dans le cadre de la série Apéro découverte du Festival d’été de Québec. Accompagné de Dany Placard à la basse et de Mat Vézio à la batterie, Faubert n’a pas déçu, au contraire.
Puisant essentiellement dans son album Maniwaki, paru l’automne passé et réalisé par Dany Placard, Faubert nous a servi une véritable volée de rock folk-garage. La chanson titre de l’album annonçait les couleurs du trio qui a donné une solide performance toute en profondeur. Le tone était pesant, rond et fort. Les solos de guitare rappelaient ceux de Freddie King. Complètement à sa place à la basse, Placard était beau à voir danser et jouer avec assurance. Il faut également noter l’excellent travail de Vézio (Antoine Corriveau) à la batterie.
Certains trouveront l’univers de Faubert «damnant», mais une dose de mélancolie et de douleur trouve définitivement sa place dans un contexte de fin d’hiver. Parolier de la trempe de Fred Fortin, il a su nouer les gorges avec la pièce Chaque fois, qui partage la même charge émotive que la chanson Batiscan de Keith Kouna. La veille du spectacle, Faubert a dévoilé le vidéoclip de la chanson Moman; véritable appel à l’aide d’un homme vulnérable qui demande à sa mère de prier pour lui. L’entendre live a été toute une expérience. C’était deep rare.
Somme toute, l’auteur-compositeur-interprète a donné une très belle performance touchante et on espère le revoir à Québec dans un avenir rapproché.
Le mois passé, Jason Bajada sortait Volcano au centre Phi, à Montréal. Personnel, l’album se veut le témoignage d’une histoire d’amour, des débuts lover aux épisodes tourmentés qui mèneront à la rupture. C’est à la Ninkasi rue Saint-Jean que j’ai eu le plaisir de rencontrer l’auteur-compositeur-interprète qui était de passage à Québec pour présenter un spectacle à l’occasion du Off-Rideau.
Précédé de Le résultat de mes bêtises (2013), Volcano est le deuxième album francophone en carrière pour Bajada. Oscillant entre l’anglais et le français, il croit qu’il est extrêmement difficile ou extrêmement facile d’écrire dans les deux langues: «Il y a des périodes de 5 mois pendant lesquelles je n’écris pas du tout alors qu’il y a des chansons sur l’album qui ont été écrites en un après-midi. Ce n’est jamais la même chose. Ça dépend du moment.» Il reconnait toutefois que c’est un Art d’écrire et qu’il a hésité longtemps avant de le faire en français, croyant qu’il ne le maîtrisait pas assez bien. «Pour chaque Leonard Cohen, il y a un Alain Bashung», dit-il. Au départ, il avoue avoir souffert du syndrome de l’imposteur jusqu’à ce qu’on le rassure sur la qualité de ses textes et qu’on lui rappelle qu’il a passé 50% de sa vie en français puisque c’est la langue maternelle de son père et qu’il a fréquenté les écoles francophones. Bajada a vite réalisé que les mécanismes étaient les mêmes dans les deux langues et qu’il suffisait de ne pas over thinker l’exercice.
Inside the volcano
L’album Volcano a été écrit, en partie, dans des circonstances difficiles où Bajada baignait dans l’anxiété pour la première fois. Comment est-il arrivé à transformer ce sentiment paralysant en un outil de création? L’artiste raconte qu’il était en période d’écriture lorsque les moments difficiles ont commencé: « Volcano est un peu comme Loveshit (2008). C’est un document sur une relation amoureuse principalement. En revisitant l’album, je réalise qu’il y a des chansons super positives, lover et belles.» dit-il. «Ensuite ça se gâte au milieu de l’album avec la chanson Tiens le coup.» Cette pièce a d’ailleurs été composée le soir même où les véritables troubles anxieux ont fait leur apparition dans sa vie. Profondément ébranlé par l’expérience, il avoue n’avoir pas eu le choix de traiter le sujet: «Quand ça va pas bien, j’écris. C’est ce que je fais dans la vie.»
L’anxiété n’a pas seulement teinté la relation amoureuse qu’il entretenait avec son ex-copine. Elle a également fauché son meilleur ami atteint de troubles anxieux. La chanson Jean-François lui est d’ailleurs dédiée et raconte l’histoire d’un homme qui semble heureux et en possession de ses moyens alors qu’il est sur le bord de l’éruption, comme un volcan. Forcement, l’année 2014-2015 a été un annus horribilis pour Bajada qui a finalement trouvé la sérénité au fond d’un volcan lors d’un voyage salutaire en Islande. «Je suis parti en voyage en Islande après que l’album soit terminé. Tous les parallèles ont été faits dans le cœur d’un volcan que j’ai exploré lors d’une activité à Reykjavik qui s’appelle Inside the Volcano. C’est dans le fond de ce volcan que je me suis senti le plus serein pendant mon année, même si c’est une situation qui pourrait être désastreuse. La métaphore était puissante. C’est là que j’ai trouvé le titre de l’album et la photo de la pochette qui est une photo prise avec mon iPhone au début du voyage», confie-t-il.
Les influences musicales
Pendant l’écriture de Volcano, Bajada raconte qu’il écoutait beaucoup l’album de The War on Drugs, Lost in a Dream : « J’avais envie de ce genre de train Bruce Springsteen-là, comme justement le premier extrait, Pékin, et la chanson Tiens le coup. Ce sont des chansons qui, pendant 6 minutes, avancent comme un train à 160 bpm». Il tenait quand même à conserver son range de voix et le côté mélancolique qui lui ressemble et qui traduisait la période qu’il traversait. Selon lui, changer le rythme stimule la créativité et l’écriture. «Je me sens hyper bien de chanter Pékin, même que j’ai l’impression que c’est mon vieux stock. Pourtant, je n’ai jamais composé des chansons aussi rapides», dit-il. Bajada ajoute qu’il a également beaucoup écouté l’album Are We There Yet de Sharon Van Etten : «Je ne sais pas, elle m’a saisi avec son album et son EP I Don’t Want to Let You Down».
En studio avec de grosses pointures
Jason Bajada était très bien entouré lors de l’enregistrement de Volcano. Il a pu compter sur Samuel Joly à la réalisation et à la batterie, sur Alexandre Lapointe à la basse (The Brooks), sur Oliver Langevin à la guitare (Galaxie), sur Joss Tellier à la guitare également, sur François Plante et sur François Lafontaine au clavier (Galaxie, Patrick Watson). Marie-Pierre Arthur et Stéphanie Lapointe ont également prêté leur voix. «Il y avait de quoi faire de la magie avec les musiciens qui étaient dans la pièce!», affirme Bajada. Il a eu cependant quelques difficultés à se détacher de ce qu’il avait composé sur les maquettes. Le propos de l’album était très personnel : «Je suis arrivé au studio avec des maquettes sur lesquelles il y avait du drum, de la basse et de la guitare électrique. J’en ai beurré épais, il y avait du stock!». Or, il a vite fait de laisser beaucoup de place aux musiciens : «C’était le bout le fun, le bout hors de mon control. Même si c’était difficile et que je devenais insécure parce que je ne reconnaissais plus mes maquettes. On a jamé, on a exploré. Je savais que je pouvais leur faire confiance».
Jason Bajada s’est livré au questionnaire musical avec enthousiasme et on a découvert des réponses surprenantes.
Qu’est-ce que tu écoutes dans ton char?
Ça varie, mais cet après-midi, dans mon char, j’écoutais The Replacements.
Quels sont tes classiques?
Its a Wonderful Life de Sparklehorse est mon album île déserte. Je vais dire XO d’Elliott Smith aussi. N’importe quel album des Lemonheads. Doolittle des Pixies. The Hour of Bewilderbeast de Badly Drawn Boy. Il y en a tellement! N’importe quel album de Kanye West.
CD ou Vinyle?
Vinyle! Je ne vois pas l’utilité du CD. Avec l’achat d’un vinyle, t’as un download code. La relation physique avec l’objet (vinyle) est plus importante qu’une playliste.
Plaisir coupable?
C’est vraiment des trucs que j’assume et que j’adore, qui ont été des influences pour moi. Ce sont des trucs qui ne sont pas cool d’aimer, mais je ne ferais pas de musique aujourd’hui s’ils n’avaient pas existé. Counting Crows, August and Everything After. C’est le plus bel album ever! J’ai adoré les Goo Goo Dolls aussi. Ces temps-ci je dois t’avouer que j’écoute beaucoup de Drake.
Morts et enterrés depuis neuf ans, les Goules ont largué une bombe la semaine dernière en sortant leur nouvel album, Coma. Pour l’occasion, j’ai rencontré Rabin Kramaslabovitch et Keith Kouna dans une ambiance décontractée au Valentine sur la 3e avenue à Limoilou.
Les jams du samedi à l’origine de la résurrection
La sortie inattendue de Coma a naturellement soulevé quelques questions. On se demande d’ailleurs depuis combien de temps les Goules travaillaient-ils sur l’album: « Ça faisait un bout qu’on savait qu’on allait faire un disque. Le disque est fini depuis le mois de décembre! », raconte Kouna. Les membres du groupe, qui sont aussi de vieux chums, n’ont jamais cessé de se voir. Or, c’est un peu avant le départ de Kouna pour la France, il y a trois ans, qu’ils ont commencé à se retrouver tous les samedis pour pratiquer et composer des chansons: «On le faisait tranquillement, il n’y avait pas de pression pour sortir un disque, il n’y avait pas d’urgence. On faisait ça une toune à la fois», dit Kouna, «du moment où on a commencé à faire des p’tits jams les samedis et qu’il y a eu des affaires le fun qui en sortaient, on se disait que la fibre était encore là.» Rabin précise que ça allait de soi de continuer le processus puisque les musiciens avaient du plaisir et produisaient du matériel intéressant. Par ailleurs, les Goules ont été très discrets sur leur éventuel retour. Kouna explique: «On ne voulait pas se donner de pression. On n’en avait pas eu du tout et on voulait éviter d’être affublé de questions et de demandes. On était enterré et mort. Ça ne nous tentait pas de revenir tranquillement, on voulait revenir d’une shot.»
En studio
L’album a été enregistré au Wild studio à Saint-Zénon (Lanaudière) avec Pierre Rémillard à la prise de son et Vincent Gagnon à la réalisation. Le Wild est un endroit très apprécié des musiciens, notamment pour sa localisation reculée dans la nature où les distractions sont rares. «C’était la première fois qu’on avait une subvention pour taper un disque et c’était la première fois qu’on avait accès à un vrai studio. On a checké deux ou trois options et on s’est dit que tant qu’à avoir des sous pour s’offrir un studio professionnel, ben on va y aller», dit Kouna, « on en a jasé avec Vincent et ça été un choix de band de s’en aller à Saint-Zénon.» Rabin ajoute que l’envie de travailler avec Pierre Rémillard, reconnu comme étant un très bon producteur, penchait beaucoup dans la balance. « On regardait avec qui on voulait travailler. Il y avait quelques noms, mais Pierre fittait avec le rock des Goules», avoue Kouna.
La réalisation
Pianiste jazz de Québec et pianiste de Keith Kouna depuis huit ans, Vincent Gagnon signe la réalisation de l’album. Comme l’univers musical des Goules contraste définitivement avec celui de Gagnon, on se demande par quels moyens les deux parties ont réussi à travailler ensemble. «On connaissait bien Vincent à cause de la collaboration qu’il avait avec Kouna», raconte Rabin, «je pense que c’est quelqu’un qui s’adapte bien, qui est ouvert d’esprit et c’est un très bon pédagogue.» Kouna croyait qu’il était le choix idéal pour les Goules parce que « Vincent est tellement structuré. On se mettrait tous ensemble et on n’aurait pas sa structure. Il est arrivé au studio avec un immense tableau sur lequel était écrit tout ce dont on avait à faire. Il est hyper calme et ne part pas su’a brosse.» Gagnon maintenait l’équilibre et son implication dans le projet était totale. Ayant «une bonne tête de musique, au clavier comme à la rythmique», Gagnon a entre autres misé sur la constance du rythme et a travaillé beaucoup avec le batteur. «Il a été vraiment excellent», affirme Kouna.
Quand Kouna écrit
On le sait, Keith Kouna possède un talent pour les mots. Il est d’ailleurs derrière les textes de Coma. Rabin tenait à dire que « quand Kouna était avec nous, ce qui était intéressant, c’est qu’il marmonnait souvent un peu n’importe quoi. À un moment donné, il y avait un mot qui sortait, comme coma justement. Il improvisait. Il est magnifique pour trouver des mélodies vocales sur le rock.» Kouna procède beaucoup par improvisation et apprécie composer pour les Goules: « Avec les Goules, je peux faire éclater le je et je me décolle de moi-même. L’univers des Goules me permet d’aller n’importe où, tout est permis et c’est franchement agréable. Je m’ennuyais de ça.»
Les spectacles à venir
Les Goules se produiront en spectacle dans les prochains mois et s’arrêteront au Cercle le 29 avril prochain. Comme le groupe est reconnu pour donner des shows complètement débiles, on peut se demander à quoi s’attendre: « C’est sur que la première stretch qu’on va faire va être dans les bars ou les petites salles. Il n’y aura pas de figurant, mais on va se débrouiller pour donner des shows assez intéressants», nous promet Kouna. «Un grand retour au 5 ans d’âge mental» renchérit Rabin. Les spectacles des Goules sont des exutoires, un gros «Fuck Off!» comme le disent Kouna et Rabin. C’est pourquoi, selon eux, ils ont réussi à créer un bassin de fans fidèles qui a permis aux Goules d’accéder au statut de groupe culte.
J’aime beaucoup terminer les entrevues avec un questionnaire qui permet de connaître les habitudes musicales des artistes qu’on aime. Kouna et Rabin se sont livrés au jeu et les réponses sont étonnantes et savoureuses.
Quel est votre album culte?
Rabin: King for a Day… Fool for a Lifetime de Faith No More. Je te dirais que c’est un album qui joue souvent, partout.
Kouna: Je ne sais pas si c’est mon album culte, mais c’est définitivement l’album que j’ai écouté le plus souvent depuis quelques années; Either/Or d’Elliott Smith. J’y reviens toujours. C’est le meilleur mélodiste depuis Lennon.
Qu’est-ce que vous écoutez quand vous êtes in the mood for love?
Rabin: Pour moi, Blues Funeral de Mark Lanegan et les albums de Mark Lanegan avec Isobel Campbell peuvent être de bons disques pour le in the mood.
Kouna: PJ Harvey, Let England Shake et Mark Lanegan Blues Funeral aussi.
Meilleure musique pour les roadtrips?
Rabin: J’aime bien tout ce qui est vieux métal pour les roadtrips. J’aime le vieux Metallica, le vieux Mötley Crüe, le vieux Maiden. Je veux pouvoir chanter dans mon char.
Val: As-tu essayé la bière d’Iron Maiden?
Rabin: Oui! C’est une bonne bière! Elle n’est pas trop forte.
Val: ah oui! Eh ben…
Kouna: Ah! du Hank Williams III. L’album Staright to Hell.
Dernier album que vous avez acheté?
Rabin: Un disque de Big Business que j’ai acheté en ligne. C’est un groupe qui ressemble beaucoup aux Melvins.
Kouna: Je pense que c’est Astronomie d’Avec Pas d’Casque.
Plaisir coupable?
Rabin: J’en ai pas mal. Lady Gaga, pour vrai. J’adore cette artiste. C’est quelqu’un de créatif. Elle a de bonnes mélodies et elle a l’air maître de ce qu’elle fait. Elle aime le métal et je trouve ça fantastique. C’est une artiste qui est très complète.
Kouna: Moi aussi j’ai le plaisir coupable «Lady Gaga». Pas mal moins depuis un bout de temps.
Rabin: Moi, quand j’entends Bad Romance, je suis content.
Kouna: Sinon, il y a le chanteur qui chante comme une chèvre.
Rabin: Alain Bashung?
Kouna: Non, celui qui chante «Mon espérance à moi»… JULIEN CLERC! Quand la toune passe à la radio, je suis satisfait.
Quelle chanson aimeriez-vous qu’on joue à vos funérailles?
Rabin: Si je meurs avant Kouna, je lui ai demandé de jouer Déo pour que le monde pleure. Sinon, j’aime bien Angel of Death de Slayer.
Kouna: Angel of death de Slayer ou du Electric Wizard. Bof, je mettrais Folk. (chanson à saveur incestueuse tirée de l’album Coma)
Rabin: Ou Kouna qui chante Pour que tu m’aimes encore de Céline Dion.