La gang de Ville-Marie venait nous dévoiler la nouvelle galette écléctique POGOGO samedi dernier! C’est chez leurs amis du Pantoum qu’ils ont étalé leurs panoplies de textures éléctroniques. Talfast, duo électro éclaté rimouskois, s’occupait de réchauffer le plancher sous nos bas de laine.
Talfast
Décrire l’ambiance d’une prestation deTalfast, ouvrant pour Bad Dylan, n’est pas l’exercice le plus facile en ville. Néanmoins, la paire Bas-Laurentienne nous en met plein les oreilles. En toute humilité stylistique, je dirais que leurs épopées musicales gigotent entre le «chiptune» futuriste et le «Dubstep».
«Je sais pas si vous avez remarqué, mais on joue du clavier»
J’y vais rarement de comparaison du genre, mais leurs sons me fait drôlement penser à The Glitch Mob. On peut clairement affirmer que les gars sont amateurs de jeux vidéos rétros par les trames en 8-bits qu’ils produisent. Les principaux intéressés, Antoine Létourneau-Berger et Robert Auclair adorent aussi les cassures de rythmes. Passant d’une aventure de science-fiction complètement désaxée sur fix my bike à une ballade numérique et progressive comme Collapse.
De façon déphasée, synthétique et accélérée, ils profitent du dernier tableau pour balancer du nouveau matériel.
Talfast nous propose une course contre la montre en 2075, la somme d’une belle découverte en ce samedi pantoumien.
Bad Dylan – Lancement de POGOGO
Dire que le dernier album de Bad Dylan n’est pas complexe serait un drôle de mensonge. Troquant la métropole pour rendre visite à leurs potes du Pantoum, le trio Bilodeau, Payant-Hebert, Pépin avait à peine joué ses premières notes alors que nous étions quasiment tous assis en tailleur.
Les trois gaillards nous ont subjugués de leurs nouveaux sons qui exploitent une multitude de couches électroniques. Explorant un nombre incalculable de styles différents, je dirais que que le disco et l’afrobeat sont prédominants dans l’ensemble de l’oeuvre. L’ambiance? En m’aventurant dans une analogie un peu folle, j’avais l’impression d’un party futuro-disco sur une île d’Hawaii. Les pistes Ain’t No sorry et Annunaki reflètent particulièrement cette vision.
Dans une prestation entièrement Instrumentale, ils ont joué la pièce Fièvre mentionnant qu’Anatole s’occupe habituellement du vocal. Respectant une certaine convention de longueur en terme de lancement, leur prestation de courte durée a été purement efficace.
L’univers de Bad Dylan est aussi très fort en textures, eux qui s’associent à l’artiste visuel FVCKRENDER. Normalement, c’est ce dernier qui aurait garni le décor lors du spectacle mais pour l’occasion, Émilie Tremblay s’occupait de l’impressionnant mur de néons en arrière-scène. Notons aussi la sono impeccable, une gracieuseté de Simon Provencher. Un remerciement notoire à Alice Cliche d’avoir prêté ses clichés pour le bien de notre cause!
On le sait déjà, toutes les fêtes deviennent magiques lorsque Gab Paquet et sa bande en prennent le contrôle. Cette année, c’est une véritable messe de minuit qui a eu lieu au Cercle le 14 décembre dernier. Le groupe présentait son spectacle pour une dernière fois en 2017 dans le cadre d’une mini-tournée de trois jours organisée par Le Pantoum. Et du monde, il y en avait à la messe !
Miss Sassoeur & les Sassys
C’est devant un Cercle bien plein que le lauréat du prix ecoutedonc.ca du Cabaret Festif – et, accessoirement, du prix du jury! – venait défendre son Gospel de Ruelles. Jacques Boivin, qui présentait le groupe, a sommé gentiment (Jacques : Ouin…) les admirateurs de Gab, certains plus incontrôlables que d’autres, de prêter l’oreille.
Une fois sur scène, la chanteuse et ses trois choristes se sont lancés dans leur introduction énergique, déballant leurs chansons à l’esthétique Motown avec beaucoup d’attitude et de dance moves. Leur musique, toujours aussi rafraîchissante, mélange la culture afro-américaine à notre propre bagage historique, avec des textes où se confrontent et s’entremêlent anglais, français et québécois.
On était heureux de réentendre leurs titres qui, pour moi, sont devenus de vrais vers d’oreille (Rythmitou, la Rengaine), mais aussi de découvrir leur nouvelle formule améliorée : lors des deux dernières pièces, un DJ les a accompagnés sur scène pour ajouter des beats à ce spectacle principalement centré autour des harmonies vocales. Une direction intéressante à prendre pour Miss Sassoeur & les Sassys, bien que quelques ajustements soient encore à faire.
Bien sûr, Gab Paquet n’allait pas faire les choses comme tout le monde. Bien sûr, il sait faire lever les foules. Bien sûr, ça allait être flamboyant. Mais on ne s’attendait pas à la vague d’énergie qui allait se déployer sur nous dès les premières pièces !
Pour comprendre cela, il faut d’abord savoir une chose. Avec les années, le public du chanteur de charme a évolué : je l’ai vu jouer autant sous le signe de la confidence devant des initiés en liesse que sur des scènes qui le livraient à un public encore à conquérir. Depuis, la Paquetmania s’est répandue hors des Cercles intimes de la star pour contaminer un public qui ne sait pas trop encore ce qui se passe. Le résultat se mesure lors de soirées comme celle de jeudi dernier, alors que la foule faisait littéralement pleuvoir ses acclamations sur le chanteur.
Dès Ton appel à frais virés, les spectateurs se sont donc déchaînés, certains arborant paillettes, pads ou autres signes de frivolité. Tout s’est ensuite enchaîné très rapidement, sans temps morts. Un vrai feu d’artifice avec ses moments flamboyants : Gab faisant du bodysurfing ou ne pouvant retenir sa joie, les récits nous menant de fil en fil aux chansons comme Soucoupes Volantes, etc. Et comme dans tout feu d’artifice, le bouquet final en a mit plein la vue (et les oreilles): après le grand succès Consommations, les musiciens se sont lancés dans une version disco rock de Minuit, chrétiens pour terminer en beauté avec un pot-pourri juste assez kitsch. Pendant ce temps, on sautait, on dansait, ou bien on chantait en chœur des paroles maintenant élevées au rang d’hymnes.
Pour moi, qui n’ai pas eu une dose suffisante de Gab Paquet cette année, ce fut une révélation: un spectacle encore mieux rodé, toujours plus dynamique, qui équilibre bien ses frivolités et ses performances musicales solides. Le groupe a atteint un autre palier de sa carrière et ça se sent. On leur souhaite de continuer sur cette voie en 2018, et on sait qu’on prendra plaisir à les suivre encore longtemps. Parce que la force de Gab Paquet, c’est de se tailler une place dans notre tête avec ses chansons, mais aussi dans notre cœur avec ses manières de charmeur.
Déjà en regardant la programmation, on savait que ça allait être quelque chose : Chocolat, Mauves, Cobrateens. Une soirée rock en perspective. Plusieurs ont d’ailleurs répondu à l’appel samedi dernier et c’est devant un Pantoum plein à craquer que Mauves a lancé le bal.
Mauves
Si la musique de Mauves a un côté tantôt plus dansant, tantôt plus planant, les quatre musiciens nous ont rappelé d’emblée l’essence fondamentalement rock de leur musique. Sous le jeu d’éclairages particulièrement élaboré de Kevin Savard et avec la drive de Jean-Etienne Collin Marcoux – qui remplaçait Charles Blondeau à la batterie, le groupe a commencé une J’ai tout essayé intense pour la terminer en envolée instrumentale quasi cathartique. C’était juste la première toune, ça ?
Eh oui, et les autres titres ont défilé avec le même aplomb, et ce pour le plus grand plaisir des spectateurs. Il faut dire que les gars de Mauves se démarquent chacun à leur façon en matière de présence sur scène. Samedi dernier, les deux guitaristes/chanteurs Alexandre Martel et Julien Déry ainsi que Cédric Martel, qui assurait le groove à la basse, nous l’ont encore rappelé.
Le set, qui était particulièrement équilibré, comportait des titres à dominante plus bluesé, comme Eh Fille, qui venaient contraster avec le rock soleil de Longtemps ou encore les complaintes planantes de Manège. Le tout s’est terminé avec XXIe – personnellement ma pièce préférée du moment – histoire de bien nous faire danser.
Cobrateens
Le trio québécois Cobrateens a tôt fait de changer l’atmosphère musicale du Pantoum avec son punk rock bien garage. «14 tounes, 20 minutes» et de l’énergie à revendre ! La recette parfaite pour faire brasser la foule, qui s’est rapidement exécutée (je ne sais pas pourquoi, il y avait un noyau d’éléments perturbateurs qui semblaient tous appartenir à un petit blogue de la Ville de Québec, mais lequel ?).
Et on a sauté, sauté, sous les cris et les exclamations de Roxann Arcand, qui donnait une bonne leçon à ses tambours pendant que le guitariste et le bassiste s’en donnaient aussi à cœur joie. Rien de mieux qu’un bon vieux punk de la première vague pour nous survolter.
Chocolat
S’en suivait le clou du spectacle. Pour nos lecteurs, Chocolat n’a même plus besoin de présentation. Les spectateurs se sont massés à l’avant de la scène pour accueillir ce groupe au rock solide et élaboré qu’ils semblaient déjà bien connaître. Pas étonnant que le groupe ait remporté, le lendemain, le Lucien de l’album rock de l’année au GAMIQ 2017.
À travers le chaos extatique de leur prestation, pendant laquelle on ne parvenait pas à tenir en place bien longtemps, on peut souligner l’énergie que Golden Age a donné aux spectateurs ou encore l’accalmie qu’ont causées des pièces telles que Fantôme – parce que tsé, parfois il faut juste s’arrêter de sauter et écouter avec fascination. Le groupe, comme le public, s’est montré enjoué et généreux, terminant son spectacle avec un jam retentissant suivi d’un long rappel de trois titres.
Bref, samedi dernier, les planètes étaient alignées et pointaient directement dans les murs du Pantoum. Des moments comme celui-là, on savait qu’ils étaient rares et précieux : c’était Noël à l’avance et le Pantoum nous offrait notre gros bonbon de l’année. Même les deux brasseurs de la micro Les Grands Bois de Saint-Casimir étaient de la partie avec une surprise maltée – de quoi célébrer cet événement grandiose. On en a profité jusqu’au bout pour en ressortir lessivés, mais heureux. Un bon vrai spectacle de rock, à saveur indépendante.
Chronique du vestiaire
Par Simon Provencher
Échos du premier vestiaire. L’arrivée se fait calmement, au compte-goutte même. Surprenant pour un spectacle qui promet d’être plein. Et il le sera. Les câbles croulent sous le poids des manteaux mouillés. Je me sers une sage portion de chili végétarien et de cornbread. Après le passage des musiciens évidemment. On en avait visiblement prévu trop. On s’attendait à ce qu’Emmanuel Éthier dévore tout sur son passage mais il est trop lendemain de veille. Christophe taponne un peu le violon, quelqu’un joue du piano dans le studio toute la soirée.
Je vais voir un peu Mauves et Cobrateens quand j’ai le temps. Je me demande quel band sent le moins bon et je conclus que peu importe l’odeur de Cobrateens ça peut pas battre l’haleine de Julien de Mauves. Je monte pour « Ah ouin » et pour les premières notes de la dernière pièce. Jimmy mentionne que c’est la dernière pièce. Pas de temps à perdre, je grimpe sur les épaules d’un ami et je m’adonne à un rapide crowdsurf vers l’arrière de la salle. Route express vers le vestiaire avant la cohue.
Si les gens arrivent calmement, ils veulent tous repartir en même temps les maudits. Les renforts arrivent au moment où le chaos éclate. Laurence attrape habilement les numéros, Émilie part à la recherche des manteaux perdus, je me prends une petite cuillère de chili et je finis ma bière. Sciences Nouvelles de Duchess Says joue dans le tapis. La tension est palpable. J’ai trop mis de piments broyés. Je vais aux toilettes jusqu’à ce que le calme revienne, dans mes mouvements gastriques comme dans le vestiaire.
Pendant l’hiver, les Nuits Psychédéliques ne chôment pas. On a eu droit vendredi dernier à un rappel de deux groupes de l’édition 2017, les bien nommés DEAF et Double Date With Death. Les compères Sam Murdock et Jean-Sébastien Grondin de la formation Oromocto Diamond ont assuré l’ouverture de la soirée en 14 minutes 30 bien sautillantes. Le 2ème duo DEAF est allé directement dans le bruit et la fureur, à coup de voix sous échos et riffs bien placés. Double Date With Death conclua la soirée avec brio avec leur punk rapide et dynamique, parfois planant.
C’était très bien.
Des photos type psychédéliques sont juste en-dessous.
Vous savez, le mois de novembre n’est facile pour personne. C’est d’ailleurs dans le réconfort de mes joggings que je me présentai au spectacle de vendredi dernier au Pantoum, après une semaine de dur labeur. Fort heureusement, les groupes invités ont contribué, chacun à leur manière, à mettre de la couleur dans ce novembre noir et blanc. Compte-rendu d’un spectacle bouillon de poulet pour l’âme.
Dundee
C’est en intensité qu’a commencé notre soirée musicale. Les musiciens du groupe Dundee ont réveillé nos tripes avec leur mélange équilibré de funk uptempo et de Hip-Hop saveur oldschool. Le résultat avait la caractéristique intéressante d’être à la fois laidback et rythmé.
Avec des titres comme Le groove du 819 ou encore Le funk qui cogne, Dundee nous a fait opiner de la tête et oublier peu à peu nos tracas. Leurs compositions originales, principalement en français, étaient ponctuées de moments où, tour à tour, les musiciens pouvaient se mettre en valeur. Le chanteur pouvait tantôt mitrailler ses rimes ou bien chanter de sa voix élastique, tandis que le guitariste se gâtait des soli aux sonorités jazz. Le bassiste et le batteur ont aussi pu, en de plus rares occasions, afficher leurs couleurs pour notre plus grand plaisir.
Accompagnée par ses bélugas batteur et bassiste, Fria Moeras a fait une entrée en toute simplicité et avec humour (moi, les jokes de béluga/bélufille, je trouve ça drôle). Ceux qui n’ont pas été convaincus par ses blagues l’auront du moins été par sa musique : un folk rock qui explore doucement les dissonances. Que ce soit en rockant avec intensité ou en chantant sa mélancolie en solo, elle a progressivement conquis (et fait taire, Dieu merci) les spectateurs les plus rébarbatifs.
Assez complètes sur le plan des influences musicales – pigeant autant dans le reggae que dans la valse – les compositions de l’artiste de Québec se démarquaient par l’attrait de leurs mélodies aux couleurs énigmatiques.
Comme à son habitude, le Pantoum a fait dans l’inhabituel : si on a commencé la soirée avec un groupe particulièrement dansant, on s’est progressivement rendus jusqu’à la vibe beaucoup plus planante et reposante de Lumière. Tout en étant très enjouée, la musique du groupe Montréalais comportait quelque chose d’essentiellement contemplatif. Résultat : le public pantoumien, toujours prêt à se prêter au jeu, s’est assis bien confortablement au sol pour apprécier le moment.
Et il en fallait de l’attention pour capter toutes les subtilités colorées des 7 musiciens, la plupart multi-instrumentistes. Clavier, guitare, banjo, xylophone, violon, violoncelle, clarinette, triangle, égoïne, flûte traversière venaient se poser sur les textes poétiques d’Étienne Côté (Nicolet, Canailles, Diptyque) avec la sensibilité d’un jardin de fleurs. Il n’y a pas à dire, Lumière, c’est un nom parfait pour un groupe qui explore ainsi toutes les finesses du spectre sonore.
Or, s’il savait faire dans la douceur, le groupe a néanmoins montré à quelques reprises qu’il parvenait aussi à maîtriser le groove voluptueux inspiré des hippies de Woodstock. Bref, les musiciens ont donné un spectacle captivant – leur premier à Québec avec Lumière – et on espère que ce sera le premier d’une longue série.
Pour sortir au Pantoum en ce 10 novembre hivernal, j’ai non seulement revêtu ma tuque, mais aussi mon passé de tripeuse de Vans Warped Tour et de métal. Compte-rendu musical des tréfonds torturés de l’âme d’Albatros (Québec) et de Charrue (Trois-Rivières).
Albatros
Albatros nous a d’abord garoché son set dans la face. Pas beaucoup de sursis avec leur punk rock énergique et saccadé. Des rythmes changeants, mais presque toujours en accéléré, soutenaient les cris pressants du chanteur. On avait droit au traditionnel trio batterie-guitare-basse, auxquels trois cuivres venaient ajouter des notes mélodiques ou joyeuses. Six musiciens gonflés à bloc (et en chemise, de surcroit) qui se sont donnés autant aux instruments qu’en discutant avec le public comme si on était dans leur salon – rien de plus casual.
Charrue
Charrue a ensuite installé son ambiance, sensiblement différente de la première. Avec la moitié moins d’effectifs (retour au trio traditionnel avec un extra clavier manié par le percussionniste), le groupe a fait planer son langoureux mal-être musical. Beaucoup plus mélodique que le groupe précédent – et cela tient sûrement beaucoup du fait que la voix agile du chanteur était étonnamment puissante et claire à la fois – Charrue jouait avec la lenteur, combinant la brillance des aiguës et le vrombissement des graves. Du bon rock stoner qui sort assez des standards établis pour capter l’intérêt. Ils ont joué l’intégrale de leur tout nouvel album, composé de pièces entremêlant l’anglais et le français pour nous rappeler nos pires break-ups et autres tourments.
On s’attendait au grandiose – rien de moins – à l’occasion du dernier spectacle d’Anatole tel qu’on l’avait connu jusque-là. Le squelette dandy a bien sûr choisi de faire les choses à sa manière : pour souligner la mue de son avatar et annoncer la nouvelle bonne nouvelle musicale, Anatole s’est mis en scène successivement au Bal du Lézard, puis au Scanner. Compte-rendu d’un spectacle audacieux, aux retentissements quasi bibliques.
Ancien Testament
Comme autour de la table lors du dernier repas, les fidèles du royaume de la Nouvelle L.A. furent nombreux à se masser devant la petite scène limouloise du Bal. L’endroit, bien choisi pour son aspect intime et initiatique, accueillit bientôt le divin prophète et ses apôtres, dans leur habituel accoutrement squelettique et éthéré.
C’est avec ce qu’on aurait pu appeler l’énergie du désespoir – de la dernière fois – que le groupe se lança. Enfilant les unes après les autres les pièces de L.A. / Tu es des nôtres, les musiciens s’en donnèrent à cœur joie tandis que, parmi la foule, le chanteur choisissait ses victimes. Dansant, crachant, foudroyant du regard l’auditoire, Anatole faisait exploser les barèmes d’intensité. En symbiose avec les mains habiles de ses instrumentistes, qui manipulaient les pièces avec expertise, il nous fit atteindre les sommets de la grâce sur Grosse Massue, pour ensuite nous faire plonger dans l’abîme avec Le grand sommeil.
C’est à ce moment que survint sa chute. Des convulsions prirent la vedette, qui se débattit jusqu’au dernier instant pour nous livrer son message lyrico-prophétique. Soudain, il s’affala dans un tumulte musical de plus en plus dissonant. C’était la fin d’une ère. Procession funèbre jusqu’à la sortie du Bal, où l’on emmena le corps, l’âme en peine. Mais déjà, un soubresaut d’excitation électrique parcourait les spectateurs : cette mort marquait un passage, le début d’autre chose…
Nouveau Testament
Passèrent donc les fidèles du Bal du Lézard jusqu’aux sombres anfractuosités du Scanner, lieu propice aux révélations dionysiaques. De nouveaux visages apparurent aussi. En moins d’une heure, la nouvelle salle se remplit tout autant, voire bien plus que la première.
L’entrée en matière du groupe se fit en simplicité, sous la couleur de nouveaux costumes. Bien sûr, Anatole se fit attendre quelque peu avant de paraître, un habit glamour lui moulant le corps. Au son de la sensuelle Isaac, nos papilles auditives se réveillèrent lentement.
De l’ancien Anatole, le groupe a gardé le regard hypnotique de son chanteur, qui scrutait la foule en canalisant tous les regards. Il a gardé le son franchement eighties, qui s’est d’autant plus assumé dans les nouvelles pièces présentées. Celles-ci redoublaient d’ailleurs d’inventivité sur le plan des motifs mélodiques ou rythmiques exploités.
Brandissant ses nouvelles pièces comme les Tables de la Loi, Anatole fit rapidement grimper l’intensité au tapis grâce à un mélange explosif de dansant et de percutant. Quelques classiques de l’ancien Anatole vinrent ponctuer les nouvelles révélations, au plaisir des fidèles qui pouvaient alors crier leurs serments en chœur. Suivant les lubies de la vedette tels de véritables pantins musicaux, les spectateurs subjugués se sont libérés de leurs réserves pour danser, hocher de la tête, sauter, crier.
L’apparition subite de ce nouvel Anatole devra nous contenter jusqu’en mai, nous a-t-il lancé en fin de spectacle, avant de faire ses adieux définitifs à la pièce Discollins. Et maintenant ? Il ne nous reste qu’à attendre le Jugement dernier, la mémoire empreinte encore des sensations extatiques de ce moment privilégié.
Halloween. Jour fatidique où, selon la légende, la paroi qui sépare le monde des morts de celui des vivants se fragilise. Par définition, c’est une soirée où tout est permis, où les costumes ajoutent à la frénésie du moment. Un moment magique. C’est dans cette ambiance que nous a accueillis le Pantoum le 29 octobre dernier. Si l’an dernier nous avions eu droit aux frayeurs du gore, cette fois c’est le mystique qui a pris l’avant-scène – littéralement.
Pure Carrière
Pure Carrière était chargé de lancer le bal masqué. Accompagnés par Kenton Mail à la batterie, Jean-Michel Letendre Veilleux et Laurence Gauthier-Brown ont fait vibrer leur pop impressionniste juste assez déjantée. Bien qu’ils nous aient avoué avoir peu pratiqué ensemble, on pouvait apprécier la précision avec laquelle les rythmes du batteur venaient appuyer les lubies des deux autres musiciens.
Au cours de leur prestation, on a pu entendre quelques classiques comme Bolero, avec ses «Ben oui, ben non !», ou encore Né Fucké. Mais le groupe nous a aussi fait cadeau de trois gros bonbons; si les trois nouvelles pièces présentées avaient toutes cette saveur rock-psych-slacker délavé qu’on aime, elles exploraient aussi des sujets originaux. À dire vrai, contrairement aux plateformes électorales des candidats à la mairie de Québec, des pièces telles que Ménage magique ou Hiro nous parlaient de sujets qui nous intéressent vraiment et qui nous concernent. Sérieusement, tout le monde aimerait se réveiller et que son ménage se soit fait tout seul, non ?
Place à la magie !
Après cette belle entrée en matière, le public a profité d’un moment de pause pour discuter et boire dans l’ambiance chaleureuse du Pantoum. Comme chaque fois, on s’est retrouvés à mi-chemin entre le party de famille, la soirée dans une confrérie d’étudiants et le spectacle émergent classique. On a pu admirer les costumes des spectateurs et du personnel jusqu’au moment de l’entrée sur scène de L’Étrange Ray.
L’Étrange Ray – communément appelé Monsieur Dionne – c’était la petite douceur que le Pantoum nous offrait cette année : eh oui ! pourquoi pas un spectacle de magie entre deux sets musicaux ? Littéralement massés devant la scène, les spectateurs incrédules ont observé le drôle de bonhomme qui s’exécutait devant eux d’abord avec un regard sceptique, puis successivement amusé, étonné, surpris et hilare. On a eu droit à tous les classiques – la pièce de monnaie, les cartes, les foulards… – et encore plus. De quoi faire plaisir à la majorité.
Choses Sauvages
Malgré tout, l’envie de faire la fête et de danser nous démangeait bien fort au moment où Choses Sauvages est finalement monté sur scène. Et on a été servis ! Les ayant vus pour la dernière fois en compagnie d’Anatole au Sous-Sol du Cercle il y a belle lurette, je ne pouvais savoir à quoi m’attendre. Quelle n’était pas ma surprise de les voir débarquer habillés tout pareil comme les apôtres du squelette dandy, le chanteur parodiant Anatole lui-même ! Sur cette belle blague d’Halloween, le groupe s’est lancé dans un tourbillon de musique entraînante et irrésistible.
Avec maintenant six musiciens sur scène, Choses Sauvages savent doser parfaitement le groovy et le planant, maniant autant la flute traversière que les synthés ou encore les classiques guitares et basse. Le groupe a présenté par pelletées ses nouvelles chansons – cette fois en français, s’il vous plait! On a notamment pu reconnaître l’Épave Trouée, un simple paru l’année dernière. Les chansons les plus marquantes restent celles qui, ralentissant le rythme, se sont mérité le titre de «tounes sexy». Mais impossible de réentendre ou connaître le nom de cette musique enivrante qui, distribuée seulement aux fidèles spectateurs, sera éventuellement cristallisée sous la forme d’un album à paraître l’année prochaine.
J’aimerais vous en dire davantage, mais j’étais bien trop occupée à danser pour prendre des notes ! Le tout s’est fini de façon improbable sur un medley de Green Day avec un mosh pit rempli de couleurs et d’étoffes déguisationnelles. De quoi bien finir cette soirée carnavalesque.
Des triples lancements d’albums, en plus d’être un évènement plutôt rare, c’est pas mal badass, on peut se le dire. C’est donc sous cette thématique que se remplissait le Pantoum, en un vendredi soir d’octobre sous le coup de l’été indien, qui malheureusement ne fut pas un argument suffisant pour remplir l’endroit comme on l’avait déjà vu par le passé. Mais bon, lancer des albums en famille, qui a dit que c’était un désastre ?
Félix Dyotte
Ce qu’on voit : 21 :30 tapantes, Félix monte sur scène. J’utilise « monte » puisqu’il était tout bonnement à travers la foule durant les secondes précédentes. On se rend rapidement compte que ce sera une performance solo, où on aurait pu s’attendre à voir une guitare acoustique comme seul outil. Mais détrompez-vous, c’est armé d’une machineà séquence que M. Dyotte s’élance. Au volant de sa Jaguar (la Fender), il lance les premiers accords de Je cours, où les chansons se suivront tels que sur l’album tout au long de la performance. On sent que le stress qui habite l’artiste aux premières notes dépasse sa timidité habituelle, mais cela s’estompera à l’instant où il aura la chance de parler avec le public, à la fin de sa première chanson. La suite n’est qu’envol et aventure
Ce qu’on entend : Une French touch habite définitivement le cerveau de Félix Dyotte. Des synthés aériens, des percussions voguant sur le surf rock ; Félix Dyotte tisse finement les mailles de ses textes, vocalement ajusté comme des yoga pants à chaque son que crache sa guitare. Au volant de sa Jaguar, il nous transporte loin… Sur une route de la Côte d’Azur, vignoble d’un côté, Méditerranée de l’autre. Les progressions guitaresques de Dyotte nous démontrent que l’on a droit à un grand musicien, et d’autant, sinon plus, à un énorme parolier.
RALEIGH
Tout droit descendus de Calgary pour nous présenter Powerhouse Bloom, les quatre membres de RALEIGH ont rapidement fait de dénouer la tension et la gêne qu’un public peut sentir en début de spectacle d’un groupe qu’il n’a jamais vu. Le quatuor, bien en contrôle, nous a rapidement mis dans une ambiance de local de pratique, où peu de gens auraient pu croire que leur album n’est âgé que d’un mois.
Musicalement, Raleigh se pose sur une fondation en forme de rock rempli de surprise et d’envolée atmosphérique, naviguant entre le jazz et le post-rock. On a devant nous un violoncelle qui semble étirer le temps, la naïve voix du chanteur Matt Doherty qui meuble l’espace, celle de la violoncelliste Clea Anaïs qui l’agrandit. On assiste à une œuvre complète, où RALEIGH construit monde après monde, et nous amène de l’un vers l’autre sans avertissement.
« When did rock and roll become a costume party? Chi-chi in the songs and all the homies, heartless Friends are more than gone, at least the drugs still want me Oh, when did rock and roll become a costume party? »
Nicolet
Personnellement, j’aurais surement choké un peu à l’idée de prendre la scène après ces deux performances… C’est une problématique qui n’a pas semblé affecter Étienne Hamel, qui s’est emparé de la scène en moins d’une seconde. Équipé de deux autres Étiennes, d’un Nathan et d’un Guillaume pour présenter son projet solo, le groupe a abordé l’album en spectacle comme s’ils l’avaient composé ensemble.
C’est une performance qui va dans tous les sens (mais dans le bon sens). Bien ancré dans le rock alternatif et teinté d’une pop émanant des synthétiseurs qui l’entourent sur scène, Hamel nous chante le quartier Hochelaga, tout en prenant quelques pauses folk pour nous parler de ses amours et de ses peurs, mais finit toujours par nous ramener vers une tendance funk, même lorsqu’il « met la pédale funk à off », comme il l’a lui-même dit. 45 minutes de pur bonheur où le groupe et le public s’en donnent à cœur joie, unis par le son généreux de Nicolet.
Appel à tous les marcheurs et marcheuses de ce monde : Mettez immédiatement l’album Hochelaga dans votre playlist « I would walk 500 miles » ; une valeur sûre pour accompagner ses pas. Je dis ça mais je dis rien…
AVANT-GARDE : Mouvement, groupe littéraire, artistique qui est à la tête des innovations, des progrès et qui souvent rompt avec le passé.
Préface
Juin 1967. Les Beatles révolutionnent l’industrie du disque avec la sortie de leur album concept Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Le disque compte aussi nombre d’innovations techniques qui influencent encore les sonorités de groupes actuels. Septembre 1969. Abbey Road et sa célèbre pochette. Sur le disque, on entend Georges Harrison au Moog, un synthétiseur qu’il contribue à populariser. Derrière le groupe mythique, les admirateurs passionnés qui les ont portés et qui leur ont permis de marquer l’histoire. Sans parler de King Crimson, Van der Graaf Generator, Genesis, Harmonium… 1969, 1967, 1967, 1972… Le bon vieux temps, quoi ?
J’ai un secret pour vous. Vous qui êtes passionnés par l’avant-garde d’avant. Il y a encore une avant-garde aujourd’hui, des musiciens impressionnants, des moments magiques où la musique se décloisonne pour trouver un nouveau chemin. C’est ce que le Pantoum a voulu démontrer samedi dernier en présentant une programmation audacieuse pour l’ouverture de sa sixième saison de spectacles. Alors, cessons de nous apitoyer sur la fin d’une époque et prêtons l’oreille à celle qui commence.
Devant nous, un homme et ses machines : des amplis entassés près d’une table où l’on retrouve nombre de molettes dont le fonctionnement m’échappe. Jeux complexes de retour de feedback. De cet hybride s’échappe une grappe de sonorités aux couleurs d’une violente vivacité. Les basses obscures jurent avec les fréquences aigües et suraigües qui écorchent l’oreille par leur brillance.
Drone, électro, atmosphérique…appelez ça comme vous voulez. C’est surtout une expérience éprouvante, bouleversante, aux confins de la musique. On cherche à s’accrocher au rythme qui se dessine puis qui envoûte par sa pulsation. On se perd dans la forêt de sons qui ne se suivent pas. Le chanteur de SUUNS réussit ici encore, en projet solo, à faire sortir de la musique une force brute, magnétique comme le regard d’un serpent.
CHIENVOLER
Après avoir pris une grande bouffée d’air frais dehors, on est prêts pour CHIENVOLER. Ça promet : ils ont tellement d’instruments que la scène déborde dans la moitié de la salle. Les six musiciens s’installent et l’aventure commence…Ce qui suit est indescriptible.
Le groupe semble n’avoir qu’un seul corps – comme une hydre à six têtes et je ne sais combien de bras qui explorent les subtilités d’une même rythmique interne. Les influences qui ressortent du mélange sont aussi diverses que les instruments utilisés (saxophones, clarinette basse, bağlama, synthés – pour ne nommer que ceux-là). C’est plus que du prog, c’est une musique de chimère.
Le Moog (salut Georges Harrison) rappelait le «bon vieux temps» ; le saz faisait voyager au Moyen-Orient ; les mélodies éclatées aux bois faisaient écho aux soli endiablés de Charlie Parker ; un bref épisode a capella, clin d’œil au flamenco ; les rythmes élaborés faisaient honneur à Igor Stravinski. Et ce ne sont que quelques facettes de cet énorme polyèdre qu’il nous a été donné d’entendre.
Le groupe a terminé avec une grande finale bien psychédélique qui nous a amenés au comble de l’extase. Heureux sont ceux qui ont pu assister à la chose, car apparemment les membres du groupe ne peuvent se réunir que rarement. Chapeau bas à Jérémi Roy (Esmerine, Bellflower), Félix Petit (FELP, Oblique, Yokofeu, Bellflower), Gabriel Godbout-Castonguay (Yokofeu), William Côté (Bellflower), Martin Rodriguez (Cabezón) et Alex Dodier (Shpik, Bellflower).
Recevoir le projet de Radwan Ghazi Moumneh dans les murs du Pantoum était une sorte de fantasme pour ses deux cofondateurs, Jean-Étienne et Jean-Michel. Accompagné par le projectionniste et cinéaste Charles-André Coderre, le musicien d’origine libanaise nous a présenté un univers où les instruments (en l’occurence le Buzuk) et les techniques vocales arabes rencontrent les synthétiseurs et l’esthétique électronique.
Les spectateurs sont restés captivés du début à la fin. Une expérience enveloppante, intense. Les mélodies élaborées du musicien avaient pour nous occidentaux une dimension presque mystique, qui était amplifiée par les effets sonores. Les projections ne faisaient que nous plonger davantage dans cet univers singulier. Tirées de cinq machines vintage (16mm) et de bobines maniées à la main, elles présentaient des images filmées et développées par Coderre. Même l’air chaud qui sortait des ventilateurs – on fait ce qu’on peut avec les moyens qu’on a – nous transportait dans un ailleurs éloigné.
Un des meilleurs spectacles du Pantoum
Le pari de l’audace était risqué. De leur côté, les organisateurs ainsi que les musiciens ont assuré : le spectacle était éclaté, de haut calibre et l’ambiance, agréable. Le public, celui qui a fait l’effort de se déplacer pour découvrir (ouf, c’est difficile !), en a vu de toutes les couleurs. Et les absents ? Vous connaissez le proverbe.
Oppressante, métissée ou éclectique, la musique qu’on a goûtée tenait certainement de l’avant-garde. Eh oui, il y a une avant-garde d’aujourd’hui. Une musique de demain. Mais y aura-t-il assez d’oreilles pour l’entendre ? Assez de bras pour la porter vers les sommets de l’histoire ?