S’attaquer à un disque de Serge Fiori, c’est un gros morceau. Un très, très gros morceau. À cause de la vie de l’homme. À cause de la légende. À cause du simple fait qu’il s’agit de l’homme qui a composé ce qui est selon moi le plus grand album de l’histoire du rock québécois (l’Heptade d’Harmonium, une oeuvre de génie du début à la fin). Alors, quand on écoute le premier disque en 28 ans de Serge Fiori, qui porte simplement son nom, on est un peu nerveux.
Écoutez, je vais sortir le méchant tout de suite, ça va être plus facile d’écrire le reste ensuite. Parce que oui, j’ai un peu de méchant à faire sortir.
Les paroles du premier extrait de l’album, Le monde est virtuel, m’horripilent. Rimes faciles, anglicismes inutiles. Ça m’a pris quelques écoutes avant de pouvoir me rendre au milieu de la chanson (là où ça commence à être vraiment intéressant). Je veux bien croire que les paroles sont inspirées des statuts Facebook de Fiori, il est tellement capable de mieux (comme il le montre plus loin). C’est très dommage parce que si on réussit à faire abstraction des paroles, cette chanson-là, écrite comme un clin-d’oeil à Harmonium avec l’usage de la douze cordes, des changements de rythme et des chants qui donnent des frissons, est musicalement fort intéressante.
Autre chose : on sent que Fiori était parfois tiraillé entre le plaisir d’offrir quelque chose de nouveau et le fait qu’il sait que ses fans seront nostalgiques. C’est joli, les clins d’oeil à Harmonium, mais une des meilleures chansons de l’album, à mon avis, est Démanché, un blues-rock entraînant avec sa petite touche de soul qui vient de la chaleur des cuivres. Quand on sait que ce nouvel album pourrait ne pas avoir de suite, c’est dommage.
C’est dommage parce que musicalement parlant, Serge Fiori est d’une beauté à couper le souffle. Fiori n’a pas perdu la main, loin de là! En fermant les yeux, on n’a aucun mal à s’imaginer Seule, une chanson touchante que Fiori a écrite pour sa mère. On avait oublié à quel point Serge Fiori a une voix magnifique. Chaude. Douce, même dans les moments les plus intenses, comme on le constate sur Jamais, qu’il chante en duo avec Monique Fauteux.
L’album est un savant mélange de chansons folk-pop aux refrains à chanter à l’unisson et de moments plus atmosphériques et introspectifs (ce qui n’empêche pas certains moments jouissifs, comme les dernières minutes de Laisse-moi partir où les cuivres donnent un caractère grave et solennel, ni des blues moqueurs comme Zéro à dix).
Alors qu’on connaissait Fiori surtout pour son jeu de guitare, c’est au piano qu’il opte de terminer cet album. Avec de la trompette. Et des cordes. Sur Si bien, Fiori termine sur une note optimiste. Lumineuse. Une fois l’album terminé, on se sent bien. On a même oublié les frustrations du début.
Que cet album soit entre nos mains aujourd’hui, il s’agit déjà d’une réalisation incroyable pour Serge Fiori. Pour cette raison, nous l’en félicitons. Quant à l’album lui-même, si on l’évalue au mérite, sur la même échelle que celui de Real Estate, de Kandle ou de David Giguère plus tard cette semaine, Serge Fiori n’a absolument rien à envier. Bien des gens viennent de trouver leur trame sonore du printemps (envoyez ces gens ici, il y a tellement de bons albums folk qui peuvent accompagner ce disque, on va leur en conseiller quelques-uns).
Vous savez quoi? C’est un excellent choix.
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Serge Fiori – « Serge Fiori » (GSI Musique)
8/10